A quand un véritable débat sur la symbolique de cette sanguinaire coutume du sacrifice du mouton aussi barbare pour les adultes que traumatisante pour les enfants?
Par Assâad Jomâa *
«Mon enfant, tes parents égorgent ce mouton pour ne pas avoir à t’égorger…», semblent dire les parents à leurs enfants qui les regardent faire le jour de l’Aid Al-Adha, comme si la chose était humainement pensable.
Cette tradition, héritée des temps immémoriaux où des sacrifices humains étaient présentés aux divinités, a été agréée du temps où un homme pouvait dire: cet homme est ma propriété et j’ai le droit de vie et de mort sur lui… Du temps où un drame familial – le divorce – pouvait être intempestivement déclenché par la simple profération de deux mots… Du temps où la pratique de la torture était non seulement publique, mais, comble de cynisme, revendiquée par l’Etat… Du temps où l’on était appelé à se défier de l’amour paternel, les enfants étant considérés comme clinquant de la vie terrestre… au même titre que les vils biens matériels…
Si ces «valeurs» ont encore droit de cité parmi nous, alors, soit, nous adopterons cette «fête au mouton» sans sourciller!
Est-ce à dire que nous appelions à quelque doctrine athéiste? Nullement. Notre approche, en la matière, est celle des réformateurs d’entre les penseurs musulmans qui, appelant à la réouverture de la porte de l’«ijtihâd» (interprétation), définitivement, et non moins autoritairement fermée depuis Ibn Taymiyyah (1263-1328) et son disciple Ibn Qayyim El-Jawziyya (1292-1350) – maîtres à penser de nos salafistes contemporains, faut-il le rappeler ? –, ont appelé à inscrire nos lectures des textes religieux dans leur contexte historique, c’est-à-dire en tenant compte de l’évolution de la civilisation humaine.
En fait, la tendance réformatrice dans la pensée musulmane a commencé beaucoup plus tôt que l’école portant le même nom. Si celle-ci, de laquelle se réclament les réformateurs tunisiens contemporains : Ibn Abî Dhiâf (1804-1874), Kheireddine (1822-1890), Tahar Haddâd (1899-1935)…, n’a vu le jour qu’à partir du 19e siècle, nous avons en la personne d’Averroës (1126-1198), un réformateur musulman, pour médiéval qu’il puisse être tenu, n’en est pas moins contemporain par son projet d’interprétation rationnelle des textes religieux. C’est ce projet qui l’a amené à répondre à ses détracteurs, juristes malékites dans leur majorité, lui reprochant son indifférence religieuse : «Oh que non ! Je suis on ne peut plus croyant, mais pas à la manière des vieilles pies».
N’est-ce pas ce même Averroës qui déclarait : «Il n’y a pas une différence fondamentale entre la nature de la femme et celle de l’homme qui pourrait justifier son exclusion de certaines fonctions réservées aux hommes»(1).
C’est que, voyez-vous, c’est à cette manière de voir, humaniste s’il en est, que mène la libre pensée. Le salafiste, lui, continuera, bien après l’Aïd de l’an de grâce 2016, à s’interroger sur la licéité de l’égorgement du mouton par une femme.
* Universitaire.
Note:
(1) – Extrait du « Talkhis kitâb al-Joumhouriyya » d’Averroës:
وإنّما زالت كفاية النّساء في هذه المدن (= مدن الأندلس) لأنّهنّ اتُّخذن للنّسل دون غيره وللقيام بأزواجهنّ، وكذا للإنجاب والرّضاعة والتّربية، فكان ذلك مبطلاً لأفعالهنّ [الأخرى]. ولمّا لم تكن النّساء في هذه المدن مهيّئات على نحو من الفضائل الإنسانيّة، كان الغالب عليهنّ فيها أن يشبهن الأعشاب. ولكونهنّ حملاً ثقيلاً على الرّجال صرن سببًا من أسباب فقر هذه المدن. وبالرّغم من أنّهنّ فيها ضعف عدد الرّجال، فإنّهنّ لا يقمن بجلائل الأعمال الضّروريّة، وإنّما يُنتدبن في الغالب لأقلّ الأعمال، كما في صناعة الغزل والنّسج، عندما تدعو الحاجة إلى الأموال بسبب الإنفاق، وهذا كلّه بيّن بنفسه.
وإذ قد تبيّن أنّ النّساء يجب أن يشاركن الرّجال في الحرب وغيرها، فقد ينبغي أن نطلب في اختيارهنّ الطّبع نفسه الذي طلبناه في الرّجال، فيربّين معهم على الموسيقى والرّياضة.86
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