Il y a 24 ans, le 18 mai 1992, entrait en vigueur, en Tunisie, la loi n°92-52 relative à la lutte contre les stupéfiants, «une loi injuste, inefficace et obsolète».
C’est ce qu’indique, l’organisation Avocats Sans Frontières (ASF), dans un communiqué publié aujourd’hui, où elle déplore que, malgré les annonces médiatiques et l’adoption d’un nouveau texte de loi en conseil des ministres, cette loi «demeure toujours en application et continue à faire des victimes auprès des populations les plus vulnérables du pays.»
«A l’heure où les recommandations internationales prônent la prévention, la réduction des risques et la réinsertion des usagers de drogue dans la société au lieu d’une approche exclusivement basée sur la répression des consommateurs, la société civile tunisienne exhorte le gouvernement et l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à réformer la législation en matière de stupéfiants», ajoute l’ASF dans son communiqué.
«La Tunisie continue à suivre une politique répressive en matière de consommation de drogues malgré des résultats désastreux. Au-delà d’une augmentation constante de la récidive, ce qui prouve son inefficacité, cette loi a longtemps été utilisée comme un instrument de répression des jeunes tout en favorisant le recours à la corruption», poursuit le communiqué.
Certains décideurs politiques ont promis la réforme des dispositions relatives aux consommateurs de stupéfiants durant la campagne électorale qui a conduit à la configuration actuelle des pouvoirs exécutif et législatif, constate l’organisation, qui constate qu’après une année de silence des autorités, un projet de loi a été adopté en conseil des ministres, le 30 décembre 2015. Cependant, et malgré cette avancée considérable, «l’adoption du texte par l’ARP ne semble pas prioritaire, alors que des jeunes font encore l’objet d’arrestations dans le cadre de l’application de la loi n°92-52, et que les consommateurs de drogues continuent à renflouer les prisons déjà surpeuplées où ils représentent entre un quart et un tiers des détenus», alerte Antonio Manganella, directeur d’ASF en Tunisie.
Dans un rapport élaboré dans le cadre du ROJ1 et présenté le 2 février 2016, ASF, la LTDH et l’Onat ont fait état des résultats de l’observation de 119 audiences liées à l’application de la loi n°92-52. «Ce rapport nous a permis d’avancer des chiffres inquiétants qui démontrent la non efficacité de cette loi: 74,6% des détenus poursuivis pour consommation de stupéfiants ont moins de 30 ans, le taux de dépendance aux stupéfiants a atteint les 70% chez les jeunes, 54% des condamnés sont des récidivistes», explique Antonio Manganella.
«Ainsi, toutes les données indiquent une augmentation continue des taux de toxicomanie et de récidive qui permettent de conclure que la loi n°92-52 n’a pas réduit les infractions et qu’elle a donc échoué en termes de prévention, de dissuasion et de traitement curatif», souligne encore l’ASF qui se félicite que le nouveau projet de loi sur les stupéfiants a été soumis à l’examen de la commission des affaires de la femme, de la famille, de l’enfance, de la jeunesse et des personnes âgées à l’ARP, tout en déplorant «le manque de visibilité sur l’itinéraire législatif du texte qui n’a été examiné que de façon préliminaire et dont la programmation du passage à une des commissions législatives n’a toujours pas été annoncé».
Ce projet de loi revêt toutefois une très grande importance en raison de la population qu’il touche, à savoir une population jeune et défavorisée sur le plan social, et pour laquelle l’Etat et la justice ne sont perçus que comme des acteurs lointains voire hostiles.
«Le renforcement de la confiance entre le citoyen et les institutions de l’Etat de droit passe également par l’élimination des lois liberticides et inefficaces qui ont caractérisé le régime avant janvier 2011», conclut Antonio Manganella, dont l’association plaide en faveur d’une accélération des travaux parlementaires, notamment par l’inscription du projet de loi relatif à la lutte contre les stupéfiants à l’agenda des commissions de la législation générale et des droits et des libertés, et pour une participation effective de la société civile au débat parlementaire qui en suivra.
Source : communiqué.
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