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La promotion immobilière entre sous-production et prix prohibitifs

Immobilier

Bulle ou pas bulle? La question est d’une grande pertinence lorsqu’il s’agit du secteur de la promotion immobilière dont l’impact socio-économique n’est plus à démontrer.

Par Wajdi Msaed

Le secteur de la promotion immobilière touche de près toutes les catégories de la population, et notamment les classes moyennes qui cherchent à accéder à la propriété de leur logement pour fuir les prix des loyers qui ne cessent de flamboyer.

Les statistiques officielles révèlent que 70 à 80% des Tunisiens sont propriétaires de leur logement, mais elles révèlent aussi l’existence d’un grand nombre de logements vides, l’immobilier étant une valeur refuge pour beaucoup d’investisseurs qui ont du cash à fructifier.

Production en déclin, prix en hausse

Cependant, et depuis la révolution de janvier 2011, un constat s’impose : le secteur est en déclin mais les prix ne baissent pas. Au contraire, ils augmentent continuellement pour atteindre des niveaux inimaginables, le prix du m² bâti pouvant atteindre jusqu’à 4000 dinars dans certaines zones huppées.

«En 2014, les promoteurs immobiliers n’ont produit  que 8.000 logements contre 14.000 logements en 2010», a révélé Fahmi Chaabane, président de la Chambre syndicale nationale des promoteurs immobiliers relevant de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), au cours d’un dîner-débat organisé, mardi 1er mars 2016, sur le thème: «Secteur de l’immobilier, bulle ou pas bulle?»

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Cette rencontre, organisée par l’Association des tunisiens des grandes écoles (Atuge), a réuni des promoteurs immobilier et des experts du secteur pour traiter des différentes problématiques rencontrées ces dernières années: les lois régissant la promotion immobilière, l’engagement bancaire et les risques qui en découlent, la surproduction et les prix prohibitifs, l’évolution du parc immobilier et les niveaux des prix, l’état de la demande étrangère et les moyens de la satisfaire, et les projets de lois relatifs à la libéralisation du secteur.

Un secteur en bonne santé

«Le promoteur immobilier est en bonne santé», lance Fahmi Chaabane. «Malgré la baisse de production enregistrée en 2015, le stock des invendus n’est pas du tout inquiétant et plusieurs facteurs expliquent la hausse des prix de l’immobilier ces derniers temps : le prix du foncier qui a été multiplié par 4, voire par 10 dans certaines zones, le pouvoir d’achat de la classe moyenne a trop baissé, les coûts de la main d’œuvre et des carburants ont connu une forte hausse, la valeur de change du dinar tunisien a beaucoup baissé», a-t-il précisé.

«Les prix des agrégats sont en perpétuelle augmentation», a surenchéri Tarak Thabet, DG de Remax Tunisie, qui a évoqué, à titre d’exemple, le prix du ciment qui continue de monter malgré la surproduction et la baisse des exportations.

«On ne peut pas parler de spéculation dans l’immobilier. Les pourcentages y afférents sont très faibles et l’offre et la demande varient selon la région ou la zone du projet; mais ce qui est embêtant, c’est le volume des investissements qui vont vers l’immobilier aux dépens du secteur industriel ou du marché financier», a-t-il ajouté.

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Des mesures pour surmonter les difficultés

Nadhir Ben Ammar, directeur d’Edifia estime, de son côté, qu’«il n’y a pas de bulle, mais une économie en difficulté, car on ne peut parler de bulle que si l’inflation atteint le taux de 20 à 25%».

Déplorant l’absence de fonds d’investissements pour la promotion de l’immobilier, Nadhir Ben Ammar estime que le secteur «n’est pas en crise, mais connait plutôt une stagnation caractérisée par une réticence de la part des acquéreurs, et donc une inadéquation entre les revenus et les prix affichés par les promoteurs».

La Chambre syndicale a identifié les difficultés et s’active auprès des instances gouvernementales pour leur trouver les solutions requises.

Des pourparlers sont, en effet, engagés avec le gouvernement pour qu’il prenne de nouvelles mesures permettant de réduire l’autofinancement de 30 à 10%, de prolonger la durée maximum de remboursement des crédits de 20 à 30 ans et d’augmenter le taux légal de retenue sur les salaires de 40 à 50%, a affirmé Fahmi Chaabane.

«Ainsi, vous défendez le secteur et non le citoyen, qui, avec un taux d’autofinancement de 10%, ne peut ne pas être solvable», a répliqué le représentant d’une institution bancaire, présent dans la salle, qui a précisé que l’endettement moyen du citoyen tunisien est évalué à 60%, un taux jugé très élevé.

«Les délais de livraison de l’autorisation octroyée par le gouverneur pour l’acquisition d’un bien immobilier de la part d’un étranger peuvent aller jusqu’à 3 ans», a déploré un autre participant, qui a signalé que le décret-loi relatif à cette question remonte à 1957 et il est grand temps de le réviser et de l’amender, sachant que ce texte exige de tout candidat étranger à l’acquisition d’un bien immobilier en Tunisie de fournir pas moins de 17 pièces.

Il y a un projet de loi visant à mettre fin à cette autorisation qui sera soumis bientôt au conseil des ministres, a signalé, à ce propos, le président de la Chambre syndicale.

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Carences, difficultés et attentes

Beaucoup d’autres questions ont été soulevées au cours du débat, animé par Eymen Erraies, SG de l’Atuge, et qui a été marqué par l’absence de deux grands intervenants du secteur, à savoir la Société nationale immobilière de Tunisie (Snit) et la Société de promotion des logements sociaux (Sprols). Conséquence: le logement social n’a pas eu sa part dans le débat.

Les participants ont déploré l’absence de statistiques fiables sur le nombre des logements non vendus et ceux qui demeurent longtemps non occupés. La Loi de Finances pour l’exercice 2016 allait taxer ces logements, mais le texte a été modifié in-extremis.

On a aussi évoqué le taux d’intérêt des prêts bancaires pour l’acquisition d’un logement, qui doit être pris en considération dans les fondamentaux d’évaluation, ou encore le blanchiment d’argent par l’acquisition de biens immobiliers… «On est appelé à vérifier l’origine de l’argent dans toute opération d’acquisition et il n’y a pas d’investisseur étranger dans l’immobilier», a rétorqué Hamdi Ahmadache, représentant de la Banque de l’Habitat (BH), qui  a voulu relativiser l’importance de ce phénomène, à ses yeux très marginal.

«On a peu de statistiques sur un secteur important de l’économie nationale», a tenu à préciser Fahmi Chaabane, qui a déploré, aussi, les énormes difficultés rencontrées avec les administrations, les municipalités, les sociétés en étroite relation avec le secteur (Steg, Sonede, Protection civile, Onas…), et appelé l’Etat à améliorer l’infrastructure du pays et le cadre de vie dans toutes les régions et à accélérer la révision des plans d’aménagement pour dégager une réserve foncière permettant d’agir sur les coûts.

En conclusion, M. Chaabane a appelé l’assistance à enrichir par leur présence et leurs interventions la prochaine journée nationale de la promotion immobilière, prévue le 11 mai 2016, et qui sera présidée par le chef du gouvernement.

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