Le webinaire organisé hier, jeudi 1er avril 2021, par la commission numérique de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) en collaboration avec la Fondation Tunisie pour le Développement (FTD) sur le thème : «Développement régional, nouveau levier pour la Tunisie», a fourni une opportunité pour des institutionnels, une ONG et également des chefs d’entreprise de démontrer que l’investissement et la création de la valeur dans les régions intérieures sont non seulement possible, mais également et surtout porteurs de synergies nouvelles.
La majorité des intervenants ont été unanimes quant à l’existence d’un vrai gisement dans les régions intérieures constitué de ressources humaines bien formées et de compétentes mais gagnées, paradoxalement, par le doute et le désespoir.
Toute l’action des intervenants publics et privés devrait être orientée vers l’amélioration des compétences, ou soft skills de ces ressources via une formation complémentaire adaptée aux besoins des entreprises afin de permettre à ces jeunes d’avoir une foi en l’avenir et de pouvoir s’intégrer dans le milieu professionnel.
Serge Degallaix, ancien ambassadeur de la France en Tunisie qui a assuré la modération de ce webinaire, a estimé que malgré la persistance de grandes disparités entre les régions et d’un chômage endémique, notamment parmi les jeunes diplômés, l’important consiste à créer une mécanique qui permet à ces régions de se développer, de rayonner et d’exploiter de façon optimale les potentialités disponibles.
Un vivier de talent et d’expertise dans les régions
Pour lui, cette transition est possible dans la mesure où les ressources existantes impliquent un mouvement inverse des opérateurs, appelés à croire et à investir dans ces régions tout en prenant en considération leur contexte particulier. Dans cette aventure, le succès est possible, en témoignent les réussites de nombreux opérateurs qui ont osé faire ce choix et les témoignages de chefs d’entreprise présentés lors de ce webinaire.
Badreddine Ouali, président de la (FTD), initiateur du programme Elife, a mis en évidence le paradoxe qui existe entre les difficultés rencontrées par les jeunes issus des régions intérieures en matière d’embauche et la forte demande aussi bien au niveau national qu’international de certains profils.
Une étude menée à ce sujet sur le réseau des ISET a montré que malgré l’acquisition par les jeunes des compétences techniques nécessaires, il manque à cette catégorie les soft skills, le langage et la facilité requis. Le lancement par le FTD d’un programme spécial qui a trouvé des partenaires solides (Etat tunisien, AFD et l’Union européenne) se propose d’amener ces jeunes vers l’emploi par le biais d’une formation de six mois couronnée par l’obtention d’un diplôme reconnu. Cette formation se fait en entreprise sur la base de vrais projets. Ces jeunes sont ensuite accompagnés dans leur démarche de recherche d’emploi. M. Ouali, estime qu’il existe un véritable vivier de talent et d’expertise dans les régions.
Ombeline Bernard-Manusset, présidente de la commission numérique au sein de la CTFCI, a appelé les entreprises aussi bien nationales qu’étrangères à investir dans les régions intérieures du pays. Elle soutient qu’il existe un grand trésor constitué de ressources compétentes qui ont besoin plus d’accompagnement. Un challenge qui vaut le coup dans la mesure où stratégiquement, la Tunisie ne peut pas être perçue comme tournée essentiellement vers le Nord, mais aussi comme une porte pour l’Afrique.
Omar Bouzouada, PDG de l’APII, a parlé de l’écosystème entrepreneurial dans les régions, faisant savoir que la nouvelle loi sur l’investissement de d’avril 2016 a introduit des dispositions et encouragements qui accordent une discrimination positive pour l’investissement dans les régions intérieures. Il a estimé néanmoins que quatre ans après son entrée en vigueur, cette loi nécessite actuellement des aménagements afin d’éliminer certaines contraintes inhérentes à l’octroi de certains avantages et à l’amélioration de l’attractivité de ces régions.
Il a d’ailleurs énuméré les inventives (financiers, fiscaux, prise en charge des cotisations CNSS…) prévus par ce code des investissements en faveur des implantations dans les régions défavorisées.
Le témoignage de trois entreprises qui ont réussi leur implantation dans les régions intérieures du pays a donné la preuve que ce ne sont pas seulement la qualité des infrastructures (souvent défaillantes dans ces régions) ou les avantages qui conditionnent la décision d’investissement ou d’implantation des opérateurs, mais également la volonté et un choix stratégique de la part du chef d’entreprise
Exemples de success story dans les régions intérieures
Olivier Gachon, DGA de Delice Danone pense que les régions sont essentielles à l’existence des entreprises et à leur croissance. En dépit de toutes les difficultés et insuffisances que les opérateurs peuvent confronter, cette entreprise est parvenue au cours des dix dernières années à lancer deux grands projets. Le premier une usine de collecte et de transformation de lait à Sidi Bouzid mobilisant un investissement de 65 millions de dinars tunisiens (MDT). Le second, une usine d’eau minérale à Jelma pour un investissement de 45 MDT. Pour lui la stratégie engagée par son entreprise a été payante. La création de la valeur au niveau de cette région a pu être réalisée à la faveur d’un business plan bien conçu et d’une décision courageuse qui s’inscrit dans la durée.
Ies Ben Hamida, DG de Info’Lib (numérique), a précisé que sa décision de créer une filiale à Béja s’inscrit parfaitement dans sa démarche de diversification. L’impact de la pandémie de la Covid-19 ne l’a pas dissuadé, bien au contraire l’idée a vite germé dans la mesure où cette filiale, installée en un mois, sera dédiée à la recherche et développement et devrait voir ses effectifs progressivement renforcés.
Ridha Bouasker, patron de la société Impact Player, qui a des ressources à Hammamet, Siliana et bientôt Béja, a exposé sa conviction dans la responsabilité sociétale de son entreprise et dans l’existence de gisements de compétences dans différents domaines. Il a estimé que l’installation des entreprises dans les régions intérieures va devenir, nonobstant les difficultés qui persistent, un acte banal dans la mesure où pour réussir il importe d’impliquer les managers locaux et de faire preuve de patience dans le processus de formation et d’apprentissage des jeunes recrus.
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