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Le Canada et l’acceptation de l’Autre dans ses multiples différences

Gouvernement-canadien

Dans le choix des membres de son cabinet, le nouveau Premier ministre du Canada a retenu les critères de la parité, de la diversité et de la reconnaissance des capacités des handicapés.

Par Jamila Ben Mustapha *

Le Canada est un pays qui nous intéresse particulièrement, étant donné qu’y vit une communauté tunisienne de plus de 20.000 habitants jeunes et qualifiés pour la plupart, communauté qui est appelée à s’agrandir davantage, à l’avenir.

Les électeurs de cette nation, dirigée jusque-là par Stephen Harper, et parmi eux, le petit ensemble constitué par les citoyens d’origine tunisienne, viennent de mettre fin, le 4 novembre dernier, à 10 ans de règne du Parti conservateur, en votant en masse pour le Parti libéral.

Un Premier ministre médiatique, avenant et décontracté

Ils ont ainsi, porté au pouvoir le chef de la nouvelle majorité, Justin Trudeau, jeune premier ministre de 43 ans, très médiatique, au style avenant, décontracté, et fils de l’ancien dirigeant Pierre-Elliott Trudeau, fondateur du Canada moderne.

Cette élection a suscité un grand enthousiasme et devra à l’avenir, affronter l’épreuve de la confrontation, toujours dure, avec la réalité.

Rappelons-nous les immenses espoirs soulevés, il y a 7 ans dans le monde, et surtout dans sa partie sud, par l’élection de Barack Obama… et ce qu’il en reste, le dirigeant américain étant un exemple significatif des limites importantes du pouvoir effectif d’un président, aussi grandes qu’aient été au départ, ses bonnes intentions.

Mais on peut déjà évaluer la première action du nouveau Premier ministre canadien, en commentant le choix qu’il a fait de son équipe gouvernementale.

On remarque immédiatement qu’ont été retenus les critères de la parité, de la diversité, mais aussi de la reconnaissance des capacités politiques de personnes handicapées.

Les ministres femmes qui sont au nombre de 15, au même titre que leurs homologues hommes, occupent des postes importants tels que ceux de l’Emploi, de la Santé, de la Justice, des Sciences, du Sport, du Commerce international, etc.

Concernant le critère de la diversité et vu la mondialisation, qui a fait des habitants de chaque grand pays occidental un concentré de populations provenant des quatre coins du globe, les États qui les dirigent commencent, par souci de davantage de représentativité, à avoir des politiciens d’origines culturelles différentes.

Sur ce plan, ce qui nous semble positif dans l’équipe de Justin Trudeau, c’est l’élargissement de cette palette de la diversité : le gouvernement comporte 4 ministres sikhs, une jeune femme d’origine afghane et une autochtone canadienne.
C’est ainsi qu’un des grands ministères de souveraineté, celui de la Défense nationale, a échu à un monsieur basané, Harjit Sajjan, qui, comme beaucoup de sikhs, porte barbe et turban.

Son coreligionnaire, Navdeep Bains, a un ministère de premier plan, celui de l’Innovation, des Sciences et de l’Economie.

Le troisième ministre sikh, chauffeur d’autobus de son état, Amarjeet Sohi, est appelé à diriger le domaine de l’Infrastructure et des Collectivités.

Bardish Chagger, elle aussi d’origine indienne, est ministre des PME et du Tourisme.

La benjamine de cette équipe n’a que 30 ans : c’est une jeune Afghane, réfugiée politique, Maryem Monsef, qui est ministre des institutions démocratiques.

Ce qui advient pour la première fois aussi au pays de l’érable, c’est qu’une autochtone canadienne et donc, une Amérindienne, Jody Wilson-Raybould, accède au pouvoir et devient Procureure Générale du Canada et ministre de la Justice.

Rendre justice aux compétences parmi les handicapés

Après l’exclusion subie par les femmes et les personnes de couleur, il est grand temps de lutter contre celle touchant les personnes handicapées. Ce n’est pas la première fois, tout d’abord, dans le monde, qu’un homme invalide occupe un poste politique important.

Franklin Roosevelt, 32e président des Etats-Unis, paralysé moteur, circulait en chaise roulante dans sa vie privée, mais prenait soin de paraître toujours debout aux yeux de son peuple, aidé d’attelles ou d’une canne, et soutenu par ses proches.

Actuellement, Wolfgang Schäuble, devenu paraplégique à la suite d’un attentat, est le ministre allemand des Finances, après avoir été celui de l’Intérieur.

Si l’on considère de ce point de vue, la nouvelle équipe gouvernementale canadienne, elle  comporte, et c’est une première, deux personnes invalides, avocates de leur état, ayant des responsabilités importantes.

Kent Hehr, quadriplégique, est ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense.

La ministre des Sports et des Personnes handicapées, Carla Qualtrough, est une ancienne athlète paralympique, malvoyante.
La présence de personnes en situation de handicap physique, devenue visible dans un gouvernement, est un symbole fort envoyé aux habitants, un acte pédagogique qui leur est destiné et un message traduisant la volonté d’une société de ne plus ignorer cette catégorie de la population et de la reconnaître, de rendre justice à ses compétences.

L’invalidité sur le plan physique laisse en effet, intactes les facultés mentales qui risquent même d’être augmentées grâce à un mécanisme de compensation, vu la faculté d’adaptation extraordinaire de certains êtres humains, face aux difficultés qu’ils rencontrent.

Pensons, dans un autre domaine, celui de la recherche scientifique, à Stephen Hawkings, grand physicien britannique ayant reçu de multiples prix, et néanmoins, lourdement handicapé, car atteint de sclérose latérale amyotrophique.

En lui donnant des représentants au gouvernement, la société veut changer par là, de façon radicale et significative, le regard que chacun des Canadiens porte sur l’Autre dans ses différences physiques et culturelles ou sur l’être handicapé qu’il croise, dans sa vie de tous les jours.

Il nous semble que par ces changements, un grand pas est accompli dans le domaine des droits de l’Homme. On peut affirmer qu’à l’avenir, le degré de développement d’un pays pourra être jugé, entre autres, à sa capacité à intégrer dans la vie sociale et active, ses habitants en situation d’infirmité.

* Universitaire.

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