La Tunisie a tous les atouts pour devenir un pays riche. Il faut pour cela que ses ministres cessent de se croire indispensables. Que les parasites et le parasitisme soient pourchassés sans pitié. Que les ouvriers acceptent d’aimer leur travail, respectent leurs outils, cultivent le goût du travail bien fait et de la bel ouvrage, et cessent de réclamer des primes de rendement négatifs et de se mettre en grève, leur seule gloire. Que les syndicats et les syndicalistes cessent de jouer aux maîtres chanteurs, et calment leurs ardeurs oratoires, pour mériter la nobélisation. Que l’administration se décide à interdire les interdits…
Par Farouk Ben Miled *
Le titre de ce billet paraphrase celui d’un journaliste libanais qui disait à propos de la République arabe unie (RAU), l’éphémère union de l’Egypte avec la Syrie : «Quand on s’appelle l’Egypte on n’a pas le droit de changer de nom.»
La presse, encore elle, nous apprend régulièrement par les chiffres les progressions de l’état des «bénefs» des banques de la place. Ces dits «bénefs» je les trouve indécents au regard du niveau de vie des citoyens qui s’appauvrissent à vue d’œil. C’est là une contradiction évidente et difficilement acceptable, et la floraison d’experts ou supposés comme tels n’ont rien entrepris dans ce sens.
Bien plus, ces mêmes experts, qui souvent ont été aux commandes, n’ont pour slogans que des arguments défaitistes. Ils n’ont jamais non plus proposé ou essayé d’autres formules de développement, ce qui est leur rôle. Ils ne nous apprennent rien en déclarant que le marché local est exigu, que les lois de la concurrence sont implacables, etc.
De leur côté, les citoyens, consommateurs, et rien de plus que consommateurs, ne pensent et ne réclament que ce qui vient d’ailleurs, même et surtout quand c’est de la camelote, ce qui est souvent le cas. A contrario et pour être vraie j’admire le courage et les initiatives de beaucoup, ces capitaines d’industrie, qui ont osé se lancer dans la création et la production.
Laissons de côté le tourisme qui en soi, même s’il permet de s’enrichir vite et facilement n’en demeure pas moins une industrie «falsou», et là je suis conciliant. Ce ministère serait mieux inspiré de revoir entre autres la qualification des guides en vraie conférenciers.
D’autres tourismes différents existent et même tellement vraie et plus valorisants. Citons, par exemple, les tourismes culturel, équestre, archéologique, de plongée sous marine, gastronomique, de chasse, et de plaisance; ce dernier à lui seul est pourvoyeur et géniteur de plusieurs corps de métier.
Concernant le tourisme intérieur ou familial, le doubler de volume ne tient qu’à achever l’autoroute du nord qui nous relie à l’Algérie, ainsi que le rétablissement de la liaison ferroviaire, ce qui permettrait en prime de doubler aussi si ce n’est pas tripler les échanges commerciaux.
La Compagnie tunisienne de navigation (CTN) suivra de son côté en assurant le cabotage entre Tripoli et Casa, et ceci dans un premier temps.
Dans un deuxième temps et ça urge, la continuation de la ligne Gabes-Ben Guerdane commencée du temps de Mohamed Mzali (1980-1986), et arrêtée depuis à cause de proprios arnaqueurs voulant spéculer sur quelques arpents de terre aride ou même stérile.
Sachant que tôt ou tard la Libye reviendra à une situation normale, et qu’elle aura tout loisir à assurer une grande partie de son approvisionnement chez nous, cette ligne aura toute sa signification.
Pour peu que nos dirigeants reviennent à la raison et qu’ils décident de réaliser le port en eau profonde prévu à Enfidha dans la rade de Bizerte à condition bien sûr de vouloir échapper aux grands lobbys des grands marché publics, la Tunisie aura franchi une autre étape !
Cette rade déjà draguée à 11 mètres et reliée à l’Algérie par le chemin de fer à voie normale avec comme destination auxiliaire la trans-saharienne Alger-Agadès. Excusez du peu ! Ce site est de plus situé par un heureux hasard sur la ligne Gibraltar-Suez : L’autoroute de la mer. Rien que ça !
Ajoutons aussi que cet emplacement est flanqué déjà par le site industriel de la société El-Fouledh qui en l’occurrence se chargera de fournir 3 ou 4.000 km de rails seulement par la transformation des trois cent milles tonnes de ferraille actuellement vendue à l’étranger à raison de 200 millimes le kg, puis rachetée sous forme de produit brut non usiné dix fois plus cher. Pour cela, il suffit d’équiper El-Fouledh d’un laminoir adéquat.
Une véritable braderie !
Mais savez-vous aussi que le transport par rail des pondéreux coûte 7 fois moins cher que par la route. Mais aussi, si aujourd’hui on parle d’une fracture nord/sud, le rail est là pour la réduire.
Je me suis forcé à croire à leurs arguments, mais j’ai découvert très vite que ceci était tout ou presque fallacieux. Tous les pays d’Europe centrale ont gardé et même développé leurs réseaux.
