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Tunisie-Union européenne : Pour un partenariat haut de gamme

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L’Europe ne peut plus considérer la Tunisie comme non éligible à l’adhésion à l’Union puisqu’elle en fait déjà structurellement partie du fait de sa dépendance économique et financière.

Par Farhat Othman

Alphonse Allais écrivait que «dans un asile, la seule différence entre les internes et les internés, c’est un accent aigu.» Le paraphrasant, nous dirions que dans ce que propose l’Union européenne (UE) à la Tunisie comme accord de libre-échange, il y a juste l’ajout ou le retranchement de la 3e lettre de l’alphabet qui ferait de cet accord un accord équitable ou léonin : Aleca (Accord de libre échange complet et approfondi) ou Alecca (Accord de libre échange et circulation complet et approfondi).

C’est ce qui doit être dit à l’occasion de la tenue du conseil d’association entre la Tunisie et l’UE, ce 18 avril, que je soumets ci-après à la réflexion de nos autorités

La Tunisie n’est pas qu’un souk !

L’Aleca, tel que proposé par l’UE, ne tient compte que des intérêts de l’Europe, ne voyant dans la Tunisie non pas seulement marché, mais un souk, pour y faire des affaires. Or, depuis son «coup du peuple» du 14 janvier 2011, la Tunisie a engagé une transition démocratique se voulant exemplaire; et sans le soutien de ses partenaires occidentaux, cette transition ne tiendra pas ses promesses.

Aussi impose-t-elle d’avoir avec son premier partenaire historique une diplomatie haut de gamme et un partenariat gagnant-gagnant non de la fripe. Ce qui suppose de rompre avec l’esprit purement mercantile de l’Aleca à celui d’un partenariat donnant-donnant.

C’est la qualité des rapports tuniso-européens qui impose de dire la vérité sur ce dossier de l’Aleca examiné les deux parties. L’adage latin ne dit-il pas «Amicus Plato, sed magis amica veritas» (Platon m’est cher, mais la vérité me l’est encore davantage).

Pour Alecca : libre mouvement sous visa biométrique

Le partenariat tuniso-européen n’a jamais été équilibré, avantageant la partie européenne. Or, bien que le libre échange instauré depuis l’indépendance n’a débouché que sur une détérioration des termes de l’échange et un endettement excessif et croissant, outre une grave désindustrialisation à l’encontre des espoirs nourris, on ne fait qu’aller dans le même sens avec Aleca.

Cet accord se limitant au commerce prévoit au profit des opérateurs économiques étrangers un statut égal, voire privilégié, comparé à celui accordé aux investisseurs locaux en termes d’incitations et d’avantages fiscaux tout en les faisant bénéficier de privilèges particuliers innombrables.

Il risque donc d’être léonin s’il n’est pas compensé par au moins une mesure certes à la valeur ô combien symbolique de nature à révolutionner les mentalités autorisant des évolutions ultérieures en termes de fluidité des relations entre les deux rives de la Méditerranée.

Il s’agit d’intégrer la dimension humaine dans la libre circulation aujourd’hui réduite aux marchandises, ce qui jure avec non seulement l’éthique, mais aussi le droit, la pratique actuelle du visa imposant la contrepartie de la libre circulation.

Or, celle-ci est parfaitement possible sans déroger à la pratique actuelle, avec juste la transformation de la nature du visa touristique en visa de circulation délivrable d’office aux citoyens tunisiens, gratuitement et pour une période minimale d’un an.

Il ne s’agira que de l’extension à tous les ressortissants tunisiens d’un type de visa déjà utilisé, mais réservé à une minorité de privilégiés. Cela aura l’avantage de respecter les réquisits sécuritaires, puisque le relevé des empreintes digitales demeure, tout en autorisant la libre circulation en compensation à une telle concession majeure touchant un symbole de la souveraineté nationale.

Pour un moratoire de la dette tunisienne

En termes financiers, il est vrai, l’Europe ne tarit pas d’aides en faveur de la Tunisie; mais elles ne sont plus appropriées à la situation du pays qui est, de plus, menacé par l’hydre terroriste.

Ces aides ne suffisent plus d’autant qu’elles ne se présentant que sous forme d’ouverture de lignes de crédit ou de prêts, tel celui de 500 millions d’euros, annoncé après la visite en Tunisie du président du parlement européen.

Aussi, les dirigeants tunisiens ont-ils raison de réclamer que l’aide soit conséquente, le président de la république évoquant un «soutien exceptionnel» et le président de l’Assemblée parlant de «plan Marshall».

Concrètement, cela ne peut être crédible dans l’état catastrophique où se trouve l’économie tunisienne qu’avec, sinon la transformation de la dette tunisienne en investissement, du moins la décision immédiate d’un moratoire.

Envisager l’adhésion de la Tunisie à l’UE

L’Europe sait bien que son intérêt immédiat comme médiat est de soutenir la Tunisie; or, elle ne fait pas ce qui tombe sous le sens: réorienter son partenariat pour non seulement un statut spécial octroyé à la Tunisie, mais aussi la décision d’une intégration à plus ou moins longue échéance à préparer par des actions concrètes et des aides spécifiques en utilisant les fonds structurels par exemple.

La notion de géographie au sens classique n’ayant plus de sens, l’Europe ne peut plus considérer la Tunisie comme n’étant pas éligible à l’adhésion, à l’Union puisqu’elle fait déjà structurellement partie de l’Europe du fait de sa dépendance économique et financière.

Aussi, cela commande d’envisager l’option de l’adhésion comme nécessaire, y compris pour la réussite de la transition démocratique de la Tunisie qui ne peut l’être qu’en étant articulée au système démocratique européen.

Je me permets de terminer en notant que mes propos sont assis sur une expérience diplomatique et une recherche académique, ayant été diplomate de carrière avant d’être injustement rayé du cadre diplomatique par l’ancien régime.

S’ils n’engageant que ma modeste personne, ils ne représentant pas moins un courant de pensée qui n’est pas propre à la Tunisie, l’ayant vérifié chez nombre des partenaires de notre pays, des diplomates amis aimant la Tunisie et se désolant du manque de courage de ses autorités à exiger ce qui est son droit absolu.

Car la diplomatie postmoderne n’est plus qu’un partage équilibré, et donc certaines questions y relèvent désormais du dû que l’on ne peut qu’exiger, étant donné qu’il relève des questions de dignité.

C’est le cas de la libre circulation dans le cadre raisonné et raisonnable que je propose du visa biométrique de circulation. Et c’est le partenariat honnête incontournable entre gentlemen, une diplomatie non seulement donnant-donnant, mais aussi et surtout un rapport sain gagnant-gagnant.

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