Les terrasses des cafés de l’Avenue Bourguiba, à Tunis, pendant le jeûne de ramadan.
Les Tunisiens, qui refusent la régression et la perte de leur identité tunisienne, n’ont qu’à résister à la wahhabisation rampante de leur pays menée par Ennahdha.
Par Rachid Barnat
Un certain nombre de constituants viennent de publier un texte par lequel ils condamnent fermement la décision d’un juge de Bizerte qui a condamné des jeunes qui ne font pas ramadan et qui ont été interpellés pour avoir mangé en public, arguant d’une «atteinte à la morale» et d’un «outrage public à la pudeur».
Cette décision avait d’ailleurs, avant même cette prise de position, alarmé une partie de la société civile, attachée à la liberté de conscience et conduit à un mouvement protestataire au slogan «Mouch bessif» (Pas de jeûne sous la contrainte !)*.
Liberté de conscience contre dogmatisme wahhabite
Cette protestation et ce mouvement sont devenus nécessaires (même si l’on peut regretter que les partis qui se disent progressistes aient été bien silencieux) depuis que la révolution tunisienne a été dévoyée de ses objectifs («Liberté, Dignité et Travail !») par les Frères musulmans, pour les remplacer par des questions identitaires posées à un peuple qui n’avait pas de problème avec sa tunisianité; et qui sous prétexte de lui faire recouvrer son identité «arabo-musulmane», lui fourguent le wahhabisme en lieu et place de son malékisme ancestral.
Il faut les développer car le pays ne peut se laisser dicter sa conduite par des fanatiques nouvellement convertis au wahhabisme, et qui veulent l’imposer aux autres par l’intimidation, la violence psychologique et physique.
Quant au jugement de Bizerte, avec tout le respect que l’on doit avoir pour la Justice, il constitue, à quelque point de vue que l’on se place, une ânerie sans aucun fondement juridique. Ce juge est, soit incompétent et il n’a rien à faire à son poste, soit prosélyte du wahhabisme. http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.fr/2012/10/le-zele-des-nouveaux-convertis-au.html et il devra ou respecter la loi et ses concitoyens ou partir Car son jugement ne tient ni sur le plan juridique ni même sur celui religieux.
Sur le plan juridique le texte de protestation des députés http://kapitalis.com/tunisie/2017/06/16/la-condamnation-des-fattaras-est-un-outrage-a-la-constitution/ est très clair et parfaitement argumenté.
La Constitution, dont il n’est pas inutile de rappeler à ce juge qu’elle prime sur tous autres textes, est très claire même si les Frères musulmans du parti islamiste Ennahdha ont joué l’ambiguïté.
La Constitution édicte, et les rédacteurs ne se sont pas privés de le rappeler pour s’en féliciter, la liberté de conscience, c’est à dire celle de croire ou de ne pas croire.
Il est vrai que dans un autre texte, cette même Constitution, sous la pression des islamistes, a indiqué que l’Etat était chargé de «défendre la religion».
Sans doute certains voudraient jouer sur cette ambiguïté pour soutenir que, dans sa défense de la religion, l’Etat doit donc veiller au respect des règles du mois de ramadan ! Ce serait une interprétation tout à fait choquante et complètement contestable de ce texte. Défendre la religion c’est évidement faire en sorte que chaque Tunisien musulman puisse respecter son culte et n’en être empêché par rien. Mais, ici, en quoi le non-jeûneur empêcherait-il quiconque de jeûner et de respecter sa religion?
Toute autre interprétation serait abusive et juridiquement infondée.
Des juges plus «coraniques» que le Coran
Par ailleurs, la position du juge est contraire au Coran lui-même. Ce juge fait dire à la religion ce qu’elle n’a jamais dit et que seuls les nouveaux convertis au wahhabisme ont mis en œuvre.
Doit-on citer une nouvelle et énième fois ce texte : «Nulle contrainte en religion»? (Sourate 2 : Al-Baqara – La Vache. Verset 256).
Doit-on rappeler ce verset : «La vérité émane de votre Seigneur. Quiconque le veut, qu’il croit, et quiconque le veut qu’il mécroie» (Sourate 18 : Al-Kahf – La Caverne. Verset 29)
Allah s’adressant au prophète Mohamed, lui dit : «Vas-tu te consumer de chagrin parce qu’ils ne sont pas croyants?» (Sourate 18 : Al-Kahf – La Caverne. Verset 6)
Est-ce que les juges doivent être plus exigeants que ne l’est le Coran ? D’où croient-ils tenir ce pouvoir ? Ce comportement est, en réalité, blasphématoire car ce juge se prend pour Allah pour juger la foi des hommes.
Et c’est là le danger du wahhabisme; puisque ses adeptes s’autoproclament défenseur d’Allah et de son prophète, pour imposer leur idéologie aux autres !
Enfin le texte qui a été utilisé et qui concerne l’outrage à la pudeur est tout simplement une dénaturation de ce texte qui ne vise évidement pas cette situation; et c’est, dès lors, une forfaiture au prix d’ailleurs du ridicule car dire que des musulmans pieux se trouvent outragés par des gens qui mangent c’est donner peu de force et une grande faiblesse à ces pieuses personnes, qui pour vivre leur foi, il leur faut le soutien des autres qui doivent, au prix d’un simulacre, faire semblant de pratiquer et de jeûner ! Une absurdité selon Amnesty International.
L’islamisation rampante pratiquée par Ennahdha
Le drame des Tunisiens, c’est que cette islamisation rampante pratiquée par les Frères musulmans d’Ennahdha se fait avec la complicité du président de la république Béji Caïd Essebsi et son parti Nidaa Tounes, censés être les remparts à l’obscurantisme, que les islamistes diffusent dans le pays en répandant le wahhabisme fondant leur action politique.
Il ne reste à la société civile et aux Tunisiens, qui refusent la régression et la perte de leur identité tunisienne, qu’à résister à la wahhabisation de la Tunisie.
* Littéralement : Pas sous la menace du sabre !
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