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Le tout chimique est-il pertinent dans la lutte contre le moustique?

moustique

La lutte chimique contre le fléau des moustiques ne doit être envisagée qu’en complément des travaux d’assainissement des zones où se trouvent les foyers de ces bestioles.

Par Abderrahman Jerraya*

A l’approche de chaque saison estivale, les Tunisiens vivent mal l’invasion de petites bêtes, qui font intrusion dans leurs maisons surtout la nuit, leur causant inconfort, désagrément, les privant de repos et de sommeil réparateur.

En fait, Il s’agit essentiellement de moustiques, à activité crépusculaire à nocturne, en quête de nourriture. Celle-ci est à base de sang auquel ces bestioles accèdent en piquant leur hôte, grâce à un appareil buccal adapté à la piqure et à la succion, fonctionnant à la manière d’une seringue très fine.

A la faveur de cette prise de sang, le moustique peut transmettre de microorganismes pathogènes responsables de maladies graves comme c’est le cas du paludisme, transmis par l’Anophèle autrefois endémique dans le nord-ouest du pays. Mais grâce à une action de suppression menée dans le cadre du Programme national de l’éradication du paludisme (PNEP), mis en œuvre dès 1969 de concert avec l’OMS, l’agent vecteur a complètement disparu. Une dizaine d’années plus tard, une seule personne (et la dernière) a été victime du paludisme, témoignant par là de la réussite de l’opération et amenant cette organisation mondiale à reconnaître la Tunisie comme une zone indemne (1994).

Quant au moustique, objet de la présente note – il n’est pas le seul, loin s’en faut –, qui sévit encore dans nos villes et villages, surtout là où il y a de l’eau stagnante. Il appartient à une autre espèce du genre Culex. Si sa faculté vectrice n’est pas encore établie chez nous, il n’en est pas moins vrai qu’il est potentiellement dangereux. Car il peut l’acquérir comme c’est le cas sous d’autres cieux. D’un autre côté, il rend la vie plus difficile à beaucoup de nos concitoyens, qui souffrent certes à des degrés divers, de manque de sommeil, de sensation de fatigue quasi permanente, des boursouflures rougeâtres sur la peau. En particulier ceux qui vivent à proximité des sebkhas, oueds délaissés à eaux usées, riches en matières organiques, caves d’immeubles plus ou moins remplies d’eau, puits plus ou moins abandonnés, voire des flaques plus ou moins persistantes, sont les plus affectés. Bref, toute retenue d’eau est source de contamination, étant susceptible d’être un gîte à moustiques.

C’est dans le milieu aquatique, en effet, que la femelle dépose ses œufs et les larves qui en sont issues se nourrissent de matières organiques en suspension. C’est là que celles-ci se développent et grandissent. Au terme de leur croissance, elles subissent une métamorphose et se transforment en adultes ailés. Ces derniers quittent le milieu qui les a vus naître pour aller papillonner à la recherche d’un hôte approprié, guidés en cela par des stimuli à la fois olfactifs et thermiques. Malheur à celui sur lequel ils atterrissent. Et chacun se défend comme il peut contre ce visiteur indélicat: bombe à fly-tox, pose de moustiquaire sur portes extérieures et fenêtres, utilisation de ventilateurs, de diffuseurs de substances répulsives. Mais tout cela s’avère dérisoire face à l’agressivité du moustique. C’est pourquoi, depuis quelques années, le problème a été pris en main par les autorités compétentes.

Si elles ont déployé quelques efforts pour assainir certains gîtes à moustique, leur action principale a été en revanche centrée sur l’utilisation de pesticides, sans pour autant réussir à venir à bout de cet agent fortement dérangeant.

Le moustique est toujours présent, plus menaçant que jamais, ayant développé un niveau de résistance élevé à l’égard des pesticides habituellement employés(2). L’alternative devrait être d’abord axée sur les travaux d’assainissement des zones à moustique (dragage et nettoyage des oueds traversant villes et villages, curage des puits, vidange des caves et vides sanitaires, épuration des eaux usées et traitement physique des réceptacles à eaux fortement polluées).

Autant de mesures qui assurent à la fois salubrité et hygiène publiques et un antidote efficace au développement et à la multiplication du moustique. La lutte chimique pourrait être envisagée en complément avec pour objectif d’éradiquer le nuisible. Dans le cas contraire – c’est à dire un environnement malsain où les eaux usées coulent à ciel ouvert, conditions éminemment favorables à la prolifération du moustique (apparemment le cas présent) –, l’option de l’arme chimique même avec des moyens puissants (recours à l’avion) n’est pas de nature à apporter une solution satisfaisante. Bien au contraire, elle l’aggrave mais cela est un autre problème!

*Universitaire.

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