Dans un entretien avec ‘‘Le Monde’’, l’économiste Fadhel Kaboub estime que le fait d’aller au FMI, une solution de court terme, est la preuve que la Tunisie continue à «répéter les mêmes erreurs». «Le pays est au fond du trou. Dans une telle situation, la première chose à faire est d’arrêter de creuser. Or, en Tunisie, au lieu de réfléchir à comment en sortir, nous creusons plus vite», dit-il.
Professeur associé d’économie à l’université de Denison dans l’Ohio, aux Etats-Unis, et président du groupe de réflexion Global Institute for Sustainable Prosperity, estime que les problèmes de la Tunisie aujourd’hui résident dans son modèle économique essoufflé et qui ne répond plus aux besoins de création de richesses et d’emplois.
Tout en déplorant le «cercle vicieux» du recours incessant à l’emprunt, «qui sert finalement en partie à rembourser d’autres prêts», ce spécialiste des politiques monétaires et budgétaires dans le monde arabe estime que notre pays ne peut même plus se reposer sur certains secteurs qui étaient florissants dans les années 1990-2000, comme le phosphate, le tourisme, les transferts de fonds des travailleurs à l’étranger ou les exportations de produits à faible valeur ajoutée (huile d’olive, câbles électriques, textile-habillement, etc.) pour rééquilibrer sa balance commerciale déficitaire et constituer des réserves de change.
Et pour ne rien arranger : la persistance des problèmes «de corruption et d’abus de pouvoir, peu sanctionné par le gouvernement tunisien», des «monopoles détenus par certains acteurs sur l’importation dans les secteurs de l’alimentation, de la construction ou des produits de grande consommation», n’aident pas à démocratiser une économie de rente que beaucoup de politiques décrient sans vraiment la combattre. En attendant le système en place ne peut que produire les inégalités sociales et le chômage de masse, donc, forcément, la grogne sociale et l’instabilité politique.
La Tunisie peut-être sortir du cercle vicieux de l’endettement extérieur dont le taux approche dangereusement du plafond de 100 % du PIB ? Réponse réservée de l’économiste : «Même si nous revenons au même niveau de tourisme, au même niveau d’investissement direct que lors de nos meilleures années, ce ne sera pas suffisant. Pour échapper au piège de la dette et renforcer la résistance aux chocs extérieurs, la Tunisie ne doit pas faire redémarrer le même moteur, mais en changer complètement. Il faut investir dans la sécurité alimentaire via une agriculture durable, les énergies renouvelables et se spécialiser dans les industries produisant des biens à haute valeur ajoutée.»
Bref, pour relancer la machine de production, il s’agit de changer de logiciel en vue de produire davantage, de produire autres choses et de produire autrement en démocratisant le système de production par une meilleure répartition des charges, des coûts et des profits. La révolution économique n’a pas encore eu lieu.
I. B.
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