Le gouvernement Chahed a besoin d’une critique constructive qui l’aide à améliorer la situation en Tunisie, mais aussi d’un soutien fort dans sa guerre contre les forces du mal.
Par Chedly Mamoghli *
Une page se tourne, une autre s’ouvre. Vingt mois du mandat présidentiel se sont écoulés, vingt mois mouvementés et agités. C’est un chef d’Etat qui sait que le temps presse et qui a conscience que s’il veut entrer dans l’Histoire et s’il veut sortir par la grande porte, il doit laisser le pays dans un meilleur état que celui dans lequel il l’a trouvé, en débarquant au palais de Carthage, un certain 31 décembre 2014.
Une ambition discrète
Habib Essid a quitté la primature, Youssef Chahed le remplace. Le sortant, commis de l’Etat, a réussi à améliorer la situation sécuritaire et à instaurer une paix sociale toute relative. Son successeur, c’est l’histoire d’une ambition discrète, qui pour réussir et s’affirmer doit préserver ce bilan sécuritaire voire l’améliorer. Même si c’est sur le terrain économique, surtout, que lui et son équipe sont attendus. Renouer avec la croissance et assainir les comptes publics doivent être ses priorités.
Youssef Chahed doit tout à son mentor, Béji Caïd Essebsi. En vingt mois, il est passé du statut de secrétaire d’Etat à ministre pour enfin devenir chef de gouvernement. Son passage à la tête du secrétariat d’Etat à la pêche puis au ministère des Affaires locales furent brefs pour permettre de juger sa compétence et son bilan. Toutefois, il y a laissé une impression de sérieux et, surtout, il a marqué son passage au gouvernement Essid par sa discrétion. Il ne fait pas partie de ces ministres qui ont passé plus de temps sur les plateaux télé que dans leurs bureaux. Son ambition était discrète et non pas arrogante et dévorante, frisant l’arrivisme comme c’est le cas de beaucoup d’autres.
Chahed n’est pas un Rastignac sans foi ni loi prêt à tout pour le pouvoir. La consécration pour le jeune quadra ne tarda pas d’arriver mais cette ambition discrète est désormais mise à l’épreuve.
Premier conseil du nouveau gouvernement au palais de Carthage:
Caïd Essebsi met le pied de Chahed à l’étrier.
Face aux forces du mal
Il est de notoriété publique, car ce n’est plus un secret pour personne, que les forces du mal en Tunisie, à savoir les terroristes, les contrebandiers, les corrompus au sein de l’appareil sécuritaire et dans d’autres institutions, ainsi que certains décideurs politiques travaillent tous main dans la main. C’est l’union sacrée des voyous.
L’attaque terroriste du lundi à Jebel Samama, à Kasserine, n’est pas fortuite, le timing est bien précis. C’est un message envoyé au nouveau chef du gouvernement, qui prenait les rênes du gouvernement, ce matin là, lors d’une cérémonie de passation des pouvoirs avec son prédécesseur, à Dar Dhiafa, à Carthage. C’est une tentative d’intimidation. «Si tu veux nous combattre, on déstabilisera le pays et on le mettra à feu et à sang», ont semblé vouloir lui lancer depuis leur maquis les terroristes de la Katiba Okba Ibn Nafaa, filiale de l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Le message est on ne peut plus claire. Et ces jihadistes, aigris et remplis de haine, sont capables de joindre l’acte à la parole.
Ajoutons à cela la production de phosphate de nouveau totalement à l’arrêt depuis ce mardi. Et là, c’est un autre message envoyé à Youssef Chahed, cette fois-ci par la puissante nomenklatura syndicaliste, pour lui dire ceci : «Si tu ne nous laisses pas faire la loi, on paralyserait le pays par les mouvements sociaux.»
Les forces du mal agissent et menacent sur le terrain, pour faire comprendre au nouveau chef de gouvernement que s’il essaye de les toucher, il le paierait cher. Ou bien l’immobilisme en les laissant faire la pluie et le beau temps ou bien les nettoyer au karcher et, dans ce cas, c’est la guerre.
La réussite est impérative parce que l’échec est interdit
Certaines personnes ne cessent de répéter que M. Chahed ne tiendra pas plus de 6 mois. Les forces du mal se ligueront contre lui pour faire avorter toute volonté de changement. Il ne doit pas se laisser intimider. Il doit être soutenu et appuyé. Toute personne qui essayera de l’accabler et qui lui fera la guerre sera complice des forces du mal qui rongent le pays.
Certes le critiquer d’une manière constructive est tout à fait démocratique et souhaitable pour l’aider à améliorer la situation générale dans le pays mais l’acharnement sera de l’eau apporté au moulin des voyous.
Ce gouvernement doit réussir et on doit tous l’aider, on n’a pas le choix, il en va du salut du pays.
* Juriste.
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