Après les attentats de Sousse et du Bardo, les opérateurs du tourisme naviguent à vue et s’interrogent sur l’avenir de leur secteur.
Par Anouar Hnaïne
Suite à l’attentat de Sousse, on trouve deux ministres sur le front direct de la communication, celle du Tourisme et celui de l’Intérieur. Ils sont omniprésents, affectés, comme tous les Tunisiens par l’ignoble acte. Ils reçoivent leurs pairs étrangers solidaires, se réunissent avec les autres ministres. Bref, ils sont happés par un maelstrom auquel ils ne s’attendaient pas.
Le gouvernement marche sur des oeufs
Le citoyen, nourri par les infos et les plateaux du soir, est à l’affût des lacunes du pouvoir, des manquements de tel ministre et autre responsable. Autant dire que les ministres qui sont au devant de la scène marchent sur les œufs.
Mme Salma Elloumi-Rekik, ministre du Tourisme et de l’artisanat, communique à tout va, de Sousse, lieu du crime au devant le parterre des journalistes devant l’hôpital, au chevet des blessés, aux réunions avec les professionnels, à Djerba avec le chef du gouvernement en visite d’inspection dans l’île, etc.
Lundi dernier, 29 juin 2015, 3 jours après l’attentat terroriste de l’hôtel Riu Impérial Marhaba, à El-Kantaoui, Sousse, qui a causé la mort de 38 touristes européens, elle a invité les journalistes à un point de presse pour leur communiquer les mesures prises pour aider les professionnels de l’hôtellerie, un secteur souffrant de problèmes structurels et qui a été encore fragilisé par l’attentat du Bardo, le 18 mars dernier, et assommé par celui de Sousse, vendredi dernier.
Décidément, ces jours-ci, à chaque rencontre les médias accourent, forêt de micros et questions multiples franches, c’est la loi de la communication.
Mme Rekik a annoncé les mesures «exceptionnelles» arrêtées. A situation exceptionnelle, décisions exceptionnelles et mesures urgentes visant à maintenir le secteur à flot, le maintien de l’emploi étant au centre des préoccupations. Il s’agit, annonce-t elle, de reporter les remboursements des échéances des prêts, intérêts compris jusqu’à 2016, avec le rééchelonnement des de ces dettes selon la capacité de remboursement de chaque entreprise. Octroi de crédits, remboursables sur 7, ans aux entreprises qui le souhaitent pour les saisons 2015-2016, une forme de fond de roulement pour faire marcher la machine.
La ministre du Tourisme fait de Com’…
Emploi, le grand souci
Une baisse de la TVA de 12% à 8% pour ces entreprises avec un rééchelonnement des dettes fiscales de la Steg et de la Sonede.
La ministre a annoncé l’annulation du timbre fiscal de 30 dinars imposé aux étrangers (introduit récemment), la réduction de 30% des frais de transport aérien et maritime pour les Tunisiens résidant à l’étranger.
Côté social, avec l’aide des patrons, l’Etat se charge de l’octroi d’une prime aux salariés en chômage technique. Les dettes sociales des entreprises touristiques seront rééchelonnées sur 7 ans à la demande de l’employeur qui sera exempté de pénalités de retard.
Par ailleurs et pour encourager les touristes à affluer, il a été décidé d’accorder des visas aux frontières aux touristes de nationalités chinoise, iranienne, indienne et jordanienne. Des visas ont été annulés pour l’Angola, le Burkina Faso, le Botswana, Chypre, la Biélorussie et le Kazakhstan. A notre avis, ces dernières «mesurettes» servent à jeter de poudre aux yeux, pas plus.
Evidemment, le président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) était présent à cette rencontre, il n’a pas donné son avis, même pas soufflé un avis. Et qui ne dit rien consent.
Reste à ce demander si ces générosités de l’Etat, qui vont creuser le déficit budgétaire, vont être vraiment efficaces, en aidant notamment les professionnels à traverser une phase pour le moins délicate et à maintenir un minimum d’activité en attendant des jours meilleurs.
Pour l’instant, les annulations d’un grand nombre de réservations, annoncées par plusieurs tours opérateurs opérant sur la Tunisie, n’augurent rien de bon pour un secteur touristique qui navigue désormais à vue et prend l’eau de partout.
Autant dire aussi qu’en ciblant l’une des mamelles de l’économie tunisienne, les commanditaires des attentats du Bardo et de Sousse ont frappé un très grand coup. Ce qui rend les manquements de l’appareil sécuritaire, qui ont rendu possible les deux attentats, encore plus difficile à digérer…
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