Après l’attentat de Sousse, nous devons prouver que nous sommes capables d’assurer la sécurité des gens, avant de les appeler à venir en Tunisie.
Par Lamiss Kerkenni*
Lors de l’attentat terroriste du Bardo, le 18 mars 2015, une campagne «I will come to Tunisia» avait été lancée et avait fait le tour du monde. Malgré l’horreur, malgré le choc, malgré la douleur, il était encore possible – pour certains – de croire en un acte isolé, en une bavure sécuritaire demeurant insuffisante pour compromettre la décision de milliers de personnes de venir visiter notre magnifique pays. Insuffisante pour nous dissuader d’encourager des étrangers d’y aller.
Jusqu’à ce que le 26 juin 2015 ait lieu, jusqu’à ce que tout bascule. Il y a désormais un avant et un après l’attentat de Sousse. Rien ne sera jamais plus pareil.
En tant que Tunisienne résidente à l’étranger, je peux vous dire que le 26 juin nous avons tous reçu une balle en plein cœur, où que nous soyons. Certains avaient besoin de se retrouver avec des compatriotes, comme pour se sentir moins seuls dans la douleur, dans la honte et dans la peur. D’autres se sont appelés simplement pour parler, partager et échanger les dernières informations parvenues des amis et de la famille.
Tous ont pleuré, écrasés par la douleur de ces familles qui ont perdu un être cher parti en vacances. Tous accablés par l’embarras de n’avoir pu protéger ces âmes qui nous ont fait confiance.
La douleur est encore vive alors que j’écris ces lignes, les larmes me coulent, le cœur me brûle, le souffle me manque. Mais je tente de garder mes esprits encore quelques minutes, le temps de finir ces lignes, car je voudrais vous présenter mes excuses.
Je voudrais vous dire pardon, nous vous avons trompés. La vie des gens n’est pas un slogan. La vie des gens n’est pas une campagne publicitaire et des affiches placardées dans vos stations de métro. Je vous demande pardon. Pardon 11 millions de fois pour ces vies enlevés si vilement.
Notre pays est aujourd’hui malade. Il doit commencer par l’admettre, se regarder en face et reconnaître que le mal est en lui. Cesser de chercher ailleurs et commencer enfin à se soigner.
Fini les slogans, fini les devises et formules publicitaires. Nous devons d’abord prouver que nous sommes capables d’assurer la sécurité des gens, de notre propre peuple avant de scander des maximes patriotiques pour sauver la saison touristique, pour sauver le pays.
Nous n’avons plus le droit, la vie des gens n’est pas un slogan.
L’heure est au recueillement, les images défilent, ces corps par dizaines allongés inertes. Atterrée par tant d’horreur, étourdie par tout ce sang, déchirée par toute cette haine, et la honte… Cette honte…
Je vous demande pardon.
* Tunisienne résidente au Canada.
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