Au moment où il quitte la direction de l’UGTT, disons merci à M. Abassi pour le combat qu’il a mené pour permettre à la Tunisie de réussir sa transition démocratique.
Par Moncef Kamoun *
Houcine Abassi, qui a présidé aux destinées de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) pendant 4 ans de décembre 2012 à janvier 2017, a cédé le secrétariat général de la centrale syndicale à Noureddine Taboubi, à l’issue de son 23e Congrès tenu du 22 au 25 janvier 2017.
Né en 1947 à Sbikha, Houcine Abassi a commencé sa carrière professionnelle en tant qu’instituteur avant d’être promu conseiller pédagogique de l’enseignement secondaire en 1973. Il a rejoint les rangs de l’UGTT la même année et a été élu secrétaire général à l’issue du 22e congrès, en décembre 2012, succédant alors à Abdessalem Jerad.
Membre permanent du bureau exécutif de la Confédération syndicale internationale et président de la Confédération syndicale arabe, M. Abassi est aussi Prix Nobel de la Paix 2015 et Commandeur de l’Ordre de l’indépendance et de la Légion d’honneur.
Prix Nobel de la Paix 2015 avec le Quartet du dialogue national.
La force tranquille du syndicalisme tunisien
L’UGTT a été fondée par Farhat Hached le 20 janvier 1946 pour mobiliser les travailleurs dans la lutte anticolonialiste. Elle a hérité du premier noyau syndical autonome en Tunisie, la Confédération générale des travailleurs tunisiens (CGTT) créée par Mohamed Ali El-Hammi en janvier 1925 pour mener le combat pour l’indépendance nationale pendant les années sombres. Accusé de perturbation de l’ordre public, El-Hammi a été condamné par les autorités du Protectorat français à 20 ans de prison et il a dû s’exiler en Allemagne, où il mourut quelques années plus tard dans un accident de la route. Mais il avait déjà transmis le flambeau du syndicalisme et du nationalisme à ses concitoyens qui poursuivront sur la même voie.
Après l’indépendance, l’UGTT a toujours joué un rôle décisif et, surtout, dans les moments difficiles, où elle a été la force nationale au service du peuple et un vrai contrepoids au pouvoir politique. Elle a même osé tenir tête à l’ancien président Habib Bourguiba pour défendre les intérêts des travailleurs, ce que ses dirigeants ont d’ailleurs payé en répression et prison.
L’UGTT a aussi joué un rôle primordial dans le déclenchement et la radicalisation des mouvements populaires ayant abouti à la révolution du 14 janvier 2011. Les structures régionales et locales de l’UGTT ont en effet encadré et organisé ce qui n’était au départ qu’une simple protestation sociale pour la transformer en un mouvement populaire qui a gagné tout le pays et poussé Ben Ali à la fuite.
L’architecte et le métronome du dialogue national.
Le dialogue pour éviter la confrontation
Aujourd’hui, avec plus de 700.000 adhérents, l’UGTT est devenue un acteur incontournable de la scène politique tunisienne. Elle a été, durant l’été et l’automne 2013, au centre des négociations qui ont permis de trouver une issue à la crise sévissant alors dans le pays. L’UGTT a, en effet, mené le bal et imposé la cadence du dialogue national qui a abouti à la mise en place du gouvernement de technocrates en janvier 2014 et à la tenue des élections législatives et présidentielles de novembre et janvier de la même année. Ce qui, phénomène purement tunisien, a fait de la centrale syndicale un interlocuteur important et un métronome incontournable de la transition démocratique. Ce rôle de contre-pouvoir, l’UGTT le doit à l’absence de partis politiques d’opposition capable de l’assumer pleinement, mais elle l’a toujours joué avec un esprit constructif qui met l’intérêt supérieur du pays au-dessus de celui des personnes ou des partis.
Dans cet exercice périlleux d’équilibrisme, l’UGTT a toujours su éviter les dérapages et misé sur le dialogue comme antidote à l’affrontement. Et dans toutes les épreuves que la Tunisie a traversées au cours des 4 dernières années, Houcine Abassi a toujours fait preuve de courage, de détermination et d’intransigeance. Et, face à l’agitation et à l’agressivité de certains partis politiques, il a toujours fait prévaloir les valeurs du dialogue et du compromis pour préserver les intérêts du pays. Ses credo étaient le respect des interlocuteurs et le dépassement des clivages. Et les faits lui ont donné raison : le compromis n’affaiblit pas mais renforce et par la négociation on obtient toujours davantage que par la confrontation.
Au moment où il s’apprête à prendre une retraite amplement méritée, nous aimerions remercier M. Abassi pour le combat qu’il a mené pour permettre à la Tunisie de réussir sa transition démocratique.
*M. K. Architecte.
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