Les syndicats sont appelés à jouer un rôle plus constructif en incitant les salariés à travailler davantage pour améliorer la situation en Tunisie.
Par Wided Ben Driss*
Les instituteurs ont entamé l’année scolaire 2015-2016 par une grève qui a refroidi l’enthousiasme des élèves et de leurs parents.
Le bras-de-fer semble se poursuivre entre les dirigeants syndicaux et les responsables du gouvernement, malgré l’accord signé le 22 septembre courant et qui porte sur les accords d’augmentations salariales dans le secteur public pour les 3 prochaines années.
Ce qui est étonnant voire intriguant c’est que les enseignants du primaire ont déjà eu droit à 3 promotions exceptionnelles, en vertu d’un accord conclu en 2014. Cet accord entrera en vigueur à présent et se prolongera jusqu’à 2019. En vertu de cette décision, tous les enseignants, quels que soient leurs niveaux d’assiduité et de productivité, ont donc tous eu 3 promotions exceptionnelles. Par conséquent, d’ici 2019, ils n’auront pas à se soucier de leur plan de carrière déjà garanti.
De promotion exceptionnelle en promotion exceptionnelle
Ce qui est vraiment révoltant c’est le motif invoqué pour justifier la grève observée par les enseignants du primaire, les 17 et 18 septembre courant, à savoir la réclamation de deux autres promotions exceptionnelles relatives aux années 2019-2025 ! C’est à peine croyable : comment un employé peut-il être promu et gratifié pour un travail qu’il n’a pas encore fait?
Le gouvernement est appelé à réviser et à harmoniser la grille des salaires de la fonction publique, sujet que j’ai traité dans un précédent article publié ici même, le 24 février 2015, ‘‘Les dessous du bras-de-fer entre les syndicats et le gouvernement’’. Car, il est à craindre que les écarts de salaires entre les différents corps de métiers continueront d’engendrer d’interminables revendications.
Aussi, et afin de redonner au travail sa valeur, il est recommandé au gouvernement de réviser les méthodes de promotion dans la fonction publique. Les passages automatiques de grades après un nombre défini d’années ne peut en aucun cas encourager les fonctionnaires à faire un effort supplémentaire. La lenteur des administrations est une conséquence du système adopté où les employés sont traités à pied d’égalité, et où l’effort personnel n’est pas gratifié à sa juste valeur.
Il est donc impératif d’instaurer un nouveau système favorisant les employés qui se détachent du lot et qui sont capables de fournir un plus à leur institution ou à leur administration. Des horizons doivent aussi s’ouvrir devant les éléments à forte productivité, quel que soit leur âge. Leur ascension professionnelle sera un catalyseur de compétitivité pour eux et pour leurs collègues.
Les promotions aux plus compétents et aux plus productifs
L’administration a besoin d’être redynamisée et un pareil système permettra normalement de sélectionner les meilleurs employés, ce qui aidera les responsables à restructurer et à réorganiser leurs institutions dans le but d’en améliorer la productivité globale.
Il faut donner de l’importance au mérite et les promotions doivent être attribuées aux employés les plus compétents, quels que soient leur ancienneté et leur âge.
Il est à rappeler que dans les systèmes d’évaluation utilisés par des compagnies privées et inspirés de modèles internationaux (la méthode Hay Group, par exemple), l’employé est gratifié sur la base de sa performance durant l’année précédente. Les promotions et les gratifications sont attribuées selon des normes et en respectant une échelle détaillée en fonction du travail exceptionnel fourni, car l’employé qui arrive à l’heure, ne s’absente pas et exécute ses tâches correctement et dans les délais requis mérite juste son salaire et l’avancement d’un seul échelon comme promotion, sachant que le passage à un grade supérieur nécessite 11 échelons.
L’accès aux postes manageriels requiert un niveau universitaire ce qui n’est pas le cas dans la plupart des institutions et administrations tunisiennes. Dans le secteur privé, il est inconcevable qu’un employé (ouvrier ou cadre) demande une promotion à l’avance car il n’est même pas sûr de garder son travail pour l’année prochaine même avec un contrat en bonne et due forme.
L’employé doit être assidu, faire son travail correctement et dans les délais requis et faire un effort supplémentaire si l’occasion se présente, afin de garantir sa position au sein du groupe. Dans ce cadre de productivité et de compétitivité, les plus ambitieux trouvent les opportunités d’ascension et les autres ont la place qu’ils méritent, sans plus.
Le poste et le travail doivent être un bonus que l’on gagne chaque jour et non pas «un clou dans un mur», selon la fameuse expression bien tunisienne.
Les syndicats, qui sont respectés quand ils respectent la valeur travail et défendent les droits des travailleurs, sont appelés à jouer leur vrai rôle en incitant les salariés à travailler davantage pour améliorer la situation dans le pays et, ce faisant, leur situation propre et garantir ainsi l’avenir de leurs enfants, car il n’y a de salut que par le travail, encore et toujours.
* Onshore Exploration Manager.
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