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Le «niet» de l’UGTT, ses causes et ses conséquences

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Le conseil administratif de l’UGTT a finalement opposé un «niet» définitif à la proposition du gouvernement de reporter les augmentations de salaires prévues pour 2017.

Par Salah El-Gharbi

Les dirigeants de la centrale syndicale justifient ce refus catégorique par l’absence, chez les autorités, d’une réelle volonté politique de lutter contre la contrebande et de réformer le système fiscal pour le rendre plus équitable. «Il ne faut pas que les salariés soient les seuls à supporter le poids des sacrifices à consentir», scande-t-on à l’unisson, place Mohamed Ali.

Le calendrier syndical avant l’intérêt national

En fait, et au-delà des discours, le «niet» de l’UGTT, qui vient à quelques jours de la présentation du projet de la loi de finance 2017 à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), ne surprend personne, et obéit plus à la logique du «calendrier syndical» qu’à des considérations de principe ou d’ordre national.

Il faut dire que la demande du report des augmentations salariales survient à un moment où les dirigeants de la centrale syndicale sont en campagne électorale, en perspective de leur prochain congrès, prévu fin janvier 2017, et il aurait été suicidaire pour la majorité d’entre eux, qui briguent un nouveau mandat, de répondre favorablement à la requête du gouvernement, d’autant plus que ces augmentations concernent essentiellement la fonction publique, vivier et socle électoral de l’organisation syndicale.

Si les arguments de l’UGTT semblent bien rodés, sa démarche n’en manque pas moins de cohérence. Certes, les syndicalistes ont raison de reprocher à l’Etat de ne pas lutter suffisamment contre le secteur informel. Mais, a-t-on oublié les déclarations de certains de ses cadres, en l’occurrence Samir Cheffi, demandant aux pouvoirs publics de tolérer les activités des «petits» contrebandiers, ou les prises de position des structures locales de la centrale, à Tataouine ou Ben Guerdane, favorables à ce type d’activité?

De même, l’UGTT est dans son droit lorsqu’elle exige du gouvernement des gestes forts dans le sens d’une refonte du système fiscal, au demeurant suranné et inéquitable, en renforçant la lutte contre l’évasion et en élargissant l’assiette de l’imposition. Mais, sait-on que, même avec la mise en place d’un système fiscal plus équitable, plus transparent et plus efficace, les recettes n’augmenteraient substantiellement que dans quelques années. Or, l’Etat est dans l’urgence. Harcelé par ses bailleurs de fonds internationaux, dont le FMI, et devant faire face à des exigences budgétaires pressantes, et ses marges de manœuvres restent assez étroites.

Uns posture négative et contre-productive

En somme, le «niet» de la centrale syndicale est objectivement contre-productif dans la mesure où il accule le gouvernement à prendre des mesures peu favorables à la «classe des travailleurs» pour renflouer les caisses de l’Etat.

D’ailleurs, certains observateurs avisés estiment qu’il aurait été plus judicieux que l’UGTT accepte le report des augmentations des salaires et l’utilise comme un moyen de pression afin d’amener le gouvernement à pousser l’Utica, la centrale patronale, à faire un geste en faveur de certaines catégories du secteur privé. Car c’est dans ce secteur, que prévaut, aujourd’hui, une vraie précarité et que l’évolution des salaires reste la plus faible.

Quand l’UGTT prend position contre une proposition du gouvernement jugée défavorable aux travailleurs, il est dans son rôle de contre-pouvoir. Mais, s’il est légitime que la centrale syndicale défende les «intérêts» de ses adhérents, il serait du devoir de l’Etat de veiller aux intérêts de la majorité des Tunisiens et de ne pas se laisser intimider par les menaces des uns et des autres.

Des réformes économiques profondes sont en chantier dans le pays et le gouvernement est tenu de les mener dans la sérénité et dans l’intérêt de tous. Il doit ainsi faire face aux difficultés financières des entreprises publiques œuvrant dans un secteur concurrentiel, comme ceux de la banque ou du transport, et qui continuent de coûter cher aux contribuables. La situation financière des caisses de sécurité sociale (CNRPS, CNSS et Cnam) requiert aussi des interventions urgentes de l’Etat pour sauver un système menacé d’effondrement. La caisse de compensation qui, contrairement aux apparences, profite plus aux riches qu’aux pauvres, requiert, elle aussi, une refonte totale, afin que ses interventions soient mieux ciblées et plus utiles. Et ce n’est pas tout…

Autant dire que la situation créée par le «niet» de l’UGTT va créer une atmosphère sociale délétère qui n’aidera point à la réussite de toutes ces réformes.

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