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Racisme anti-noir : Une communication de crise plutôt efficace

Youssef Chahed écoute les doléances des étudiants africains en Tunisie. 

La gestion de la crise provoquée par l’acte raciste ciblant des étudiants subsahariens à Tunis est un exemple de ce qu’il faut faire en matière de communication gouvernementale.

Par Jamel Dridi

L’annonce, le lundi 26 décembre 2016, par le chef du gouvernement Youssef Chahed, de son intention de faire promulguer une loi contre toute forme de discrimination et de renforcer les sanctions pour les actes racistes, a été favorablement accueillie par l’opinion tunisienne.

Suite à la polémique née de l’agression raciste, samedi dernier à Tunis, sur des étudiants congolais, et contrairement à d’autres débuts de crises subies récemment et très mal gérées, le gouvernement tunisien est immédiatement monté au créneau médiatique pour faire face à la crise naissante. Il n’a ni esquivé ni gardé le silence, jugulant ainsi le tsunami des réactions négatives sur les réseaux sociaux.

La lenteur dans l’action s’explique généralement par la rapidité des réactions sur les réseaux sociaux et par l’immédiateté de l’information, qui ne permettent pas toujours d’avoir à l’instant T toutes les informations et les analyses nécessaires pour se prononcer ou prendre des décisions. Mais le problème avec le silence nécessaire à l’analyse qui suit le déclenchement d’une crise c’est que le terrain médiatique est par définition ouvert à la diffusion d’informations souvent polémiques sinon hostiles.

Une bonne réponse par l’image

Dans le cas présent, Youssef Chahed et son équipe ont agi vite mettant fin à une polémique qui commençait à s’amplifier sur le web sur le soi-disant racisme des Tunisiens et l’inaction du gouvernement face à ce phénomène.

La viralité d’une information sans image (tweet, post, article, etc.) est 60% moins forte qu’une information avec image. Le fait de s’être déplacé auprès des victimes, d’avoir été filmé écoutant les étudiants africains subsahariens et d’être pris en photo a permis une viralité plus forte de l’information sur la réaction gouvernementale.

Une simple déclaration solennelle, même marquée du sceau officiel, n’aurait pas eu le même impact. Mais si la gestion de la crise a été, dans son ensemble, assez efficace, quelques axes d’amélioration sont à souligner.
Le monitoring des crises passées

En réalité, il n’y a crise que lorsqu’on n’est pas préparé. Et la meilleure façon de ne pas être préparé, c’est de ne pas apprendre des crises passées. Acte terroriste, attaque, etc., il est aujourd’hui facile de prévoir un minimum de réponse en apprenant de la crise passée surtout que, dans la majorité des cas, les sources des crises sont les mêmes.

Et dans le cas des affaires du racisme anti-noir, il y a bizarrement, depuis 4 ans, la même crise qui se déclenche et est alimentée par les mêmes acteurs sur les réseaux sociaux. L’étude d’une carte de viralité (sur plusieurs supports) et de celle de propagation géographique montrent qu’après la diffusion de l’information sur le plan local, un fort écho médiatique lui est donnée en Europe, via certains sites web ou comptes twitter.

Etablir un carte de viralité et géographique des rebonds de l’information peut révéler les leviers qui ont contribué à sa popularité, ce qui aide la branding team à élaborer la réponse en cas de crise future.

Chahed et son équipe ont vite réagi, mettant fin à une polémique qui commençait à s’amplifier.

Les influenceurs et la musique de fond

Les influenceurs, tunisiens ou étrangers, relayant l’information source de crise ne sont pas nombreux. Qu’ils soient approchés ou créés (plusieurs pays occidentaux créent de manière discrète leurs influenceurs…), ils permettent d’amortir la crise quand celles-ci se déclenche. Et il faut être prêt à investir pour créer et entretenir cette communauté de «fans».

Cela peut paraître comme un investissement à l’aveugle, dont la rentabilité est difficilement mesurable dan l’immédiat. Jusqu’au jour où la crise grave est déclenchée!

Ce jour-là, cette communauté d’influenceurs et de suiveurs jouera naturellement, telle une assurance, son rôle de protection de l’image.

Il y a aussi ce qu’on appelle la musique de fond, c’est-à-dire cette production de contenus exclusifs et positifs permanents sur le sujet potentiellement dangereux. Paradoxalement, ces contenus doivent être élaborés et diffusés en dehors des périodes de crise.

En l’occurrence, sur le racisme anti-noir, quel contenu a été créé ? Combien d’articles positifs a-t-on diffusés sur les efforts d’accueil des étrangers, sur la satisfaction d’une majorité des étudiants africains subsahariens poursuivant leurs études en Tunisie, etc.?

Bien gérer la crise quand elle est déclenchée est nécessaire mais pas suffisant. Il faut aussi se préparer à parer à la crise suivante, en jouant préventivement cette musique de fond sur les réseaux sociaux. En terme SEO, c’est cela qui fait remonter les aspects positifs en cas de recherche sur Google.

Fact checking

Dans le cas de l’agression raciste, tout est certes allé très vite, mais rien n’empêchait une mise au point concernant le profil de l’agresseur. En effet, plusieurs médias ont révélé qu’il avait des problèmes psychiatriques, ce qui n’enlève rien à l’horreur du crime, mais réduit la portée la portée de la qualification raciste et la généralisation de ce phénomène.

On notera, à ce propos, des pays comme les Etats-Unis, l’Angleterre et la France ont mis en place des organes publics pour vérifier et contrer les rumeurs les concernant.

Par ailleurs, la gestion médiatique efficace d’une crise a des conséquences diplomatiques et financières.

Diplomatiques, car il ne faut pas oublier que les représentations des pays d’origine des étudiants agressés regardent la situation.

Financières car, même si dans le cas du racisme anti-africain, la crise est partie d’un fait divers, rien n’empêche d’envisager que cette crise pourrait provoquer, à terme, une réduction du nombre d’étudiants africains subsahariens inscrits dans des établissements universitaires en Tunisie.

Quand on sait qu’en 2015, les étudiants africains ont rapporté à l’Europe 2,5 milliards d’euros, on peut estimer ce que la Tunisie pourrait perdre si elle ne réagit promptement et de manière efficace pour juguler les crises liées au racisme anti-noir.

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