Hamadi Cherif nous a quittés le 10 février 2014. Ses amis ont salué sa mémoire au cours d’une cérémonie à Sidi Bou Saïd, lundi 7 décembre courant.
Par Zohra Abid
Parce que le collectionneur et célèbre galeriste Hamadi Cherif incarnait les arts, la beauté et la joie de vivre, ses amis de la Fondation Aloès, ont choisi le jour de sa naissance pour attribuer le 1er Trophée d’Or d’Aloès, en hommage à son parcours de galeriste et de collectionneur d’oeuvres d’art.
Hamma Hannachi et les membres du jury du Trophée Aloes.
Immortaliser le souvenir de Hamadi Chérif
Dans son mot de bienvenue, notre collègue Hamma Hannachi, président de la Fondation Aloes, a passé en revue le parcours de «Si Hamadi, un homme si heureux et fier de son succès, timide aussi pour ne laisser la première place qu’à l’art, et qui aimait voir (et rendre) heureux les gens». Tout en rappelant l’altruisme de l’enfant de Sidi Bou Saïd, où il était né il y a 68 ans, sa générosité, son amour pour une Tunisie ouverte et accueillante, son sourire amical qui ne le quittait jamais. Hamma Hannachi a ajouté: «C’est pour cela que nous avons choisi le jour de sa naissance pour remettre le 1er Aloès d’Or et un chèque de 10.000 DT pour encourager les jeunes artistes et promouvoir la culture».
La cérémonie a eu lieu à l’espace mythique Ennejma Ezzahra (Maison du Baron d’Erlanger) sur les hauteurs de Sidi Bou Saïd. Il y avait, ce soir-là tout pour plaire. Tout s’est déroulé comme l’aurait souhaité ‘Si’ Hamadi de son vivant. Une soirée agrémentée, avec de la musique, beaucoup de musique même, de petits mots touchants et émouvants de ceux qui l’ont côtoyé de près, un trophée remis à Mehdi Ben Cheikh, qui l’a remis à son tour avec le chèque de 10.000 DT à son cadet Hosni Hertelli. Puis, place à la réception, au banquet de sucrés salés et à l’évocation du souvenir de l’homme qui a longtemps été un pilier de l’actualité artistique en Tunisie, celui qui accueillait régulièrement dans sa galerie Cherif Fine Art à Sidi Bou Saïd, artistes, critiques et collectionneurs d’art .
Rita Adams.
La passion de l’art et des rencontres
«Il était avant tout un voisin. Un grand amoureux de l’art qui s’est beaucoup investi dans la culture. Ses projets à Djerba et à Tunis témoignent de son amour pour la culture et de sa passion des rencontres. Dommage qu’il est parti trop tôt. Si on est là ce soir, c’est pour lui rendre hommage avec de la musique qu’il aimait tant. Les 2 sœurs Zeineb et Houda Mestiri, jeunes virtuoses de mon conservatoire joueront des airs fantaisistes de Vivaldi, Chopin et d’autres encore qu’il adorait. Mais en préambule, elles vont jouer l’hymne national», nous a chuchoté le luthiste Riadh Fehri, peu avant le coup d’envoi de la cérémonie.
Riadh Fehri entouré de Zeineb et Houda Mestiri
Sadika, l’artiste verrière, encore bouleversée par le décès de son mari, le romancier Alain Nadaud, le 12 juin dernier, en Grèce, a tenu à prendre part à l’hommage. «Alain était très ami avec Hamadi. Il allait écrire un livre sur lui et sur son parcours artistique. La mort a mis fin à ce projet. Lorsqu’on parle de Hamadi, on parle de ce célèbre collectionneur qui a fait venir les meilleures expositions du monde en Tunisie», a-t-elle déclaré à Kapitalis, les yeux embués de larmes.
Sadika.
