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Gouvernement d’Union nationale : La cuisine du «fait-maison»

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Les gargotiers de quartier, qui se prennent pour des cordons bleus, nous serviront les mêmes plats indistincts immédiatement rejetés par les clients.

Par Yassine Essid

Dans le magma des différentes restaurations, le plus difficile est de composer un repas à la fois appétissant, gourmand et diététiquement équilibré, aux saveurs riches et contrastées, alors même que la liste des courses est loin de correspondre au menu. Malgré les déboires fréquents, l’artisan-cuisinier du Palais de Carthage persiste à vouloir composer des plats par un ajustement habile d’ingrédients au goût et aux effets opposés voire potentiellement nuisibles.

Une vieille histoire de chefs 

Pour relever le défi du prétendue «Gouvernement d’unité nationale» qui soit adaptée aux exigences de la conjoncture, Béji Caïd Essebsi n’arrête pas d’essayer différentes recettes : consulter les chefs étoilés, faire appel aux produits surgelés ou plus ou moins frais, substituer quelques produits à d’autres dans l’espoir d’aboutir à de bonnes mixtures et réaliser des sauces fines et légères afin de satisfaire une clientèle devenue profondément exigeante et désespérément insatisfaite qui n’en peut plus des plats chauffés au micro-ondes et ne croit plus aux promesses des revendeurs de malbouffe.

Mais un maître-restaurateur, si grand et si prestigieux soit-il, ne peut résoudre à lui tout seul les problèmes du pays. Il a besoin d’un bon directeur, qui gère l’établissement selon un calendrier précis en ne laissant rien au hasard, d’un premier maître d’hôtel autoritaire et rigoureux et de chefs de rangs particulièrement attentifs. On ne pourra pas nous contenter de l’esprit initial de la démarche sans prendre en compte l’univers de la cuisine où s’entasse une population hétéroclite à commencer par le chef de brigade qui s’occupe de l’organisation et qui s’attache aux petits détails. C’est là aussi que s’activent les commis incertains préparant des purées douteuses et où se bousculent les plongeurs chargés d’assurer le nettoyage de la vaisselle et des couverts. Car il est impératif, pour servir un repas convenable, de décaper poêles et plats, là où les dépôts sont particulièrement résistants. Il s’ensuit qu’on ne peut pas se contenter de signaler sur la carte les plats bâclés, ouvrant ainsi la porte à toutes les dérives et confusions possibles. Lorsque les responsables touchent un peu à tout, qui délimitera le seuil en de ça duquel un plat est ragoûtant et celui qui réunit tout ce qui est immangeable?

Donner au public l’illusion d’un changement

L’hypothétique «Gouvernement d’Union nationale» ne serait rien d’autre qu’une version légèrement édulcorée destinée à masquer le goût des sauces. C’est ni plus ni moins qu’une tromperie politique supplémentaire doublée de la carence dramatique de moyens dont disposent les pouvoirs publics pour faire appliquer une politique audacieuse et une stratégie coordonnée créatrice de croissance, d’emplois et de réduction de l’endettement extérieur.
Signe des temps, les fonctionnaires doivent désormais apprendre à attendre avec inquiétude le communiqué officiel du ministère des Finances pour être rassurés que leur salaire sera vraiment versé à la fin du mois.

On a connu avec l’actuelle équipe des réformes annoncées puis enterrées, des affaires interrompues ou classées sans suite, des mesures saluées comme courageuses mais immédiatement remises en cause. Le rétropédalage sous la pression du syndicat et son chantage à la grève chaque fois que l’Etat entreprend une nouvelle réforme, rendant encore plus manifeste sa perte d’autorité, relève désormais d’une politique publique qui autorise les pires inepties.

Ce projet fondateur consiste à donner au public la sensation qu’un changement de noms et une réunion de partis aux modèles idéologiques opposés où les margoulins seront logés à la même enseigne que les honnêtes gens, suffirait à promouvoir son bien-être et défendre ses intérêts. Il est sinon la dernière farce du moment du moins une étrange mixture. Encore une fois, les gargotiers de quartier, qui se prennent pour des cordons bleus, nous serviront les mêmes plats indistincts dont l’hétérogénéité accablante les condamnera au rejet immédiat du client.

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