Logo de la conférence internationale sur le climat COP21.
La société civile internationale reste mobilisée pour entendre sa voie à l’occasion de COP21, qui se tient du 30 novembre au 11 décembre 2015, à Paris.
Par Habib Trabelsi
La «Coalition Climat 21» regroupant 130 organisations non gouvernementales (ONG) — déçue par l’interdiction de la Marche Mondiale pour le Climat, prévue dimanche à Paris (tout comme une autre marche prévue le 12 décembre) — tient la dragée haute au gouvernement et oppose l’état d’urgence climatique à l’état d’urgence sécuritaire décrété au lendemain des attentats du 13 novembre.
La 21e Conférence des Parties (COP21), qui se tient du 30 novembre au 11 décembre 2015, au Parc des expositions de Paris-Le-Bourget, a pour objectif de faire adopter un accord international, suffisamment contraignant, pour parvenir à une limitation de la hausse des températures à 2 degrés Celsius par rapport au niveau préindustriel et à une transition vers des sociétés et des économies sobres en carbone.
Quelque 147 chefs d’Etat et de gouvernement — dont l’Américain Barack Obama, le Chinois Xi Jinping, l’Israélien Benjamin Netanyahou… — sont attendus à l’ouverture du sommet.
C’est pourquoi des restrictions exceptionnelles de la circulation ont été imposées et des mesures draconiennes (dont la mobilisation de dizaines de milliers policiers et gendarmes 24 heures sur 24) ont été mises en place pour sécuriser cet événement planétaire.
Mille et une alternatives
Affiche de la marche mondiale pour le climat.
Mais les ONG (des syndicats, des associations de solidarité internationale, des organisations confessionnelles, des organisations de défense des droits humains, de l’environnement ou encore des mouvements sociaux…) ont décidé de ne pas baisser la garde et de braver le gouvernement en recourant à d’autres alternatives, réelles ou virtuelles, pour faire entendre leurs voix citoyennes aux gouvernements et aux lobbys économiques.
Au lendemain des attentats et avant même l’interdiction des deux marches parisiennes, préparées laborieusement de longue date, ces ONG (dont Avaaz, Greenpeace, WWF, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme…), ont longuement et mûrement réfléchi à mille et une alternatives de mobilisation citoyenne pour ce sommet planétaire crucial.
«Si nous ne pouvons pas marcher pour le climat dans les rues de Paris, nous redoublerons de créativité pour nous faire entendre des décideurs, dans les enceintes des Nations unies et au dehors», se sont-elles résignées à souligner.
«Chaussures en marche»
«Nos chaussures marcheront pour nous !»
Ainsi, Avaaz, une organisation qui se définit comme étant «un mouvement démocratique supranational» et revendique «plus de 41 millions de sympathisants répartis dans 194 pays», a été la première à prendre l’initiative.
Elle propose d’organiser un amoncellement de chaussures sur la place de la République symbolisant les pas des personnes qui auraient dû participer à la Marche avortée.
«Nous allons recouvrir la place de la République et les rues avoisinantes de chaussures, qui symboliseront chacun de nos pas. Des milliers et des milliers de ‘‘chaussures en marche’’. Une paire pour chacun d’entre nous. Nos chaussures marcheront pour nous!», décrète Avaaz.
«Prenez une paire de chaussures, écrivez votre nom dessus, décorez-la, insérez-y votre message d’espoir pour notre avenir, faites-en ce qui vous inspire, puis envoyez-la nous à cette adresse…».
«Ce sera notre manière de dire que la peur et la terreur ne pourront pas, ne pourront jamais, réduire au silence notre rêve collectif d’un futur 100% propre, 100% uni, pour nous-mêmes, nos enfants et notre planète», conclut l’organisation.
Désobéissance civile
Alternatiba et Attac appellent à une chaîne humaine, de 12h à 13h, sur les trottoirs entre la place de la République et Nation sur le boulevard Voltaire — où se situe la salle de spectacle du Bataclan dans laquelle 90 personnes ont trouvé la mort le 13 novembre — pour exhiber les visuels et messages prévus initialement pour le défilé.
