Hammamet Conference a été, pendant 3 jours, un espace de débat sur le renforcement de la coopération entre la Grande Bretagne et les 5 pays de l’Afrique du Nord. In english…
Par Wajdi Msaed
«Nous avons un projet tout prêt pour consolider l’enseignement de la langue anglaise en Tunisie. Si le ministère tunisien de l’Education l’approuve, une enveloppe de 135 millions de dinars tunisiens (5 millions de livres sterling) serait consentie par l’ambassade du Royaume Uni pour la mise en route de ce programme, qui pourrait démarrer en avril 2017 et financer les manuels scolaires pour les niveaux primaire et secondaire et la formation des professeurs enseignants», nous a confié Robert Ness, directeur de British Council (BC) Tunisie et de Hammamet Conference Series, en marge des travaux de la 5e édition de cette manifestation tenue dans la station balnéaire de Yasmine Hammamet, du 24 au 26 novembre courant, sous le thème «Visions d’un futur meilleur».
La langue du business
«Nous n’avons pas à intervenir dans les affaires intérieures de la Tunisie, ni dans sa politique éducationnelle, mais force est de constater que les statistiques concernant les taux de chômage sont révélateurs: 35% de l’ensemble des demandeurs d’emploi sont des jeunes diplômés. Pourtant des hommes d’affaires tunisiens nous ont confié que le faible taux de recrutement de ces jeunes est imputé en grande partie, et à hauteur de 25%, à la non-maîtrise de la langue anglaise, dont l’importance est grandissante dans tous les domaines et notamment dans celui du business», ajoute M. Ness.
Les jeunes parlent aux jeunes.
La vocation première de BC est, d’ailleurs, essentiellement, culturelle et éducative. Elle chercher à diffuser la langue de Shakespeare dans le maximum de pays, francophones en l’occurrence.
Cette vocation, appuyée par une volonté de collaborer avec les pays amis et de les soutenir dans leur processus de développement, explique l’intérêt porté par BC pour les pays de l’Afrique du Nord (Egypte, Libye, Tunisie, Algérie et Maroc), où il a mis en place des représentations appelées à consolider les différentes facettes de cette coopération. Et Hammamet Conference constitue l’un des mécanismes déployés pour atteindre les objectifs assignés. Une conférence à laquelle près de 100 leaders venant du Royaume Uni et de ces 5 pays nord-africains ont pris part pour présenter les perspectives et les perceptions d’un modèle de société orienté vers l’avenir avec ses dimensions politique, économique, sociale, culturelle, académique, ainsi que celles relatives au business, aux médias et au monde artistique.
Une participation plus accrue des jeunes
«Cinq ans sont déjà passés depuis le lancement de ce forum qui permet aux leaders de la région de se connaître, de se connecter, de partager leurs visions et trouver des opportunités de partenariat», explique encore M. Ness, qui espère voir ce forum aboutir à des résultats concrets susceptibles d’aider à faire face aux défis de cette étape cruciale par laquelle passent les 5 pays de la région nord-africaine (et non maghrébine, puisque la Mauritanie, pays membre de l’Union du Maghreb arabe, où la Grande Bretagne ne dispose pas de représentation diplomatique, est exclue de l’initiative).
Le principal résultat des 4 précédentes éditions de Hammamet Conference, selon le directeur de BC, est «d’avoir permis une participation plus accrue des jeunes à la vie politique et sociale de leurs pays, et notamment aux élections».
Hammamet Conference 2016, dont les travaux se sont focalisés, durant 3 journées, sur des questions ayant trait à l’engagement politique, à l’inégalité sociale, ainsi qu’à la culture et aux arts, dont le rôle est primordial dans l’élaboration de la vision du futur, constitue, selon Jo Beal, co-présidente de cette conférence, «une plateforme orientée vers le développement économique et social, qui continue d’être inégal, aussi bien en Afrique du Nord qu’au Royaume Uni, engendrant des sentiments de frustration et d’insatisfaction parmi d’importantes couches de la société».
