Ouled Moufida et Hkeyet Tounsia: deux feuilletons à scandale que beaucoup critiquent mais que tout le monde regarde volontiers.
Par Hamadi Abassi
Dans l’implacable course à l’audimat à laquelle se livrent les chaines de télévision tunisiennes au cours du mois de ramadan, les taux d’audience imposent leurs règles dans un paysage télévisuel encombré par les nombreuses productions.
Après le succès récolté, les années écoulées, avec le feuilleton déconcertant ‘‘Mektoub’’ à l’esthétique flatteuse, Sami Fehri se révèle un habile conteur de fiction, un observateur vigilant d’une réalité sociale tunisienne en mutation avec ses nouveaux codes.
Sami Fehri, le marathonien du buzz
Pour cette année, ce réalisateur au savoir-faire avéré récidive avec une nouvelle série au titre éloquent ‘‘Ouled Moufida’’, un feuilleton au scénario alambiqué qui nous propulse dans l’univers astreignant de trois frères zonards, confrontés à leur désenchantement et aux inégalités sociales qui les marginalisent.
Sami Fehri délaisse momentanément le monde des bourgeois bon teint, pour aborder une autre réalité moins soft, chargée d’aspérité et de révolte. Un sombre drame social assumé par Moufida, une maman vaillante et taciturne harcelée par le destin.
Ce marathonien du buzz, producteur et animateur de jeux à succès ‘‘Dlilek M’Lak’’ et ‘‘Ghani Lel Jamïa’’, caracole en tête du paysage télévisuel tunisien, en nous donnant à voir, à travers l’objectif d’une caméra indiscrète, une réalité moins consensuelle.
Une autre surprise de taille vient s’incruster dans cette course à l’audimat, en se démarquant elle aussi par le ton employé. La jeune réalisatrice Nadia Mezni H’Faïedh, pour son coup d’essai, vient brouiller les pronostics établis en signant une œuvre iconoclaste et singulière ‘‘Hkeyet Tounsia’’, diffusée sur la chaine El Hiwar Ettounsi, du même Sami Fehri.
Dès son premier épisode, ce feuilleton fait le buzz, créant une forte polémique parmi les téléspectateurs et les internautes, qui lui reprochent de présenter une image négative de la femme et de la société tunisienne en général, dominée par les réseaux mafieux et la prostitution, réalité jugée licencieuse qu’il faille honnir, comme si nous étions les seuls dépositaires de tels comportements.
Les «censeurs» montent au créneau
Ces gens frileux semblent oublier qu’ils regardent une fiction avec tous les poncifs qui peuvent la caractériser, une immersion dans les arcanes de la politique nauséabonde, qui se pratique sans état d’âme dans les hautes sphères du monde de la finance.
‘‘Hkeyet Tounsia’’ n’est pas assez soft pour certains téléspectateurs tunisiens qui refusent l’image déroutante qu’elle leur renvoie, mais sont nombreux, chaque soir après la rupture du jeûne, à demeurer scotchés devant leurs téléviseurs pour suivre ses multiples rebondissements.
Le président de l’Association tunisienne pour la transparence financière (ATTF) Sami Remadi a appelé le ministère public et la Haica à arrêter la diffusion du feuilleton qu’il juge trop sombre et dangereux pour un public non préparé. Ces leaders d’opinion qui font appel à la censure pour encadrer et museler les créateurs et les artistes, semblent oublier qu’il existe un moyen imparable pour contourner ce que leur morale juge excessif et qui s’appelle le recours à la télécommande.
L’indication de la limite d’âge auquel s’adresse le produit lors de sa diffusion contribuerait à éviter ce genre de critique. Epinglé par la Haica, le feuilleton voit l’horaire de sa diffusion retardé après 21 heures.
Malgré les réserves qu’on peut lui faire ‘‘Hkeyet Tounsia’’ séduit les téléspectateurs en se plaçant en tête des sondages. Cette série réunit un casting éblouissant de belles filles ce qui nous change du cheptel qu’on nous donne habituellement à voir, et des comédiens chevronnés qui assument la difficulté de leurs rôles de composition, notamment à Taoufik El Ayeb, Meriem Ben Hassine et Mohamed Driss par sa sobriété inquiétante.
Ce feuilleton, qui se veut grinçant, fait le bonheur des amateurs du genre polar; sans s’identifier aux héros de cette aventure on peut le consommer comme un simple divertissement télévisuel.
Donnez votre avis