La lutte contre le terrorisme doit être menée sur 3 fronts à la fois : l’éducation, l’emploi et la coopération internationale dans le renforcement de la sécurité.
Par Mohamed Rebai *
La Tunisie est plus que jamais confrontée au terrorisme rampant qui n’épargne personne et annihile tout effort de développement. Le terrorisme tue la crème de nos leaders, nos soldats, nos policiers et nos gendarmes. La menace est permanente.
De ce fait, la Tunisie post révolution, qui ne s’est pas suffisamment protégée du radicalisme religieux, possède actuellement un véritable «vivier de terroristes», comme souligné par plusieurs médias français. Le monde libre nous en veut. Il faut désormais changer de paradigme. Nous avons besoin d’un Etat fort, démocratique et respecté.
Commencer par l’éducation
Une vraie réforme de l’éducation
Pour enrayer cette spirale infernale, il existe trois solutions ou 3 fronts.
Il y a, d’abord, l’éducation. Celle-ci n’est plus ce qu’elle était. L’investissement dans le savoir était le principal atout de la Tunisie moderne. Il ne l’est plus.
Avec des parents qui travaillent toute la journée et qui ont des préoccupations pécuniaires et des difficultés pour joindre les deux bouts, les enfants aux pulsions incontrôlées et en l’absence d’activités culturelles sont souvent livrés à eux-mêmes et deviennent une proie facile pour les vendeurs de drogue et d’alcool. Ce qui a engendré diverses calamités comme la violence, la pédophilie et la prostitution.
D’autres jeunes plus fragiles versent dans le radicalisme voire le fanatisme religieux pur et dur. Tout sauf les études auxquelles ils ne croient plus, faute de débouchés.
Depuis son indépendance, en 1956, la Tunisie a connu plusieurs réformes de l’enseignement avec souvent de très mauvais résultats. L’Etat a souvent donné le tournis aux élèves, aux enseignants et aux parents avec les horaires, les programmes, les filières, les matières enseignées et les méthodes pédagogiques pas toujours les plus adéquats et les plus efficaces.
Nos écoles et nos universités sont aujourd’hui au bas des classements internationaux. Les classes complètement délabrées sont surpeuplées et ingérables des fois vides ou sans enseignants.
Une grande réforme impliquant les parents, les élèves et les étudiants, le corps enseignant, l’administration et les syndicats est plus que nécessaire. Mahathir Mohamad, Premier ministre de Malaisie (1981-2003) l’a fait. Résultat : la Malaisie, un pays majoritairement musulman, est actuellement un pays émergent et moderne (29e le plus riche du monde).
L’actuel ministre tunisien de l’Education a réalisé une consultation nationale sur la réforme éducative et celle-ci tarde encore à être mise en route. Aussi est-il encore tôt de juger de ses résultats.
L’investissement au service de l’emploi
La seconde solution réside dans l’emploi. La France est historiquement l’un des premiers investisseurs étrangers en Tunisie. Sur la seule période 2013-2015, le flux d’IDE français (hors énergie) a été de 320 millions d’euros (M€), loin devant l’Italie (95M€) et l’Allemagne (85M€). C’est trop peu. Ces IDE devraient être doublés voire triplés. Le Maroc, mieux loti, en a reçu trois fois plus, notamment dans les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique, où la Tunisie dispose de bons atouts comparatifs.
Depuis l’accord de libre échange conclu avec l’Union européenne (UE) en 1996, notre balance commerciale est de plus en plus déficitaire avec le vieux continent. Nous sommes à une heure d’avion des frontières sud de l’Europe. Il faut penser à des projets communs gagnant-gagnant générateurs d’emplois et non à des aides financières qui augmentent la spirale inflationniste et partent dans les augmentations salariales, les dépenses de fonctionnement d’une administration budgétivore ou, plus trivialement, les poches des politiques véreux et corrompus.
Actuellement la Tunisie est presque fermée sur elle-même et ne profite pas vraiment de son environnement de proximité, à savoir le vaste marché européen constitué de plus de 500 millions de consommateurs. On parle souvent de transfert de technologie et de mise à niveau industrielle mais on ne voit rien se concrétiser, la chaîne de valeur des industries tunisiennes demeurant très faible et sous-développée.
Nos partenaires étrangers, notamment européens, peuvent aider à absorber tout le chômage qui frappe 15% de la population tunisienne – taux qui atteint 40% et plus dans certaines régions intérieures – par la création de trois ou quatre mégaprojets.
La coopération sécuritaire internationale
La 3e solution viendra de la coopération internationale. Les Français, les Allemands, les Italiens, les Britanniques, les Polonais, les Russes, les Algériens et les Libyens qui visitent la Tunisie pour se reposer, se divertir et se ressourcer doivent contribuer à leur propre sécurité par des aides substantielles aux forces de sécurité tunisiennes sous forme de soutiens en matière de formation, de stratagèmes et d’équipements. Certains le font déjà, et on ne peut que s’en féliciter, mais cet effort doit être renforcé, car la Tunisie peut beaucoup contribuer à protéger la frontière sud de l’Europe, si on la dote des moyens technologiques nécessaires.
Avec la progression du terrorisme qui prend une dimension planétaire, la Tunisie ne pourra plus supporter le fardeau de la sécurité de touristes désargentés, logés dans des hôtels de luxe, mais qui paient la semaine de séjour, avion compris, ce que débourse un Tunisien pour une seule journée en Europe.
Le jour où des accords en matière de sécurité touristique seraient scellés avec nos partenaires, vous allez voir l’augmentation exponentielle des touristes de retour en Tunisie et on touchera sous-peu le pic des 10 millions de visiteurs par an (contre 5 millions actuellement).
A l’instar du tourisme, d’autres secteurs peuvent être aussi inséré dans cette dynamique de coopération internationale mutuellement bénéfique, notamment l’agriculture, l’industrie et les services.
A tout il y a un commencement…
* Universitaire.
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