L’Europe est appelée à changer de vision quant à ses rapports avec cette région du monde, estime Mme Beal. «A l’incertitude doit se substituer, aujourd’hui, l’esprit de dialogue, de compréhension, de collaboration et de partenariat. Et nous sommes déterminés à constituer des groupes de leaders capables d’agir dans ce sens et d’être des forces de propositions», assure-t-elle
La région nord-africaine, qui passe par une phase complexe de transition démocratique, a besoin de grands leaders de la trempe de l’ancien président sud-africain Nelson Mandela, connu par sa générosité, son esprit d’ouverture et sa clémence, qui lui ont fait oublier les rancunes de l’ère de l’Apartheid pour aller loin sur la voie de la réconciliation et de l’édification d’un Etat fondé sur la justice, l’unité et la cohésion, a affirmé un jeune panéliste.
De l’imagination avant toute chose
Dans une telle perspective, il y a lieu de permettre aux jeunes de faire librement ce qu’ils aiment et de partager leurs vécus et expériences dans des espaces de réflexion et d’action pour une transition pacifique. «Ce sont les jeunes qui portent les visions d’un avenir meilleur», a indiqué un autre panéliste.
Robert Ness et Joe Beal.
Sarra Hayzem, journaliste, exerçant à la chaîne de TV égyptienne Annahar, estime que les jeunes doivent incarner l’esprit d’innovation. «Cette conférence nous a donné l’occasion de prendre connaissance des expériences des autres et des mécanismes déployés dans la mobilisation des jeunes afin de leur permettre de retrouver la solution à leurs problèmes», a-t-elle confié, en précisant que «dans la vie pratique, les jeunes constituent souvent la solution aux problèmes eu égard à leur forte faculté d’imagination».
Parmi les problèmes qui ont été le plus longuement débattus par les panélistes, celui du chômage des jeunes, et ces derniers ont insisté sur la nécessité de changer la vision de la problématique de l’emploi qui doit être garanti par l’Etat, mais pas seulement.
Insistant sur l’importance de garantir l’éducation pour tous et dans toutes les régions et d’assurer, en outre, un développement inclusif, un pénaliste a appelé au changement de la mentalité des fonctionnaires qui ne voient d’emploi que dans le secteur public.
Adel Hamaizia, professeur à l’université d’Oxford, a indiqué, dans une déclaration à Kapitalis, que l’innovation chez les jeunes revêt plusieurs aspects. Il a parlé, dans ce contexte, de l’entrepreneuriat social, qui se heurte à l’économie informelle, source de déstabilisation de tout le système économique et dont la régularisation demeure une tâche difficile. Toutefois, a-t-il souligné, la Tunisie est en mesure de résoudre ce problème épineux par le biais des grandes compétences dont elle dispose et qui sont capables d’user des procédés technologiques pour y venir à bout. «Il faut donner la chance à ces compétences de se déployer dans le pays et réduire ainsi la fuite des cerveaux vers l’étranger, sachant que 73% des diplômés des universités tunisiennes préfèrent chercher de l’emploi en dehors des frontières nationales», a déploré cet universitaire d’origine algérienne.
Mohamed El-Jareh, Libyen qui exerce au Centre El-Hariri des études du Moyen Orient (Washington), a souligné, de son côté, l’importance du rôle des jeunes et des femmes dans l’instauration de l’égalité sociale puisqu’ils représentent la majorité dans leurs sociétés. Ce rôle est à mettre en exergue à travers ce genre de rencontres qui doivent être multipliées afin de permettre aux jeunes de dégager des solutions aux problèmes posés à leurs sociétés et d’étudier les moyens de les mettre en œuvre. «Les jeunes ont beaucoup de difficultés et sont déçus par les dirigeants politiques dans leurs pays respectifs. Ils ne doivent cependant pas fuir face aux problèmes, mais leur faire face et prendre les choses en main avant qu’il ne soit trop tard», a-t-il conclu.
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