Entre le palais de Carthage et la place Mohamed Ali le courant ne passait plus depuis longtemps. Aujourd’hui, tous les ponts sont coupés et la perspective d’une confrontation n’est plus à écarter dans un contexte de crise larvée dont la Tunisie peine à voir le bout.
Par Imed Bahri
C’est dans ce contexte délétère où le président de la république Kaïs Saïed s’enferme dans sa bulle et refuse de tendre l’oreille à toute partie qui exprime une opinion critique à son égard, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a décidé de réunir demain, vendredi 3 février 2023, une commission administrative nationale extraordinaire pour examiner les dernières évolutions de la situation syndicale et les réponses aux attaques contre l’organisation syndicale, selon les termes du secrétaire général adjoint, Hfaiedh Hfaiedh.
L’UGTT à l’avant-garde des luttes
Dans une déclaration à l’agence Tap, Hfaiedh a indiqué que la réunion portera sur les libertés générales et les droits syndicaux, notamment après l’arrestation du secrétaire général du syndicat de la société Tunisie Autoroutes, Anis Kaabi. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre des «atteintes permanentes aux libertés générales et aux droits syndicaux» (par les autorités, Ndlr), a-t-il souligné. La centrale syndicale reste à l’avant-garde des luttes pour les libertés et continuera à jouer son rôle national, malgré les tentatives pour l’en empêcher, a-t-il ajouté.
De son côté, le syndicat de la société Tunisie Autoroutes a annoncé, mercredi 1er février, une grève de 3 jours les 12, 13 et 14 février pour exiger le respect des droits syndicaux et la libération de son secrétaire général.
De son côté, le bureau exécutif de l’UGTT, réuni en urgence le même jour, a dénoncé l’arrestation d’Anis Kaabi, considérant que cet acte constitue une atteinte à l’action et aux droits syndicaux et une violation des conventions internationales ratifiées par la Tunisie, ajoutant qu’il va également à l’encontre de la Constitution tunisienne qui garantit le respect des libertés syndicales, y compris le droit de grève.
Le SG Anis Kaabi avait été arrêté suite à la grève organisée par le syndicat les 30 et 31 janvier pour exiger le renouvellement du contrat d’exploitation de l’autoroute Hammam-Lif-Msaken, selon le journal électronique Echaab, organe de l’UGTT.
La grève a été organisée à la suite d’un préavis conformément aux dispositions du code du travail, a encore indiqué le bureau exécutif dans un communiqué, en mettant en garde contre des pratiques visant les droits et libertés syndicales, d’autant plus que l’arrestation a eu lieu immédiatement après les propos du président de la république à la caserne d’El-Aouina hostiles à l’action syndicale.
Vers un clash imminent
Le bureau politique de la centrale syndicale a appelé à la libération de Kaabi et a imputé à l’exécutif la responsabilité de ces pratiques et des atteintes continues aux libertés publiques et individuelles, en particulier à la liberté syndicale.
Si, pour le moment, le SG de l’UGTT, Noureddine Taboubi, se tient encore en retrait de cet incident qui chauffe les esprits, essayant de préserver les chances de l’initiative de dialogue national qu’il mène et qui cherche à impliquer le président de la république dans un plan concerté de salut national, au rythme où vont les choses, le clash serait imminent.
Il faut dire que la nomination de Mohamed Ali Boughdiri, un dissident de la centrale syndicale très hostile à sa direction actuelle, à la tête du ministère de l’Education n’a pas aidé à calmer les esprits, et a même été perçue à la place Mohamed Ali comme un acte hostile, s’ajoutant à une série d’autres, notamment la tentative de mise sur orbite d’Ismaïl Sahbani, ancien secrétaire général de l’UGTT ayant fondé l’Union tunisienne du travail (UTT), un syndicat rival, et qui a été reçu récemment par la cheffe du gouvernement Najla Bouden.
Si on voulait envenimer une situation déjà explosive, on ne se serait pas comporté autrement…
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