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La réforme des banques entre urgence et crainte

Banques

L’Etat doit-il utiliser les fonds à sa disposition pour relancer le développement du pays ou pour maintenir artificiellement debout des banques croulantes?

Par Mohamed Rebai*

Le ministre des Finances Slim Chaker a déclaré, le jeudi 5 mai 2016, que le projet de loi des banques et des institutions financières comprend la création d’un Fonds d’indemnisation, garantissant le droit des citoyens à restituer leur argent en cas de faillite de leur banque. A le croire les déposants ne seraient remboursés qu’à hauteur de 60.000 dinars et je ne sais pas si c’est par personne ou par couple. On ne connait pas également le sort réservé aux fonds placés dans des banques différentes en banqueroute. En France, l’indemnisation des clients est limitée à 100.000 euros par client et par banque.

Les mauvais payeurs se la coule douce

On se demande pourquoi recoure-t-on à de tels procédés suicidaires. On le sait depuis longtemps que certaines banques tunisiennes devraient être liquidées pour la simple raison que les créances difficilement recouvrables et irrécouvrables dépassent de très loin les capitaux propres. Elles ont un fonds de roulement négatif, manquent de liquidités et restent biberonnées au jour le jour par la Banque centrale de Tunisie (BCT) qui consacre au secteur bancaire la bagatelle de 5.000 millions de dinars (MD). La responsabilité, on le sait, incombe entièrement aux mauvais payeurs constitués principalement des hôteliers récalcitrants et surtout de la smala de Ben Ali qui a tout pillé.

Au lieu de réformer les institutions financières totalement dépendantes de la banque centrale. Au lieu d’encourager l’épargne afin de doper le financement des entreprises. Au lieu de recapitaliser les banques, on entend bruire des rumeurs de faillite. Qui sont les banques qui sont sur le point de couler? On ne le sait pas encore. Une seule banque mais si elles sont 2, 3 ou même 4 ou 5, ou même plus (l’effet château de cartes), ça se passera comment pour les clients? Le fonds d’indemnisation est-il capable de dédommager tout le monde? Et si l’Etat fait faillite, ça peut arriver, qu’est ce qu’on fera? En définitive ce sont l’Etat, vous et moi qui doivent casquer.

De toutes les manières, le gouvernement, face à une pression sociale grandissante, garde l’œil sur ces fonds importants détenus par la banque centrale et veut les utiliser pour le développement du pays et non pour maintenir d’une manière fictive des banques chancelantes. Théoriquement il a raison mais en réalité tout le système bancaire coulera et l’économie tunisienne en pâtira.

Continuer dans la voie de l’assainissement

Les dernières visites de Christine Lagarde directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) et de Dominique Strauss-Kahn (DSK), conseiller indépendant mais fin connaisseur des rouages du FMI, avec en valise des directives et des conseils, ne sont pas étrangers à ces mutations impromptues.

L’exercice d’une activité financière repose avant tout sur la confiance et la bonne réputation. Une fausse rumeur peut faire descendre rapidement un colosse bancaire de son piédestal. Ce qui est terrible avec les rumeurs, c’est qu’à force d’être propagées, elles finissent toujours par devenir réalité.

A mon humble avis, il faut continuer dans la voie de l’assainissement par la recapitalisation des banques. Un audit des banques publiques a été élaboré qui a évalué leurs besoins dans ce domaine à 5000 MD mais l’Etat n’a consenti de décaisser «que» 500 MD (10%). On doit rester solidaire avec les banques tunisiennes qui ont besoin de réformes fondamentales visant à améliorer la qualité de leurs fonds propres, à renforcer la réglementation, le contrôle et la bonne gouvernance et à poursuivre les accords conclus avec le Comité de Bâle pour la mise en place de bons ratios de liquidité et d’effets de levier.

* Economiste.

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