Attaques terroristes à Tunis, le 24 novembre 2015, et à Berlin, le 20 décembre 2016.
L’insistance de certains médias occidentaux sur la nationalité tunisienne de l’auteur présumé de l’attentat de Berlin a quelque chose de malsain et de vicieux.
Par Jamel Dridi *
La compassion avec les victimes allemandes du terrorisme ne doit pas empêcher de combattre les campagnes successives de stigmatisation dont est victime la Tunisie quand l’un de ses ressortissants est mis en cause dans une opération terroriste.
Non, les terroristes tunisiens ne sont pas les ambassadeurs de la Tunisie
On passera ici, car ce n’est pas l’objet de cet article, sur les caractéristiques de ces mystérieux attentats qui s’enchaînent en Occident ou, à chaque fois, les terroristes laissent traîner une pièce d’identité permettant de les identifier : les fameux passeports intacts du 11 septembre 2001, les surprenantes cartes d’identité laissées par les frères Kouachi après l’attaque contre ‘‘Charlie Hebdo’’, à Paris, et cette pièce d’identité de Anis Amri, le suspect tunisien dans l’attentat de Berlin. Les terroristes tiennent-ils à ce point à ce qu’on ne se trompe pas sur leur identité ?
On s’intéressera ici plutôt à cette tendance à salir systématiquement le tunisian brand à chaque fois que l’occasion le permet.
Pourquoi, en effet, essaie-t-on à chaque fois de lier les terroristes d’origine tunisienne à la Tunisie alors qu’au moment des attentats, ils ont généralement quitté la Tunisie depuis plusieurs années et qu’ils se sont radicalisés dans les pays d’accueil. C’est, en tout cas, ce que les enquêtes sur les attentats de Nice et de Berlin ont démontré.
Certains autres terroristes, et c’est encore plus paradoxal, ne sont même pas nés en Tunisie et n’y ont jamais ou peu vécu, comme Abou Bakr Al-Hakim qui, de nationalité française, est né et a vécu toute sa vie en France, alors qu’on n’arrête pas de rappeler son origine tunisienne.
Le pédophile d’un pays occidental est-il l’ambassadeur de son pays ?
Et pourquoi, en sens inverse, quand un pédophile d’un pays occidental, parfois ministre d’ailleurs, est arrêté en flagrant délit, en Tunisie ou dans autre pays du Maghreb, ne cite-t-on pas sa nationalité ou son pays d’origine? Pourquoi la presse tunisienne ne se met-elle pas à stigmatiser tous les habitants du pays dont est issu le monstre sexuel?
Ce n’est pas parce qu’un pédophile français, allemand ou belge est arrêté en Tunisie, qu’il faille salir la France, la Belgique ou l’Allemagne.
Parce qu’au-delà des considérations déontologiques, cette manière d’insister sur la nationalité des malfaiteurs relèverait d’une volonté malsaine et vicieuse de salir un pays ou un peuple, et non pas de communiquer les faits avec toute l’objectivité et la neutralité requises et d’analyser sérieusement les phénomènes dont il est question.
La Tunisie est aussi victime du terrorisme
On oublie souvent ou on feint d’oublier que la Tunisie est elle aussi victime du terrorisme et à un niveau même élevé. Chaque semaine, si ce n’est chaque jour, des soldats et des policiers tunisiens meurent ou sont blessés par des tirs de groupes terroristes ou par les mines antipersonnel que ces derniers ont plantées dans le maquis… Chaque semaine, si ce n’est chaque jour, des policiers sont tués par des terroristes… Chaque semaine, si ce n’est chaque jour, des civils sont menacés ou agressés ou tués (comme le berger décapité, il y a quelques mois, à Jebel Mghila).
Au final, le tunisian bashing, promu par des médias étrangers, n’est pas destiné à dénoncer un pays qui serait laxiste avec le terrorisme. Une telle affirmation est totalement fausse, car tout est mis en place, en Tunisie, par les ministères de l’Intérieur et de la Défense pour prévenir et circonscrire les menaces, démanteler les réseaux terroristes et garantir la sécurité publique.
En réalité, et au-delà du buzz médiatique nauséabond, les promoteurs du tunisian bashing, trahissent la nostalgie d’une Tunisie soumise et tenue en laisse comme du temps de la dictature. Une dictature qui, en son temps, était pourtant très faiblement critiquée par ces mêmes médias occidentaux, qui essaient aujourd’hui d’enfoncer avec force la jeune démocratie tunisienne. Le contraste entre hier et aujourd’hui est tout de même saisissant !
L’union sacrée contre le terrorisme ne doit pas être vœu pieux
Dans les faits, face à la menace terroriste, ni Paris ni Berlin ni New York ne sont plus sûrs que Tunis. Et s’il y avait une tendance à suivre, c’est celle d’une union sacrée de tous les médias du monde pour dénoncer le terrorisme quels que soient ses auteurs. Ce serait, en tout cas, plus utile que d’enfoncer médiatiquement un pays, la Tunisie, qui fait de son mieux pour lutter contre le terrorisme, tout en préservant sa jeune et fragile construction démocratique.
Cela dit, il ne faut jamais perdre de vue le fait que les instigateurs de ces carnages terroristes qui frappent, en premier lieu, le monde arabe, et, par ricochet, l’Occident, n’ont qu’un seul but : diviser les nations et les peuples et les pousser à s’affronter.
* Consultant en communication.
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