L’homme qui rassemble
Rita Adam, ambassadeur de Suisse à Tunis, était présente, elle aussi, à la cérémonie. Elle n’a certes pas connu le défunt de près, mais son prédécesseur, Michel Combernous, était un grand ami de Hamadi Cherif. Ce dernier a passé le plus clair de sa jeunesse en Suisse où «il a côtoyé les grands galeristes et nous nous sentons concernés par le célèbre galeriste de Tunis».
Raouf Dakhlaoui, maire de Sidi Bou Saïd, a tenu, lui aussi, à rendre un vibrant hommage à l’homme qui a donné des couleurs au célèbre village arabo-andalous. «Je remercie l’équipe qui a mis en œuvre cette manifestation à la mémoire de Hamadi qui nous a quittés prématurément. Lui, qui aimait l’art, on ne peut lui rendre hommage qu’avec ce qu’il avait toujours aimé», a-t-il dit. «Qu’ils sachent que nous ne rebroussons pas chemin. Je m’adresse aux coupeurs des têtes. Et que la beauté les tue», a enchaîné le président de la Fondation Aloès.
Cette allusion n’était pas fortuite, car, ce soir-là, le couvre-feu – décrété suite à l’attentat du 24 novembre dernier à Tunis et qui a fait 12 morts parmi la garde présidentielle – n’a pas encore été levé.
Zeineb et Houda Mestiri.
Se lever à l’homme à la pochette
Faouzia Sahli, membre de la Fondation Aloès, avait, elle aussi, de bonnes raisons d’être triste : elle a perdu en peu de temps plusieurs amis artistes. «Là où il est, il doit être heureux. Je ne peux pas oublier ce soir Sophie Goulli, qui nous a, elle aussi, quittés. Elle avait beaucoup écrit sur les expositions à la galerie de Hamadi. J’ai aussi une tendre pensée pour un autre artiste disparu il y a quelques semaines, Mahmoud Sehili, le dompteur de la lumière. Notre devoir aujourd’hui est de sauvegarder notre patrimoine artistique et de le garder vivant dans la mémoire des générations futures. Travaillons contre l’oubli et que vive la Tunisie», a-t-elle lancé, sous les applaudissements.
Le sculpteur Boujemaa Bel Aifa, ami de feu Hamadi Cherif, avait plus de mal à trouver les mots pour rendre hommage au galeriste disparu. «C’est chez lui que j’ai exposé la première fois mes sculptures. C’était en 1983. Ma dernière exposition a eu lieu l’été avant sa disparition. Ce trophée, tout en transparence et où la pochette rouge distinctive de ‘Si’ Hamadi, signe aussi de son élégance, est bien mise en relief, est ma manière de rendre hommage à ce grand monsieur», a-t-il dit, d’une voix écrasée par l’émotion.
Yasser Jeradi.
Le point d’orgue de la cérémonie fut l’attribution du 1er Aloes d’Or. «L’heureux vrai gagnant c’est l’artiste calligraphe Hosni Hertelli. Retenez bien ce nom, qui a offert, en novembre dernier, aux Parisiens, les »Derouiches tourneurs de Damas ». Son œuvre sera bientôt présentée à New York puis à Singapour», a lancé Mehdi Ben Cheikh, le galeriste tunisien de Paris. Ce dernier était si fier de son cadet qu’il aime bien le propulser, comme le faisait de son vivant Hamadi Cherif avec les jeunes talents.
Hosni Hertelli.
Les morceaux joués et chantés par Yasser Jeradi étaient joyeux et les présents ont aimé. «Hamadi aimait la vie. Comme moi. La mort ne me fait pas peur. Car c’est une occasion pour réunir les vivants», a dit avec le grand sourire Yasser Jeradi.
Alya Sellami.
Et le clou de la soirée d’hommage était le tour de chant de la cantatrice Alya Sellami, qui a interprété des airs libanais, mais aussi des gospels à la mémoire du défunt galeriste, que tous les présents ont repris en chœur.
Rendez-vous au 2e Trophée d’Or d’Aloès, qui aura lieu le 7 décembre 2016. Pour que la vie continue comme l’a toujours souhaité l’absent présent.
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