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Lettre ouverte d’un citoyen déçu à un président décevant

Beji-et-Hafedh-Caid-Essebsi

Lettre ouverte d’un citoyen tunisien, ex-militant de Nidaa Tounes, au fondateur de ce parti et président de la république tunisienne, Béji Caïd Essebsi.

Par Dr Marouen Boulouedhnine*

Comme tant de simples citoyens tunisiens, je vous ai suivi, soutenu et me suis engagé dans la voie tracée avec d’autres personnes valeureuses dans l’unique but de sauver la Tunisie d’un enlisement dramatique.

Pour ma part, j’estime que vous avez été digne à deux reprises. En 2011, en menant à terme les premières élections libres et démocratiques en Tunisie; puis en 2012, quand vous avez suivi la société civile dans un sursaut salvateur.

Une belle histoire qui tourne au cauchemar

De la maturité de cette société civile est né le «groupement» Nidaa Tounes, dont on paie aujourd’hui le prix de l’hétérogénéité. C’est le mouvement citoyen spontané arrivé au moment propice qui vous a fait et non l’inverse.

Comme il est intéressant d’aborder les problèmes complexes avec des idées simples, vous nous avez embarqués dans les élections avec la notion de «vote utile» contre ceux qui portent un projet passéiste pour la Tunisie. Nous y avons cru!

Vous nous avez conté une belle histoire, mais il se trouve que Cendrillon s’est transformée en Belphégor!

Vous êtes passé de sauveur à pourfendeur des valeurs de la nation. Vous êtes passé de protecteur à destructeur de nos espoirs. «Haïbet eddawla» (prestige de l’Etat) vous en avez fait «khaïbet eddawla» (échec de l’Etat). Enfin, vous espériez transmettre un flambeau qui ne vous appartient plus, à votre descendant, sans aucune considération pour la démocratie que vous êtes censé respecter et protéger. Même vos prédécesseurs n’ont pas osé…

Telle fût ma déception, aussi grande que le soutien sans faille que je vous ai apporté, comme le million 700.000 Tunisiens et surtout Tunisiennes; je peux aisément imaginer la leur.

Non seulement vous étiez en décalage avec le peuple et le moment douloureux que l’on traverse, mais vous êtes, de surcroît, intervenu dans les affaires internes du parti Nidaa Tounes dans plusieurs allocutions à l’adresse de la nation.

Vous vous êtes même permis de vous imposer au pseudo congrès de Sousse, ficelé préalablement par vous, dans le dessein de sceller la plus grande trahison de vos électeurs. Un véritable suicide électoral !

Une convergence improbable

Vous nous avez ramené celui qui devait être, à vie, notre adversaire politique (Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, NDLR). Je n’en veux pas à ce monsieur respectable à mes yeux, de défendre un projet auquel il croit et que je ne partage pas. De plus, n’étant pas en accord avec ce qu’il dit, je me battrais jusqu’à la mort pour qu’il puisse continuer à s’exprimer. Mais pas au sein de Nidaa ! Encore moins lors de son congrès, alors qu’il traverse une phase de maturation difficile! Un non-sens politique!

Vous vous êtes laissé convaincre par un cheikh malicieux, qui n’aura fait qu’obtenir la déconfiture du parti vainqueur des deux dernières élections. Il voulait se débarrasser de son adversaire le plus sérieux qui l’a déjà battu. Le chef de ce parti n’arrête pas de vous jouer la sérénade avec le baiser du serpent, je n’ose encore croire à votre naïveté. Vous avez fait de «deux lignes parallèles» une convergence qui est improbable.

Votre persévérance à être «à côté» du vent de l’Histoire me permet de douter de votre prise de conscience des conséquences d’une alliance contre-nature. La politique est l’art des compromis mais pas de la compromission.
Malgré toute l’estime que je vous porte, et vous le savez, et la considération qui sied à votre fonction, je suis déçu, monsieur Béji Caïd Essebsi. Je suis très déçu !

De Nidaa, parti gagnant, vous en avez fait un parti non régnant, à la traîne d’un parti arrivé pourtant en deuxième position (Ennahdha, NDLR). Je n’ai jamais vu cela: un parti gagne les élections et ne gouverne pas. Je n’en ai pas rêvé, vous l’avez fait !

Nous avons voté pour un parti auquel on croyait, qui a réussi à fédérer les Tunisiens et Tunisiennes qui défendent la Tunisie de demain, démocratique, novatrice et tournée vers la modernité sans renier ses racines. Non seulement, vous n’avez pas réussi à gouverner, mais cette foule de braves gens s’est sentie flouée, et ne se retrouve plus majoritaire au sein de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).

Au nom de tous les patriotes de Tunisie, et particulièrement les honnêtes gens qui vous ont soutenu naguère, je vous demande, monsieur le président, de vous ressaisir. Car si vous ne le faites pas, le peuple le fera pour vous.

Caressant le rêve de vous voir enfin nous proposer votre vision pour la Tunisie, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en mon profond respect pour votre fonction.

Tahya Tounes !

* Simple patriote, ex-Nidaïste.

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