L’industrie du gaming n’a pas évolué en Tunisie en raison de l’absence d’un écosystème solide et d’une formation adaptée.
Par Wajdi Msaed
Le 9e Forum international des technologies de l’information et de la communication (ICT4ALL 2015), qui a tenu ses assises en Tunisie du 16 au 19 novembre 2015, à Yasmine Hammamet, a été l’occasion de rencontres et de débats autour des différents thèmes ayant trait à ce grand domaine de l’intelligence humaine qui ne cesse de révolutionner la vie quotidienne par ses inventions, innovations, logiciels et applications.
L’industrie du jeu, qui a beaucoup bénéficié des avancées technologiques, a naturellement eu sa place au programme de cette manifestation internationale, à travers une journée d’études tenue, le 17 novembre à Hammamet, sous le thème: «L’industrie du gaming en Tunisie : challenges et opportunités»
Un secteur au grand potentiel
Cette journée, organisée par IntilaQ, un hub d’innovation et d’affaires initié par QFF, Ooredoo et Microsoft, a réuni des experts nationaux et internationaux, des investisseurs, des entrepreneurs et des acteurs clés des secteurs publics et privés, l’objectif étant de faire un tour d’horizon de cette industrie, son potentiel et ses défis.
L’importance que revêt le secteur des jeux-vidéo dans le monde en termes de croissance, de rentabilité et de création d’emploi a été mise en exergue par les spécialistes présents, qui ont insisté sur le fait que «le jeu renvoie davantage à un style de vie et des habitudes de consommation», comme l’a précisé Ken Campbell, DG de Ooredoo Tunisie, qui a souligné «l’attractivité de ce secteur pour les investisseurs, eu égard à sa rentabilité».
L’industrie du gaming dans le monde réalise un chiffre d’affaires de 110 milliards de dollars par an et 70 à 90% des revenus des grands constructeurs proviennent des jeux-vidéo, a rappelé à ce propos Mohamed Bridaa, DG de Microsoft Tunisie, indiquant que la firme internationale va s’engouffrer dans la brèche en proposant bientôt des offres de Cloud Gaming.
Comme exemple de success story régionale, on a cité celui de Malte, un petit pays euro-méditerranéen où l’industrie du jeu emploie 10.000 personnes sur une population globale de 500.000 habitants.
Grâce à une législation de pointe appuyée par une volonté politique manifeste de la part de l’Etat, Malte a pu réaliser des avancées dans ce domaine, au point qu’il est devenu, en quelques années, un hub important du gaming mondial.
Un marché à reconquérir
Sur le plan arabe, les expériences du Liban, de la Jordanie et du Maroc ont été évoquées par les représentants de ces pays qui ont indiqué que 60% des applications téléchargées dans la région Moyen Orient et Afrique du Nord (Mena) sont des jeux vidéo. Malheureusement, la place des Arabes sur la scène internationale du gaming est encore insignifiante. Aussi faut-il définir des stratégies pour rattraper ce retard. Et cela est d’autant plus possible qu’«une application en arabe génère un grand nombre d’utilisateurs et que l’industrie du jeu rapporte désormais plus que celles du cinéma et de la musique réunies», comme l’explique un expert libanais.
Au Maroc, cette industrie est encore à ses premiers pas. Elle génère un chiffre d’affaires d’à peine 500.000 dollars. Il y a donc des opportunités à saisir dans ce pays, notamment pour les industriels tunisiens, qui sont en mesure de devenir les leaders dans ce domaine au Maghreb, d’autant que leurs produits ne sont pas uniquement destinés au marché local et que la demande du marché international reste très forte, a souligné un expert marocain.
Une spécialité à promouvoir
Les opérateurs tunisiens ont soulevé, pour leur part, les difficultés que rencontre cette industrie encore embryonnaire dans notre pays. Il y a d’abord un manque de ressources humaines ayant les qualifications requises pour développer ce segment d’activité qui exige un savoir-faire technique et des capacités créatrices et d’imagination. «La spécialité de designer et de développeur de jeux-vidéo n’a pas encore pris sa place dans les universités publiques et privées, ni même dans les centres de formation professionnelle», a souligné un membre de l’Association tunisienne des jeux-vidéo (ATJV), qui a insisté sur «la nécessité d’encourager cette spécialité et de bien encadrer les jeunes qui y émergent».
Ihab Béji (Média Net) estime que «l’industrie du jeu n’a pas évolué en Tunisie en raison du problème de la licence, de l’absence d’un écosystème solide et d’une formation adaptée». On a aussi évoqué, dans ce contexte le manque de statistiques fiables sur l’industrie, les difficultés liées au paiement en ligne et le manque de services liés.
Samia Chelbi, représentante de Netinfo et enseignante universitaire, a insisté sur le défi de l’éducation et de la formation. «On doit hisser le niveau de notre formation aux standards universels», a-t-elle préconisé, en rappelant que l’établissement qu’elle dirige est le premier à dispenser une formation à l’image de synthèse 3D en Afrique du Nord et à avoir lancé, depuis 2011, une formation spécifique au développement des jeux-vidéo. «Les programmes dispensés sont conçus selon les besoins exprimés par les professionnels», a précisé Mme Chelbi, qui a insisté: «Notre stratégie repose sur l’analyse des besoins des professionnels en vue de leur proposer des solutions innovantes sur mesure».
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