France nature environnement (FNE), la Fondation Nicolas Hulot, WWF et Greenpeace, proposent «March4me», un outil virtuel mis en ligne «pour permettre à tous ceux qui ne peuvent pas marcher ce jour-là, de Beyrouth à Bamako en passant par Paris, de se faire représenter par tous ceux qui marcheront en Amérique, en Afrique, en Asie, en Europe. Ces derniers représenteront les marcheurs ‘empêchés’, en arborant leurs photos et prénoms dans les défilés». Une cinquantaine de marches sont prévues aux quatre coins du monde.
Un collectif plus radical, «Les Désobéissants», qui se définit comme «un collectif de militants altermondialistes et de simples citoyens engagés, partisans de l’action directe non-violente, et indépendants des pouvoirs politiques», prône la résistance, une forme de désobéissance civile.
Le collectif appelle à venir dès midi sur la place de la République, «dans le calme, sans haine et sans violence, conscient des risques certes, mais présent parce que le risque est plus grand de ne pas nous manifester».
«Combien de sécheresses, d’inondations, de famines, de guerres, combien de millions de victimes pouvons-nous éviter si nous affirmons la voix des citoyens du monde entier?», s’interroge le collectif qui dénonce «une stratégie du choc» destinée à «utiliser les attentats tragiques pour restreindre les libertés».
Et il a choisi pour slogan : «Ceux qui luttent ne sont pas sûrs de gagner, mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu».
Plusieurs intellectuels s’exprimant via la page Facebook du collectif s’insurgent contre l’interdiction des deux Marches, alors que, paradoxalement, les marchés de Noël et les rencontres sportives ont été maintenus.
«Nous venons de payer le prix du sang parce que notre dépendance au pétrole, qui produit justement le réchauffement climatique, a plus que jamais besoin de la guerre pour maintenir son approvisionnement en pétrole bon marché. Et que la guerre, en semant le désespoir, alimente la haine et finalement le terrorisme, jusqu’au cœur de nos villes», peut-on lire sur la page des «Désobéissants».
«C’est une victoire pour Daech que d’être parvenu, avec moins d’une dizaine d’hommes, à faire sombrer l’État dans ses pires réflexes réactionnaires. C’est une victoire pour Daech que d’avoir provoqué la mise sous tutelle sécuritaire de la population tout entière», y lit-on encore.
Un morceau du Groenland à Place de la République
Cent tonnes de banquise acheminées vers Paris
A l’occasion de la COP21, douze blocs de glace, de quelque cent tonnes, découpés sur des icebergs flottant dans un fjord, près de Nuuk, la capitale du Groenland, doivent être Convoyés par bateaux jusqu’à la ville d’Aalborg (nord du Danemark) pour être acheminés jusqu’à Paris. Les douze blocs de la banquise du Groenland seront exposés Place de la République.
C’est le projet fou de l’artiste danois, Olafur Eliasson, Ice Watch, réalisé en collaboration avec le géologue Minik Rosing. Ces blocs formeront un cadran d’horloge et les deux protagonistes du projet estiment qu’ils devraient fondre le temps de la COP21 : une manière de dire que l’heure tourne pour la planète et qu’il est urgent de prendre des décisions.
«Nous n’avons ni plan B ni planète B»
«L’an dernier, j’ai visité le Groenland sur un petit bateau. J’avais les pieds gelés à force de regarder, une heure durant, ces centaines d’icebergs en train de disparaître. J’étais sidéré. Je vais bientôt retourner au pôle Nord et monter à bord d’un brise-glace, avec l’aide du gouvernement norvégien. J’irai le plus loin possible dans l’océan Arctique pour voir le paysage qui s’est dégradé depuis mon premier passage, il y a huit ans», confiait juillet dernier le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, à « Paris Match« .
«Le changement climatique ne connaît pas de frontières (…). On ne négocie pas avec la nature. (…) Nous n’avons ni plan B ni planète B», s’inquiétait Ban Ki-moon, visiblement affolé./.
L’un des ateliers pour la préparation à la mobilisation, à laquelle l’auteur a contribué activement !
Donnez votre avis