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Et si Sakher El-Materi avait tort de clamer justice en Tunisie !

Ben-Ali-Leila-et-Sakher

Sakher El-Materi dans le sillage de Zine El-Abidine et Leila Ben Ali. 

Que pourrait sérieusement attendre Sakher El-Materi d’une justice tunisienne chancelante, anémique et tributaire souvent du bon vouloir des détenteurs des marteaux en bois?!

Par Nadya B’chir*

La Tunisie vit depuis quelques mois au rythme de la réconciliation nationale ou devrions-nous dire plutôt la tentative de réconciliation. Car voyez-vous cette tentative – desiderata joliment gardé en secret – ressemblerait à un sac de nœuds qu’il conviendrait de dénouer.

L’improbable réconciliation nationale

Le président de la république, Béji Caïd Essebsi fut le premier «héraut» de la réconciliation nationale sous sa figure économique et a proposé un projet de loi qui regarde les hommes d’affaires et les anciens employés de l’administration publique ayant trempé leurs mains dans des transactions très peu «diaphanes» ! Initiative qui n’a pas tardé à provoquer l’ire de l’opposition ainsi que des puritains qui rejettent systématiquement et de façon péremptoire toute idée de «rédemption» des commis de l’ancien régime. Depuis, le projet de loi est flanqué dans les tiroirs du bureau d’ordre du parlement. Il sera également évoqué la manière tout à fait ratée que l’ancien chef de cabinet du président avait utilisée pour présenter ledit projet de loi.

Ce qui a très exactement provoqué l’émoi et même l’aigreur des opposants du président était que ce projet de loi soit un cheval de Troie dans le but de faire revenir l’ex-président Ben Ali ainsi que les membres de sa famille sans qu’ils n’aient à payer leur du. Exclure ces derniers à travers la liste des 111 n’y pourra rien !

Aujourd’hui, c’est au tour du deuxième plus grand parti politique de la place de s’exprimer à ce sujet et de proposer cette fois : une amnistie nationale générale! Pathétique? Pas tout à fait ! Et c’est au dirigeant d’Ennahdha, Lotfi Zitoun d’«exhiber» les prémices de cette amnistie arguant qu’il est nécessaire d’instaurer un climat de pardon, d’union et de réconciliation en Tunisie, à l’écart de toutes les adversités politiques ainsi que de l’esprit revanchard et rancunier. Charmant ! Cependant, sur un plan pratique, cela ressemblerait à quoi précisément! Il semblerait que l’amnistie nationale générale ne renferme pas uniquement le volet économique tel que suggéré par le président de la république mais bien plus vaste champs. Il faut dire qu’à ce niveau, les deux partis Nidaa Tounes et Ennahdha s’embrasseraient volontiers comme du bon pain !

L’intention de rédemption d’El-Materi

Cette proposition n’a pas laissé le gendre de l’ancien président, Sakher El-Materi, indifférent. Et sa réaction est pour le moins déconcertante et à la fois symptomatique d’une intention de «rédemption». À dire vrai, Sakher El-Materi ne peut être enchevêtré dans la même volière que tous les autres accusés de corruption et de malversation et pour cause ! Il venait à peine de mettre pieds dans le plat, aiguillonné et enhardi par sa belle famille qui lui dessina un avenir politique des plus radieux. Sur les 23 années de «pillage de peuple», le gendre de l’ex-président n’a manœuvré que – à peu de choses près – sur les trois dernières années. Précisément ! Dans une interview exclusive accordée à l’hebdomadaire ‘‘Acharaa’’, Sakher El Materi décline, quasiment jusqu’au mépris, la notion du pardon sans pour autant rendre des comptes. Il s’explique en qualifiant la proposition de réconciliation de salutaire par surcroît, lui ainsi que sa famille ont été accusés de détournement de fonds publics et là-dessus ont fait l’objet de saisi de biens et de fonds sans qu’un procès juste et équitable n’ait été tenu.

Sakher El Materi se dira également «victime d’injustice qui paye la facture salée des erreurs de tout un système, celui de Ben Ali» et insistera sur l’ouverture des dossiers en vue de les aborder selon une approche dégarnie à ras bord de toute perspective diffamatoire et diabolisant son image.

Une justice de mauvaise gouvernance

De toute évidence, la justice d’après le 14 janvier 2011 cherche désespérément à se purifier néanmoins ne paye pas de mine cinq ans plus tard. Pendant cette période, cette même justice assistée par les mécanismes de l’Etat seyants a fait mouche en matière de mauvaise gouvernance. Que des biens saisis ont été négligés à telle enseigne qu’ils sont honteusement dévalorisés et cédés pour des pacotilles, en plus des affaires jugées au tribunal en s’appuyant sur des ressentis à la saveur rancunière.

Sakher El-Materi clame une justice ! Il se dit prêt à affronter les juges et à assumer rigoureusement ses responsabilités. Il se dit perclus de ses sentiments qui le molestent et n’escompte que la délivrance. Une délivrance que seule la justice tunisienne pourrait lui accorder.

Toutefois, cette justice existe-elle réellement? Nous sommes, quasi-quotidiennement, témoins de maints cas d’injustice à variété sociale et mieux encore, plus ces cas deviennent notoires et publics plus la chose se banalise, se démocratise! Des juges, maillons de la chaîne «Justice», n’ont crainte à dénoncer les dépassements, les coups de canif dans les contrats, les partialités et les abus en velléitaires déclinaisons!

Qu’attendrait alors Sakher El-Materi d’un système judiciaire chancelant, anémique et tributaire souvent du bon vouloir des détenteurs des marteaux en bois?! Peut-être que dans les temps où la démocratie bâtira foyer en Tunisie, que les esprits revanchards et rancuniers fuiront la terre à vive allure, et que la volonté de consacrer une justice purgée, aveugle du cœur et des sentiments mais non de la raison, il serait alors envisageable de tenir un procès à l’endroit de Sakher El-Materi et d’autres de la famille Ben Ali. Pour l’heure, c’est carrément «le Mouled», et dans ces cas de figure, même la plus noble des intentions ne saura empêcher que Sakher El-Materi avale des poires d’angoisse !

* Journaliste indépendante.

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