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Les Tunisiens entre transgression et conformisme

Tahar-Ben-Hassine-et-Mokded-Mejri

Pour l’écrasante majorité des Tunisiens sont conservateurs et incarnent parfaitement cette culture d’intolérance qui cherche à réduire au mutisme les voix osées et subversives

Par Mohamed Sadok Lejri

Les propos tenus, dimanche soir, dans l’émission ‘‘Liman Yajro’ Faqat’’ (Pour qui ose), sur la chaîne Al-Hiwar Ettounsi, par Mokded Mejri à l’encontre de Tahar Ben Hassine, reflètent un peu la culture qui prédomine au sein de notre société. C’est comme si Tahar Ben Hassine avait pris place sur le banc des accusés. Le sens commun et le conformisme intellectuel, admirablement incarnés par Samir El-Wafi et Mokded Mejri, lui ont fait son procès en s’adonnant à un réquisitoire sans appel : Comment l’alcool n’est pas haram ? La prière pour la pluie, tu n’y crois pas ?…

Entre «bissotra»… 

En effet, en Tunisie, tu as le droit de t’adonner à des actes de transgression comme consommer de l’alcool, de la drogue, avoir des rapports sexuels en dehors du cadre légal du mariage, etc., mais, le jour où tu te fais prendre, tu ne dois surtout pas t’inscrire dans une logique revendicatrice; tu ne dois en aucun cas tenir un discours transgressif et subversif, mais ressentir le regret de la faute commise et multiplier les mea culpa (de préférence en public).

Commettre un péché et puis le revendiquer constitue, aux yeux de la majorité des Tunisiens, est un grand danger pour l’ordre établie et son système de valeurs. Pour eux, les pratiques importent peu, l’essentiel est d’avoir les bonnes convictions.

D’abord on fixe la frontière des valeurs à ne pas remettre en question (du moins, théoriquement), des valeurs consubstantiellement liées la morale religieuse que tout le monde doit admettre, ensuite on fait ce qu’on veut. Tu as le droit de faire fi de ces valeurs; tu as le droit de transgresser les normes sociales, mais en cachette, «bissotra» (sous cape) ; ceux qui s’insurgent contre celles-ci sont désignés à la réprobation publique; leur discours est réprouvé moralement, ce qui fait de chaque Tunisien un donneur de leçons, un moralisateur en puissance.

La remise en cause des valeurs morales et des conventions sociales n’est guère admise par le commun des Tunisiens. Il en est de même pour les convictions religieuses : tu as le droit d’être non croyant (athée ou agnostique), mais tu n’as pas le droit de le confesser sans ambages, de le déclarer en public d’une manière franche, directe, sans qu’il y ait la moindre équivoque, car il faut toujours laisser une porte ouverte à la rédemption.

Les Tunisiens conservateurs incarnent parfaitement cette culture faite d’intolérance et d’une profonde envie de réduire au mutisme les voix osées et subversives à défaut de les exterminer. Un grand danger pour l’ordre établi et son système de valeurs.

Et «qoddem ennass»…

En public, «qoddem ennass», il faut se plier devant les convenances et tenir un discours qui respecte les traditions et se conforme aux conventions sociales.

En public, il faut brider dans ses élans le rebelle qui sommeille en toi, le rebelle qui combat les interdits, défie les fondements de l’ordre établi et refuse d’envisager l’éventualité d’une interdiction/condamnation ou même d’une permission.

En public, tu n’as pas le droit de réclamer, revendiquer et prôner ta différence. Pour les Tunisiens, les pratiques importent peu, l’essentiel est que l’apparence soit sauve.

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