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La Tunisie en panne: Grèves ou prises d’otages?

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Chaque matin, les Tunisiens sont pris en otages par des corporatismes égoïstes faisant fi de l’intérêt général. Il est temps que les grèves s’arrêtent et que l’Etat retrouve son autorité.

Par Mohamed Ridha Bouguerra*

La Tunisie est au bord du gouffre et les Tunisiens au bord de la crise de nerfs! Et pour cause ! Après avoir stoïquement affronté, durant ces quatre dernières années, les grèves décrétées par des structures élues des syndicats de base relevant de l’UGTT, nous sommes, depuis peu, en train de faire connaissance avec des arrêts de travail sauvages non cautionnés par la centrale syndicale!

Fatalistes, nous nous disions, entre 2011 et 2014, que les perturbations et revendications sociales faisaient immanquablement partie du paysage révolutionnaire que nous vivions. Optimistes aussi, nous avions la certitude que la fin de la transition démocratique et l’installation de structures politiques librement choisies ramèneraient immanquablement le retour à la normale. Mais aujourd’hui alors?

La coupe est déjà pleine

Aujourd’hui, désespérés, la plupart de nos concitoyens, dont la vie quotidienne est soudain désorganisée, ne voient plus le bout du tunnel car n’ayant plus à l’horizon ni élections à venir ni date butoir synonymes d’espoir d’accalmie. Ils se trouvent, chaque matin que le Bon Dieu fait, pris en otages par des corporatismes égoïstes faisant fi de l’intérêt général et peu soucieux des obligations qui s’imposent aux employés du service public. Un jour, ce sont les cheminots qui, sans aucun préavis, décident de bloquer les trains en gare, laissant les usagers de la SNCFT sur les quais pendant cinq jours. Le lendemain, ce sont les employés de la Steg qui, sans avertissement, déclenchent des grèves tournantes, coupant ici le gaz, là l’électricité, tantôt dans un quartier du Grand Tunis, tantôt dans un autre. Il semblerait que les régions de Sfax et de Gabès ne soient pas logées à meilleure enseigne et souffrent des mêmes maux. Il a fallu, selon  »La Presse », l’intervention des forces de l’ordre, le mardi 19 mai, afin d’obliger les agents de la Steg à rétablir le courant dans la capitale.
Le personnel de santé, les agents de Transtu, les instituteurs, les instructeurs dans les centres de formation professionnelle, les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, entre autres, entrent à leur tour dans la danse, entre les 19 et 30 mai!

Rappelons pour mémoire que le Bassin minier est lui aussi totalement à l’arrêt depuis des semaines et que les décisions ministérielles annoncées dernièrement en faveur de la région de Gafsa n’ont en rien arrangé la donne, pour ne pas dire qu’elles l’ont aggravée encore… si cela se pouvait!

La preuve a été apportée, ce mercredi 20 mai 2015, par le correspondant de RTCI dans la région qui parlait de villes et délégations fantômes où la grève générale a été observée, obligeant même les établissements scolaires à rester portes closes. N’en rajoutez pas donc, car la coupe est déjà pleine, pour ne pas dire qu’elle déborde !

Ou, plutôt, si! Ajoutons à tous ces débrayages et autres sit-in, les événements et troubles qui ont eu pour cadre ces derniers mois et semaines, Ras-Jedir, El Hamma, El Faouar et Tamarza et où eurent lieu de violents affrontements entre manifestants, chômeurs et casseurs d’une part et forces de l’ordre d’autre part.

L’Etat est en danger

Quel bilan faudrait-il, enfin, tirer de ce sinistre tableau sinon celui de la menace d’une somalisation rampante. Somalisation? C’est-à-dire une dangereuse et progressive absence de l’État dont les divers rouages et courroies de transmission disparaissent les uns après les autres sous les coups de butoir que lui assènent terroristes, contrebandiers et trafiquants en tous genres en cheville avec les nébuleuses du jihadisme armé. Avec la passivité coupable ou la complicité condamnable de politiciens irresponsables dont la cécité politique fait le lit du fascisme intégriste. Avec le soutien plus ou moins tacite de naïfs de tous bords qui croient se préparer des rampes de lancement vers le pouvoir – ou sa reconquête – sur le dos d’une jeunesse désespérée et au chômage forcé ! Car, il serait bien naïf de croire que toutes ces grèves sont toutes spontanées et non provoquées ou encouragées en sous main par certaines parties qui espèrent remplir le vide laissé par un État défaillant et qui ne pourront prospérer que sur les décombres de l’État précisément ! Mais pas seulement sur les décombres de l’État, il faudrait y ajouter la disparition escomptée de la société civile, bizarrement aphone ces derniers temps !

Dire non aux mortelles dérives

Un sursaut s’impose donc et de toute urgence! Un sursaut qui réunit partis politiques, principaux acteurs de la société civile et simples citoyens conscients des dangers qui nous guettent! Un sursaut pour dire non à l’abus qui est fait du si précieux droit de grève!

Un sursaut pour stopper l’hémorragie fatale à notre économie que constituent ces arrêts sauvages de travail si préjudiciables à un sain développement des services publics! Un sursaut pour dire non à la hausse continuelle des salaires aux dépens de tous ceux qui aspirent, eux, à un emploi décent qui sauverait leur dignité de citoyens!

Un sursaut afin de faire droit à tous ces acteurs essentiels mais anonymes des régions défavorisées qui ont enclenché le processus révolutionnaire sans en avoir le moins du monde bénéficié jusqu’ici! Un sursaut afin de redorer le blason de la valeur de l’effort commun et salvateur!

Un sursaut afin que nous ne soyons plus les otages de tous ces égoïsmes corporatistes! Afin de dire non aux mortelles dérives où ces autistes fermés à notre environnement international si menaçant sont en train de nous conduire sous couvert de prétendues légitimes revendications et actions syndicales!

* Universitaire.

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