Sélectionné à la compétition officielle des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2016), ‘‘Chouf’’ de Karim Dridi est finalement sorti dans les salles tunisiennes.
Par Fawz Ben Ali
Après avoir été présent à la section «Un certain regard» du dernier Festival de Cannes, le nouveau film du cinéaste franco-tunisien a décroché 2 prix aux JCC 2016 : meilleure musique et meilleure interprétation masculine pour le jeune acteur Foued Nabba, dans le rôle de Réda.
‘‘Chouf’’ est le 8e long métrage fiction de Karim Dridi et aussi le dernier volet d’une trilogie consacrée à la ville de Marseille, entamée avec ‘‘Bye bye’’ (1995) et poursuivie par ‘‘Khamsa’’ (2008), ayant pour thème la jeunesse sacrifiée.
La caméra de Dridi dirigée vers les marginaux.
Ces forteresses enclavées où la vengeance se fait par soi-même
Pour son nouveau film, le cinéaste dirige encore une fois sa caméra vers les «marginaux» et pousse l’expérience encore plus loin en pénétrant au cœur des quartiers nord les plus chauds de la ville.
‘‘Chouf’’ qui signifie «regarde» en arabe est également le nom donné aux guetteurs marseillais chargés auprès des dealers de drogue de donner l’alerte à l’arrivée de la police. Un «travail» qui, en l’absence d’alternatives, permet aux jeunes de vivre et de faire vivre leurs familles.
Le film se repose sur le personnage de Sofiane, campé par Sofiane Khammes, un jeune étudiant en commerce qui a tout pour réussir mais qui bascule finalement du mauvais côté après que son frère, un caïd de la drogue, ait été assassiné. Habité par un désir de vengeance, Sofiane abandonne famille et études et rejoint, malgré son caractère non violent, le réseau des dealers de son quartier afin de connaître toute la vérité sur la mort de son frère. «Je perds un frère, tu crois que je vais compter sur la justice?», une réplique qui en dit long sur ces forteresses enclavées où la vengeance se fait par soi-même.
Ces jeunes sont les acteurs de scènes d’une violence brute, collant à la réalité des cités.
Pour réussir au mieux son casting, Karim Dridi a pris le soin de choisir des acteurs issus réellement des quartiers marseillais et dont la plupart se sont trouvés pour la première fois devant une caméra, mais grâce à leur potentiel et à deux années de coaching avant d’entamer le tournage, ils ont brillamment parvenu à coller à leurs personnages.
Regard sur le fonctionnement des réseaux de drogue
Ces jeunes qui n’étaient pas prédestinés à faire du cinéma ont fini par porter le film en lui apportant un aspect documentaire avec des dialogues crédibles et authentiques faits de verlan, d’arabe et de gitan dans un accent propre aux Marseillais.
Une atmosphère sombre et tendue.
Karim Dridi, qui a préféré rester dans la constatation plutôt que dans le jugement, a baladé sa caméra dans la plus arabisée des villes de France pour nous livrer une vision interne de la naissance, de l’organisation et du fonctionnement des réseaux de drogue, loin de la stigmatisation médiatique.
‘‘Chouf’’ est une tragédie urbaine aux allures d’un polar où on est suspendu durant près de deux heures à une atmosphère sombre et tendue. Les scènes d’action au rythme effréné sont portées par l’envoûtante bande-son du groupe Chkrrr.
Le quotidien d’une jeunesse qui s’autodétruit
Sous le soleil marseillais, Karim Dridi filme une noirceur terrible, celle du quotidien d’une jeunesse qui s’autodétruit.
Dissimulés sous des capuches ou des cagoules, ces jeunes sont les acteurs de scènes d’une violence brute, collant à la réalité des cités.
Foued Nabba, prix de la meilleure interprétation masculine aux JCC 2016.
Ce film qui porte si bien son nom, est une invitation à regarder une réalité que les médias français n’ont pas réussi à rapporter. Le cinéaste a voulu, certes, traiter des préoccupations sociales et politiques, mais s’est essentiellement attardé sur l’intimité de ses protagonistes : des rêves qui se fracassent, des vies qui se brisent et un destin qui ne peut que mener à l’irrémédiable chute.
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