Chez nous la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT) a préféré dépenser des centaines de millions à doubler la gare de Ghardimaou d’une nouvelle qui a tout d’un salon de coiffure pour dames. Aux Etats-Unis, la société AMTRAK est surnommée créateur d’empire, simplement parce qu’elle raccorde plusieurs Etats.
Ce qui est plus grave serait sans aucun doute la mise au chômage de 60 années de compétence et de qualification de main d’œuvre en sidérurgie. Bravo messieurs pour cette forfaiture!
Doit-on aussi rappeler qu’un des principaux bénéficiaires serait aussi l’arsenal de Menzel Bourguiba dont les bassins de radoub sont jusque-là en partie inutilisés. Dommage !
Ainsi, l’Etat initialement principal acteur dans le développement des infrastructures en est devenu le principal destructeur ou fossoyeur, c’est selon.
Mais puisqu’il s’agit de voie ferrée, pourquoi n’optimiserions pas notre réseau déjà partiellement charcuté par ses enfants en le reliant à chaque gouvernorat. Siliana par exemple n’est qu’à quelques kilomètres de Gaafour.
Thala pour la sortir de son isolement et elle en a bien besoin n’est-elle aussi qu’à 10 km de Kalaat Jerda, etc. Mais ces enfants ne croyaient pas en ce qu’ils faisaient et peut-être aussi en eux-mêmes.
Et ce n’est pas tout, un millier d’éoliennes le long des côtes nord et quelques milliers d’hectares de panneaux solaires se chargeront d’alimenter gratuitement toutes ces lignes en électricité. J’ajouterais que ces mêmes joujous peuvent et doivent être fabriqués en partie chez nous
Leur rôle sera aussi de pomper les eaux du nord vers le sud, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui où l’on assiste impuissants aux lâchers d’une eau précieuse des barrages vers la mer et bien plus utile ailleurs, au détriment de notre nappe phréatique toujours déficitaire.
Mais là notre direction de l’hydraulique et son puissant sponsor du ministère de l’Agriculture s’arrangent toujours pour rater leurs rendez-vous avec soit des inondations ravageuses des années pluvieuses soit des grandes récoltes prometteuses avec ces mêmes années pluvieuses. Cela ne les empêche pas de venir nous bassiner avec leur politique de souveraineté alimentaire, quel culot !
Mais où sont donc nos prévisionnistes ?
Aussi la direction des forêts de ce même ministère qui regarde les bras croisés l’Ethiopie planter un milliard d’arbres en un weekend, et des milliers d’hectares de bonnes terres disparaître tous les ans sous les sables du désert.
Alors que d’autres pays émergents s’engagent déjà dans l’énergie du plasma, de l’hydrogène, nous, nous en sommes encore à la marmite de papins.
Notre ministère de l’Industrie s’évertue encore à lancer des appels d’offres pour importer des moulins à vent et autres capteurs de soleil arrivés tous les deux déjà en fin de cycle d’invention du 21e siècle.
Je voudrais rappeler aussi à nos grosses têtes que notre nappe Albienne remonte en surface à 80° centigrade, il suffit alors de monter la température à 108° pour obtenir 1 cheval vapeur. Une simple péréquation nous prouve que le baril de pétrole ne nous coûtera plus que 15 dollars. Mais je rêve !
Alors Tunisie pays pauvre, sûrement pas, gouvernance stupide et irresponsable, à coup sûr.
La liste est bien trop longue pour la réciter d’un seul jet. Mais une fois terminée le chômage sera ramené à 5% et le PIB du tunisien moyen dépasserait certainement les 20.000 dollars.
Encore faudrait-il que les banques changent leurs mentalités d’usuriers et devenir des partenaires dans le risque. Ce n’est qu’alors que les dépôts de bilan ne seront plus que des souvenirs malheureux.
Que les ministres cessent de se croire indispensables. Que les parasites et le parasitisme soient pourchassés sans pitié. Que les ouvriers acceptent d’aimer leur travail, respectent leurs outils, cultivent le goût du travail bien fait et de la bel ouvrage, et cessent de réclamer des primes de rendement négatifs et de mettre en grève, leur seule gloire. Que les syndicats et les syndicalistes cessent de jouer aux maîtres chanteurs, et calment leurs ardeurs oratoires, pour mériter la nobélisation. Que l’administration se décide à interdire les interdits.
Je veux enfin citer ce projet allemand de nous construire gratuitement 80 stations de transformation de nos ordures pour produire du gaz méthane, resté sans suite. Un comble !
Je n’ose pas calculer le capital de sympathie de par le monde au lendemain de 2011 que nous avons gâché. Ennahdha a sonné en premier la curée. Tous s’y engouffrèrent, sauf évidemment cette gauche de plus en plus gauche, mais ridée et déjà chancelante, restée seule sur l’estrade avant de partir et cette fois définitivement sur ses hauteurs avec pour seul compagne sa rhétorique éculée et aphone.
Ne me dites alors surtout pas que la Tunisie est un pays pauvre !
* Architecte D.P.L.G.
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