Frustrée par l’appui timide de la communauté internationale, la Tunisie sollicite le soutien du G8 à un plan de sauvetage d’une valeur de 25 milliards de dollars.
Par Marwan Chahla
Dans un entretien accordé à l’agence Reuters, le ministre des Finances Slim Chaker a expliqué cette impatience de la Tunisie et l’urgence de la situation à laquelle elle se trouve confrontée. Tout clairement et tout simplement, pour M. Chaker, ces 25 milliards de dollars sont indispensables pour que les progrès politiques que le pays a accomplis ne se perdent pas.
«Mme Lagarde nous a compris»
La réussite de la transition démocratique a certes valu le prix Nobel de la paix au Quartet qui a parrainé le Dialogue national tunisien, mais l’instabilité post-révolutionnaire, marquée notamment par des attaques terroristes comme celle de juin dernier, à Sousse, qui a coûté la vie à 38 touristes étrangers, a sérieusement éprouvé l’économie du pays.
Le gouvernement, sans cesse soumis à la pression croissante des populations dont le niveau de vie se dégrade chaque jour encore plus, fait également face au double défi du déficit de son budget et de celui de la balance des paiements extérieurs.
«Nous sommes déçus par la manière insuffisante dont la communauté internationale est en train de soutenir notre expérience démocratique exceptionnelle… Mme Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), est une des rares personnes qui nous ont bien écoutés et nous ont compris», a déclaré M. Chaker à Reuters.
«La Tunisie demande au G8 de soutenir un programme de sauvetage ou un Plan Marshall d’un enveloppe de 25 milliards de dollars qui s’étalera sur une période de 5 années et servira à financer le développement de l’infrastructure, à rétablir la paix sociale, à renforcer la sécurité dans le pays et à réduire le déficit budgétaire», a-t-il déclaré dans cette interview, réalisée en marge du Sommet sur l’investissement dans la région du Moyen Orient qu’organise l’agence de presse.
Un ouragan dévastateur
«Si la communauté internationale n’apporte pas un soutien suffisant à la Tunisie par le biais d’un vaste programme de sauvetage, nous serons confrontés à une situation encore plus difficile et, vraisemblablement, la tempête pourrait se transformer en un véritable ouragan dévastateur», a-t-il averti.
Le ministre des Finances a ajouté que la Tunisie aurait besoin de 3,6 milliards de dinars (soit 1,8 milliard de dollars) en financements extérieurs afin de couvrir son déficit budgétaire, qui s’élèverait à près de 3,9% du PIB en 2016, contre 4,4% en 2015.
Le pays entamera, en décembre ou janvier prochains, des négociations avec le FMI sur l’octroi d’une nouvelle ligne de crédits d’une valeur de 2 milliards de dollars, a-t-il confié. L’accord de confirmation – l’arrangement stand-by – d’une valeur de 1,6 milliard de dollars, que le pays a conclu avec le FMI, arrive à son terme à la fin de l’année actuelle.
En outre, le gouvernement envisage d’émettre des obligations sur les marchés internationaux, en janvier ou février prochains, d’une valeur de 1 milliard de dollars, et il compte également émettre, durant le premier semestre de 2016, sa première obligation islamique afin de réunir un milliard de dinars supplémentaire.
La nouvelle aide du FMI et le soutien d’autres créanciers sera accompagnée, de toute évidence, par une pression plus grande pour que le pays réduise son déficit budgétaire, qu’il mette de l’ordre dans son système bancaire lourdement endetté et qu’il consolide l’efficacité de son économie.
M. Chaker a rappelé que la Tunisie a pris, ces derniers mois, quelques mesures dans ce sens. En septembre dernier, l’Etat a volé au secours de la Société tunisienne de banque (STB) et de la Banque de l’Habitat (BH), en y injectant 440 millions de dollars, ce qui devrait aider, selon l’avis même de Mme Lagarde, ces institutions financières publiques à surmonter leurs difficultés actuelles.
Le ministre a indiqué que les réformes se poursuivront en 2016, notamment par l’octroi d’une plus grande indépendance à la Banque centrale de Tunisie (BCT) et par l’adoption d’une nouvelle loi sur les banques.
Réforme de la politique de subvention
«Le plan de sauvetage des banques publiques se poursuivra – avec la recherche de partenaires techniques pour aider à leur décollage. Cependant, cette fois-ci, le gouvernement n’interviendra pas pour injecter de nouveaux fonds», a assuré le ministre des Finances.
Les subventions de l’Etat accordées en matière énergétique seront ramenées de leur niveau actuel de 850 millions dinars (MD) à 550 MD, l’an prochain. Dans le cadre de cette réduction des subventions des produits énergétiques, la Tunisie envisage de mettre en œuvre un système d’ajustements automatiques des prix nationaux sur les prix mondiaux du pétrole.
Entre autres mesures, le gouvernement prévoit la déréglementation de certains secteurs de l’activité économique afin d’attirer l’argent de l’économie informelle vers le secteur formel.
M. Chaker a indiqué qu’au total, le programme des réformes économiques fournira au budget de l’Etat quelque 4 milliards de dinars durant le quinquennat prochain.
Le ministre des Finances a estimé que la croissance économique de la Tunisie sera de 2,5% en 2016, contre 0,5% en 2015, et elle pourrait atteindre les 5% en 2020.
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