L’attaque de Jérusalem va donner lieu bientôt à des actes de représailles dont feraient les frais comme d’habitude l’ensemble des Palestiniens des territoires occupés.
Par Dr Mounir Hanablia *
A Jérusalem, dimanche 8 janvier 2017, un camion a foncé sur un groupe de soldats israéliens, descendus d’un bus, en a écrasé plusieurs, fait marche arrière en repassant de nouveau sur leurs cadavres, avant qu’un ou plusieurs soldats ne finissent par en abattre le conducteur. C’est ce que révèle une vidéo prise à partir d’une caméra de surveillance et diffusée sur les réseaux sociaux.
L’attaque a eu lieu sur la promenade d’Armon Hanatziv, à Jérusalem-Est, près du quartier arabe de Jabal Mukabber. Les autorités israéliennes, pour d’évidentes raisons politiques, avaient pris la décision de ne plus faire de distinction entre les localisations géographiques des différents quartiers de la ville.
Selon ce que rapporte la presse, il y a eu 17 soldats blessés, et 4 tués, parmi lesquels deux habitaient les colonies de Cisjordanie, et deux autres à l’intérieur des frontières de juin 1967.
La récupération politique d’un attentat
L’attentat a été attribué à Fadi Ahmed Hamdane Qonbor, 28 ans, un Palestinien de Jérusalem-Est, père de quatre enfants, et résidant dans le voisinage.
Les images vidéo ont suscité un choc chez les Israéliens, dont quelques uns ont été scandalisés de voir plusieurs des soldats témoins de la scène regarder sans réagir puis s’enfuir dans la direction opposée à celle de l’attentat, ou se jeter à terre, pendant que le camion manoeuvrait.
Au choc, a succédé la polémique. Un soldat nommé Rand, qui a abattu le chauffeur, a en effet déclaré que si ses camarades se sont abstenus de tirer, c’était à cause de l’affaire Elor Azria, le soldat jugé et convaincu la semaine dernière du meurtre de sang froid commis sur un Palestinien blessé après une attaque au couteau contre deux soldats, et qui ne représentait plus aucun danger. Ceci a déclenché la colère de l’état major de l’armée qui a nié que les deux affaires fussent liées.
Il apparaît donc qu’une tentative de récupération politique de l’affaire, par les colons des territoires occupés, se dessine, afin qu’à l’avenir et au nom de l’impératif de sécurité, tout acte violent contre les Palestiniens, commis par des soldats ou des réservistes armés, soit exonéré. Il faut donc s’attendre bientôt à des actes de représailles dont feraient bien sûr les frais comme d’habitude l’ensemble de la population palestinienne des territoires occupés.
Maintenant, est-ce que des actes de résistance à l’occupation militaire par des attaques aux camions sont productives, même quand elles sont commises contre des soldats? Rien n’est moins sûr, quoique, dans une situation dissymétrique, la partie la plus faible n’ait souvent pas trop le choix sur les moyens.
A l’ère de l’image diffusée en direct, l’impact de tout acte doit être évalué la lumière de ce fait, et c’est vrai que l’acharnement du chauffeur en marche arrière est accablant; il semble démontrer à l’encontre des soldats une haine personnelle peut-être fondée sur des exactions commises contre lui-même ou sa famille, dont il faudrait peut-être connaître les raisons.
Il est non moins vrai que cette technique du camion bélier, pour le moment difficilement parable, rattache d’une manière très maladroite à des actes horribles commis contre des civils à Nice, Berlin, Istanbul, par des individus présumés appartenant à l’organisation terroriste de l’Etat islamique (Daech).
Sans accord politique, aucune paix ne sera jamais définitive
Les ennemis des Palestiniens, et ils n’en manquent pas, affirment déjà après cet acte de résistance commis dans un territoire occupé, contre des soldats armés prêts à tuer et à être tués, que les motivations n’en sont nullement politiques et qu’elles ne peuvent être expliquées que par un fanatisme religieux semblable à celui ayant justifié les actes semblables en Europe; que face à cela les pulsions meurtrières des soldats contre les Palestiniens deviennent sinon légitimes, du moins compréhensibles, alors que leurs véritables motivations ne tiennent en réalité qu’au racisme tenu par toute armée d’occupation contre les populations occupées. Mais, malheureusement, les manifestations organisées à Gaza par le Hamas, toujours aussi mal inspiré, leur fournissent naturellement quelques arguments en ce sens.
Bien sûr, pour l’Européen ou l’Américain moyens, qui n’ont aucune opinion propre sur le sujet et qui se bornent à prendre connaissance des gros titres des médias, l’amalgame entre l’attentat de Jérusalem et ceux de Berlin ou de Nice situera naturellement Israël automatiquement dans le camp des «Bons», et leurs adversaires dans le camp des «Mauvais». Alors que la réalité est bien sûr différente, il y a une situation conflictuelle parce que les résolutions du droit international sont récusées par la puissance occupante, qui refuse toujours de les exécuter et qui justifie la pérennisation de son occupation par des impératifs de sécurité.
Il y a quelques jours, justement, une résolution du Conseil de Sécurité condamnant l’occupation israélienne avait été votée parce que, fait sans précédent depuis plusieurs années, le représentant des Etats-Unis s’était abstenu. Toujours est-il que la dernière attaque au camion démontre justement que, malgré le gouffre abyssal séparant les forces et les souffrances en présence, des actes de cette nature viendront inévitablement de temps à autre rappeler que, sans accord politique, aucune paix ne sera jamais définitive ni aucune rancune totalement surmontée.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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