Face à l’incompétence du conseil municipal de Hammamet, composé en majorité d’islamistes, la société civile de la ville se prend en charge, en attendant…
Par Salem Sahli*
Le comité directeur de l’Association d’éducation relative à l’environnement de Hammamet (Aere) s’est réuni mercredi 3 juin 2015 et a décidé à l’unanimité d’activer le plan B, alternative au projet de la maison des associations, qui prévoit désormais d’aménager «un observatoire de l’environnement» dans les locaux actuels de l’Aere.
Cette décision a été prise en raison du peu d’engagement de la part de la municipalité de Hammamet à signer la convention de partenariat sensé sceller l’accord relatif au projet de réhabilitation de la maison des associations. Le projet de convention lui a été soumis il y a plus d’un an, le 16 mai 2014.(1)
Depuis cette date, nous assistons à un dialogue de sourds entre la société civile et la mairie. Ceci a assez duré et nous ne pouvons à chaque fois remettre à plus tard les négociations pour des motifs futiles, d’autant plus que la mauvaise foi de nos interlocuteurs est évidente.
L’Aere est tenue de respecter des échéances et a des obligations envers ses partenaires et bailleurs de fonds avec lesquels elle est engagée dans le projet ILE (Initiatives locales pour l’environnement en Méditerranée). Que de temps et d’énergie perdus, tout ça pour ça, dirait l’autre !
La conférence de presse du 7 mai 2015.
Nous sommes les premiers à regretter l’absence d’accord sur un projet tant attendu par les associations locales et dont le financement est garanti. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé de débloquer la situation et de trouver une issue: réunions avec le conseil municipal ; réunion avec le gouverneur de Nabeul (30 avril); réunion avec les députés de la région (9 mai); campagnes auprès des médias pour expliquer notre point de vue, éclairer l’opinion publique et attirer l’attention des décideurs; conférence de presse le 7 mai 2015; pétition en circulation… Rien n’y a fait et nous sommes forcés de constater que la société civile d’Hammamet est victime de plusieurs dysfonctionnements et maux qui rongent la délégation spéciale constituée à 90% de militants du parti islamiste Ennahdha.
Parmi ces pathologies, nous pouvons citer :
– les dissensions internes au sein du conseil municipal provisoire qui passe son temps à se chamailler au lieu de s’occuper des affaires de la ville: tiraillements politiques, accusations mutuelles graves… (comme l’atteste le document joint intitulé ordre du jour d’une réunion municipale);
– l’insuffisance d’assimilation par les conseillers municipaux des notions de participation et de co-construction qui sont constitutifs du concept de gouvernance locale. C’est comme si, société civile et municipalité ne naviguaient pas sur la même orbite, n’avaient ni les mêmes référentiels ni les mêmes valeurs;
– l’absence d’interlocuteur crédible pour négocier et conclure. En effet, il n’y a pour ainsi pas de municipalité, il y a un vide institutionnel local;
– le sectarisme, l’irresponsabilité et l’absence de maturité politique des Nahdhaouis de Hammamet et de leurs appendices, les associations dites «islamistes»;
– les clivages classiques en Tunisie avec les démocrates et modernistes versus les islamistes et conservateurs.
Ordre du jour d’une réunion municipale à Hammamet: difficile de ne pas rire… à en pleurer!
Sachez que la ville d’Hammamet compte une cinquantaine d’associations (sans compter les associations sportives) dont une dizaine seulement est active de façon régulière. Les autres peinent à émerger bien qu’elles recèlent toutes des compétences et des savoir-faire. Mais peut-on exiger d’une association d’être active régulièrement et bénévolement au service de l’intérêt général en l’absence de locaux pour abriter ses réunions et ses manifestations, de moyens matériels basiques pour planifier et organiser ses activités? Beaucoup d’ONG ne disposent même pas d’adresses permanentes, elles sont sans domicile fixe.
Ce constat est la raison d’être du projet de réhabilitation de la maison des associations qui répondait à un double objectif:
1/ permettre la rencontre des associations dans un espace qui leur est dédié et les doter du minimum minimorum pour travailler;
2/ mettre en synergie et coordonner les compétences qui existent dans les structures associatives au lieu de les segmenter. La vie associative ne sera durablement animée qu’en coordonnant les compétences et non en les juxtaposant.
C’est tout le sens du combat mené par le réseau associatif de Hammamet. Les autorités locales n’en ont malheureusement pas encore saisi l’importance. Dommage !
Ce que nous promettons d’ores et déjà, c’est que le futur Observatoire de l’environnement sera ouvert à toutes les associations membres du réseau associatif de Hammamet et qui ont signé sa charte. Nous les accueillerons avec plaisir et mettrons tous les équipements en notre possession à leur disposition en attendant des jours meilleurs.
Les travaux d’aménagement démarreront le 1er juillet et s’achèveront le 30 septembre 2015. Gageons que d’ici là, les autorités nationales nous auront débarrassés de l’actuelle délégation spéciale. Il y vraiment péril en la demeure.
* Président de l’Association d’éducation relative à l’environnement de Hammamet (Aere).
Note :
1- Le conseil municipal nahdhaoui refuse de s’associer à la société civile pour piloter ensemble le projet de réhabilitation de la maison des associations (illustration) et refuse par la même occasion les 120.000 dinars que la société civile apporte comme contribution. Certains conseillers municipaux soutiennent qu’il ne s’agit pas d’argent «halal», puisqu’il s’agit d’un don d’instances européennes «mécréantes». L’Union européenne n’est-elle pas le premier partenaire politique et économique de la Tunisie ? Comme qui dirait, la bêtise humaine n’a pas de limites… (Ndlr)
Donnez votre avis