Comme le prince des croyants dans les contes des Mille et une nuits, le président de la république Kaïs Saïed quitte souvent son palais à Carthage très tard le soir pour aller à la rencontre de ses «sujets» dans les quartiers populaires et s’enquérir de leurs problèmes.
Par Imed Bahri
Homme du passé, qui aime se nourrir des contes d’antan, hantés de goules et de djinns, Kaïs Saïed a brossé, encore une fois, hier soir, mardi 10 janvier 2023, un tableau idyllique de la situation actuelle en Tunisie que des personnes malintentionnées, mandatées par des étrangers, cherchent à noircir.
Une virée nocturne
Lors de sa virée nocturne à travers les ruelles des quartiers de Bab Manara et Bab Jedid, à la lisière de la médina de Tunis, le chef de l’Etat a discuté avec des jeunes dans un café, comme nous l’a montré une vidéo diffusée par la présidence de la république. Anticipant leurs plaintes sur les pénuries de toutes sortes auxquelles ils font face dans leur vie quotidienne, il les a assurés que tout est disponible sur le marché, qu’il n’y a pas de pénurie de produits de base tels que le lait, le café, le sucre ou les médicaments, et que si ces produits viennent parfois à manquer, c’est par la faute de personnes qui cherchent à créer un climat de tension dans le pays. Et le président de la république de lancer: «Depuis les années 60, ces produits de base sont disponibles sur le marché. Pourquoi n’y a-t-il plus aujourd’hui de médicaments, de lait, de café ou de sucre?», s’est-il interrogé, en laissant entendre que des spéculateurs s’emploient à stocker ces produits pour les faire disparaître du marché, en faire augmenter les prix et provoquer ainsi des tensions dans le pays.
S’interrogeant, également, sur un ton ironique, sur les raisons de la disponibilité du yaourt et du fromage alors que le lait est inexistant, Kaïs Saïed a lancé, goguenard : «Nos finances publiques et notre économie sont comme une lampe qui n’éclaire que pour les étrangers», paraphrasant ainsi un adage populaire sur «la lampe de Bab Menara», le quartier où il se trouvait, laquelle «n’éclaire que pour l’étranger».
Pour l’émir des croyants, on, l’a compris, tout est pour le mieux dans le meilleur des royaumes possibles, ce sont ses opposants, manifestant dans les rues et critiquant sa mauvaise gouvernance dans les médias, qui complotent contre la nation. «Ce sont des acteurs, et le metteur en scène, qui les fait bouger comme des marionnettes, n’apparaît pas», a dit Kaïs Saïed. Et ces marionnettistes, ce sont bien sûr quelques puissances étrangères qui veulent du mal à la Tunisie.
Des petites phrases
C’est à croire que le président de la république n’a fait le déplacement à Bab Menara et Bab Jedid que pour placer ces petites phrases, et développer son argument démagogique sur les causes des pénuries que connaît le pays, argument qui, soit dit en passant, fait souvent mouche chez les petites gens qui n’ont aucune idée sur le fonctionnement de l’industrie ni sur l’état catastrophique de l’économie.
En conclusion, le président s’est engagé à travailler pour subvenir à tous les besoins des Tunisiens, Inchallah ! Quand, comment et par quel miracle va-t-il y parvenir, alors que les finances publiques sont dans un piteux état ? L’émir des croyants n’a pas la tête à des considérations aussi triviales…
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