L’absentéisme des enseignants est l’un des maux chroniques du système éducatif tunisien, qui a du mal à être réformé, à cause des résistances du cadre éducatif.
Par Abderrazek Krimi
Où va l’enseignement en Tunisie ? Cette question devient d’autant plus persistante que toutes les parties concernées sont unanimes à constater un recul alarmant des outputs du système éducatif tunisien. Ce recul a, d’ailleurs, commencé à se faire constater depuis plus de deux décennies. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, la Tunisie a engagé, au cours des deux dernières décennies, deux réformes et on est actuellement à la troisième. Pis: on a l’impression que chaque réforme qui s’opère produit des effets contraires aux objectifs annoncés.
Un système éducatif en régression continue
La question, aujourd’hui, est de connaître les causes de cette régression continue du système éducatif, qui a pourtant représenté une fierté nationale des décennies durant, et de déterminer la responsabilité de chaque partie.
Il va sans dire qu’un diagnostic objectif et courageux représente la moitié du remède, mais un tel diagnostic n’est possible que si l’on s’arme d’une très forte dose de patriotisme pour pouvoir reconnaître la vraie raison d’une telle chute dans la médiocrité.
Ce qui caractérise notre enseignement c’est qu’il est adossé à un cadre syndicaliste aussi puissant que rigide et qui, depuis les années 70, n’a cessé de s’illustrer par son esprit revendicatif. Or, un syndicalisme responsable doit s’établir sur la base d’un contrat moral dont les termes sont simples et évidents : je réclame des droits, mais en contrepartie j’honore mes obligations. Et la moindre obligation d’un fonctionnaire, c’est de se présenter de manière ponctuelle à son lieu de travail.
Or les chiffres parlent d’elles-mêmes : l’éducation nationale est le secteur qui connaît le plus grand taux d’absentéisme dans la fonction publique. Des statiques du ministère de l’Education, dont Kapitalis a eu connaissance, montrent la gravité du phénomène de l’absentéisme des enseignants. Non seulement le nombre de journées de travail non effectué pour cause de maladie attestée par des certificats médicaux est très important, mais ces journées se répartissent de manière disproportionnée et «inéquitable» entre les régions, ce qui explique les disparités existantes au niveau des résultats des examens nationaux et la répartition des taux d’échecs scolaires.
Absentéisme des enseignants et mauvais résultats des élèves
Pour exemple : on a compté dans la région de Kasserine 5.594 journées de travail non réalisées au cours de l’année scolaire 2015-2016, contre 1.224 journées non réalisées dans celle de Sfax, sans prendre en compte, bien sûr, le nombre d’habitants et d’établissements scolaires dans chacun des deux gouvernorats, Sfax étant démographiquement beaucoup plus important.
On comprend dès lors pourquoi les meilleurs résultats des concours nationaux soient réalisés à Sfax alors que les plus faibles sont souvent enregistrés à Kasserine. La responsabilité des enseignants peu scrupuleux sinon malhonnêtes y est pour beaucoup, ainsi que les médecins corrompus qui leur livrent des certificats médicaux de complaisance.
Peut-on s’attendre à de bons résultats scolaires d’un système éducatif qui souffre de cette importante carence qu’est l’absentéisme sous toutes ses formes : congés de maladie de courte durée, congés de maladie de longue durée, grèves intempestives, tensions continues dans le milieu scolaire et, pour couronner le tout, des vacances scolaires mal adaptés.
De quoi faire perdre le goût du savoir aux élèves et réduire l’attractivité de ce métier noble, qui est censé être la locomotive du progrès, aux yeux des bons enseignants, qui vont voir ailleurs si l’herbe est plus verte.
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