‘‘Corps étranger’’, 4e longmétrage de fiction de la cinéaste Raja Amari, est sorti dans les salles tunisiennes, mercredi 22 février 2017.
Par Fawz Ben Ali
Absent des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2016), le film a néanmoins été sélectionné dans de prestigieux festivals internationaux comme la Berlinale 2017 dans la section «Forum» ou encore le Festival international de Toronto 2016 dans la section «Présentations spéciales».
Quatorze ans après la sortie de son premier long-métrage ‘‘Satin rouge’’, la cinéaste tunisienne réinvite son actrice fétiche, la Palestinienne Hiam Abbas, devant sa caméra et espère, par nostalgie ou par stratégie, retrouver le succès qu’avait connu ‘‘Satin rouge’’ aussi bien auprès du public que des critiques, un succès moins franc pour ses films ‘‘Les secrets’’ (2009) et ‘‘Printemps tunisien’’ (2014).
Sarah Hanachi et Hiam Abbas.
‘‘Corps étranger’’ est une production franco-tunisienne de Nomadis Images (Tunisie) et de Monvoisin Productions (France), qui réunit dans la distribution, aux côtés de Hiam Abbas, la jeune comédienne Sarah Hanachi qu’on a vue auparavant dans ‘‘ Zizou’’ de Ferid Boughedir, Salim Kachiouch, qui a joué notamment dans ‘‘La vie d’Adèle’’ du cinéaste Franco-tunisien Abdellatif Kechiche, mais aussi Majd Mastoura dans un rôle secondaire qu’on a découvert auparavant dans le fameux ‘‘Nhebek Hedi’’ de Mohamed Ben Attia.
Du côté de chez Mme Bertaut
La caméra s’est introduite sous la mer pour les premiers plans du film, on y distingue un passeport vert, quelques photos et des chaussures. Puis une jeune fille échoue sur la plage, il s’agit de Samia (incarnée par Sarah Hanachi), une Tunisienne qui a quitté clandestinement son pays, fuyant son frère islamiste qui la battait.
On ne sait comment, mais sans argent ni papiers, Samia arrive à Lyon et retrouve Imed, un ami de son frère, gérant d’un petit café dans la ville, qui accepte de l’héberger et de la prendre en charge. Mais la jeune fille finit par étouffer sous cette protection qui l’empêche d’affirmer sa dignité et sa liberté.
Sarah Hanachi et Majd Mastoura.
Par un coup de chance, Samia tombe sur Mme Bertaut (jouée par Hiam Abbas), qui a besoin d’une domestique pour l’aider à se débarrasser des affaires de son mari récemment décédé.
Cependant, on comprend vite que cette dame a surtout besoin de combler un vide affectif, «ce qui me manque surtout ce n’est pas la voix de mon mari, mais ses mains qui me touchaient», confie-t-elle.
Hiam Abbas, au charisme et à la présence inimitable comme toujours, glisse subtilement de l’image frigide de la dame bourgeoise pour se dévoiler un peu plus au milieu du film et redevenir Leïla, une Tunisienne issue de l’immigration, qui, pour régulariser sa situation en France, a dû se marier à un vieux français et devenir ainsi la très respectable Mme Bertaut.
Une confidente, une amie, voire une amante.
Leïla trouve dans Samia, qui lui rappelle sa jeunesse, une confidente, une amie, voire une amante. Mais la relation dérape vite vers un triangle amoureux quand Imed, essayant de retrouver Samia, fait la connaissance de Leïla qui a du mal à résister à l’appel de ce corps jeune et attirant. Les désirs montent en même temps que les tensions s’exacerbent dans ce trio, passant par la méfiance, la jalousie, la complicité et le désir, et menant le film aussi bien sur le terrain de la réalité que du fantasme.
Une copie lassante du parfait ‘‘Satin rouge’’
Tourné entièrement en France avec des dialogues en grande partie en langue française, le film garde tout de même une interaction avec l’actualité socio-politique tunisienne en évoquant à maintes reprises la révolution du 11 janvier 2011, le jihadisme et la crise économique.
Salim Kachiouch et Sarah Hanachi.
On a l’impression que la cinéaste a souhaité traiter beaucoup de thèmes à la fois comme la clandestinité, l’expatriation, la radicalisation, le deuil, l’identité… mais ne s’est finalement arrêtée à aucune de ces questions aussi importantes les unes que les autres, préférant plutôt tout miser sur l’idée du trio amoureux, comme elle l’avait déjà fait dans ‘‘Satin rouge’’, ce qui nous donne l’impression d’un déjà-vu, non seulement par le recours à la même actrice principale (Hiam Abbas), mais aussi à ce rôle qui lui est destiné : la veuve en manque d’affection avec un goût marqué pour les hommes beaucoup moins âgés qu’elle.
Malheureusement, la recette ne marche pas à tous les coups surtout, et ‘‘Corps étranger’’ se trouve une copie lassante du parfait ‘‘Satin rouge’’.
Le film est actuellement dans les salles Colisée, Palace, ABC, Ciné Jamil (Tunis), Zéphyr, Agora (Marsa), Majestic (Bizerte) et Palace (Sousse).
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