Zouhour Kourda, présidente de la délégation provisoire de la municipalité du Bardo, parle des énormes problèmes qu’elle rencontre dans la gestion de sa commune.
Entretien conduit par Khaled Mongi Tebourbi
Kapitalis : Quelles sont les difficultés que rencontre aujourd’hui votre équipe municipale?
Zouhour Kourda: La municipalité du Bardo a hérité de sérieux problèmes existant avant le 14 janvier 2011, dont certaines continuent à entraver le travail normal de la délégation spéciale. Nous avons constaté de graves erreurs de gestion et de gouvernance municipale, des dépassements et des délits, qui ont été commis avant notre venue à la municipalité en 2012.
A titre d’exemple, on cite le cas d’un terrain appartenant à la mairie, qui a été vendu à des privés, par une tierce personne, sans aucun titre de propriété. Nous avons naturellement recouru à la justice, mais seulement moins de 5 à 10% de ce terrain a été récupéré.
Il y a aussi le problème de levée des ordures et de la pollution. Comme dans toutes les autres villes du pays, des déchets et des détritus jonchent et s’entassent aux abords des avenues, des rues, des places, devant des édifices publics, notamment des écoles, des lycées et des maisons et débordent les espaces verts.
Cette situation s’explique par le manque de main d’œuvre. En effet, 55 ouvriers sont partis en retraite sans être remplacés.
Il y a aussi le manque d’équipements nécessaires au travail de ramassage quotidien des ordures, notamment celui des bennes tasseuses. Or, selon une étude menée par le ministère des Finances, il faut au moins une machine par cité, alors que les 9 quartiers de la ville du Bardo n’en ont qu’une seule.
Quid des constructions bâties sans autorisation de la municipalité ?
Nous rencontrons d’énormes difficultés pour résoudre ce grave problème. Il revient certes aux municipalités de prendre des arrêtés de démolition, mais l’exécution revient aux agents rattachés directement à la police, qui dépend du ministère de l’Intérieur et non de la municipalité. Ce qui pose et constitue un vrai casse-tête, causant un dysfonctionnement dans les activités municipales, qu’il nous faudrait rapidement résoudre avec le ministère de tutelle. Nous avons d’ailleurs adressé, il y a un certain temps, un courrier au ministre de l’Intérieur et au secrétaire d’Etat chargé des Collectivités locales. Nous espérons nous entretenir rapidement avec les responsables concernés, afin de trouver les solutions aux diverses questions urgentes qui se posent à la municipalité, dont certaines revêtent une importance capitale. Mais il nous a été hélas impossible d’obtenir à ce jour un rendez-vous. Il est vrai que le ministère de l’Intérieur est confronté à de gros problèmes, dont celui de la sécurité. Il n’empêche que les municipalités sont elles aussi confrontées à des problèmes qui nécessitent des interventions urgentes de l’autorité de tutelle.
Il y a un problème non moins important : celui des ressources de la municipalité, qui sont limitées, étant essentiellement composées des taxes municipales et de quelques contrats de location de biens immobiliers. La majorité des contrats sont à réviser et à actualiser. Pour ce faire, la délégation spéciale du Bardo a sollicité le Centre national informatique (CNI) pour reconstruire sa base de données et garantir plus de fiabilité et d’efficacité au niveau du règlement des taxes municipales. Il y a en effet un sérieux problème d’impayés et de recouvrement des arriérés des taxes municipales.
Il faut noter, à cet égard, que le montant de la dette de toutes les municipalités tunisiennes vis-à-vis de l’Etat s’élève à 9 millions de dinars.
Il y a lieu aussi d’assurer l’autonomie financière des municipalités, d’encourager l‘investissement privé dans la fabrication des containers municipaux et le ramassage des ordures, de promouvoir le concept de gouvernance locale et de mettre en place des critères objectifs pour évaluer le travail municipal.
Le palais beylical (actuel siège de l’Assemblée) au début du 20e siècle.
Il y a un autre sujet qui préoccupe les habitants du Bardo : celui du Réseau ferroviaire rapide (RFR), devant relier la gare de la Manouba à la gare centrale de Tunis-Place/Barcelone, et qui prévoit de traverser la place du Bardo et de couper la ville en deux. Où en êtes vous?
Ce projet prévoit, en effet, la construction, dans la place du Bardo, d’un mur gigantesque isolant le train et séparant les deux régions nord et sud de la ville. Inutile de dire qu’il ne recueille pas l’agrément des habitants, qui rejettent sa version actuelle. La société civile, la municipalité, des membres de la délégation et de nombreux autres acteurs de la vie sociale, économique, commerciale et autres y sont unanimement opposés.
La raison principale de ce refus est qu’un tel projet entrainera des conséquences néfastes sur la vie de tous les jours des habitants de cette ville. Le passage du train existant actuellement, qui traverse inutilement cette commune depuis longtemps, cause un nombre important d’accidents mortels. Le silence et l’indifférence des autorités de tutelle face à la perte de ces vies humaines sont à déplorer. Lors de séances de travail réunissant la Commission «ad hoc» constituée par la mairie et le ministère du Transport, nous avons proposé d’autres alternatives au passage du RFR par la Place du Bardo, sans résultat.
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