Lassaad Yacooubi et Neji Jalloul.
Dans la guerre des egos, qui oppose le ministre de l’Education et le syndicat de l’enseignement secondaire, ce sont les élèves qui sont pris en otages.
Par Salah El-Gharbi
Après un mois chaud où l’on venait d’assister à un dur tiraillement entre le gouvernement et l’UGTT, et à de houleuses tractations entre la centrale syndicale et le grincheux secrétaire général de la fédération de l’enseignement secondaire, certes, le préavis de la grève, prévue pour le 27 mars, a été suspendu, mais, est-ce, pour autant, que l’on peut, aujourd’hui, affirmer que la crise est derrière nous et que la menace qui pèse sur l’avenir de Néji Jalloul à la tête du ministère de l’Education nationale s’est dissipée?
A voir ses dernières réactions, ce dernier serait aux abois. Malgré les déclarations réitérées de soutien du chef du gouvernement à son égard, il est loin d’être rassuré. L’épée de Damoclès reste encore suspendue au-dessus de sa tête.
Chahed entre deux feux
En fait, n’ayant pas participé aux tractations entre Youssef Chahed et Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT, le ministre reste sur ses gardes. Il aurait le sentiment que la trêve conclue par le chef de gouvernement l’aurait été à ses dépens et que ses jours seraient comptés. Aussi le ministre de l’Education passe-t-il à l’offensive, cherchant à se prémunir contre une éventuelle éjection qui serait ressentie comme une humiliation…
Ainsi, se méfiant de Chahed, Jalloul semble plutôt compter sur l’arbitrage du président de la république, ce qui expliquerait l’intempestive affirmation, dans un entretien avec un journal de la place, de son total soutien à Béji Caid Essebsi si ce dernier briguerait un second mandat à la tête de l’Etat, ce qui a fait sourire plus d’un.
Dans le même entretien, l’homme marque son terrain et hausse le ton, en réaffirmant sa détermination à garder son poste jusqu’à la fin de la mandature, en 2019, visant ainsi, à mettre encore plus dans l’embarras le locataire de la Kasbah.
Assurément, «l’affaire Jalloul» est destinée à durer encore longtemps. Elle venait de pourrir la vie du chef du gouvernement et la crise risque de refaire surface après le 15 avril, date de la réunion conjointe des deux commissions exécutives, de l’enseignement de base et de l’enseignement secondaire, au cours desquelles de nouvelles mesures d’escalade pourraient être adoptées demandant une fois encore le départ du ministre de l’Education.
Neji Jalloul et Youssef Chahed.
Les perdants de la guerre des ego
Conscient de la gravité de la situation, Chahed est pris entre deux feux. D’une part, congédier Jalloul serait, pour lui, se soumettre au diktat du syndicat, mais aussi se renier, lui qui a toujours affirmé être solidaire de son ministre, d’autant plus que ce dernier semble jouir d’une certaine popularité, laquelle d’ailleurs serait en train de s’effriter.
D’autre part, si M. Chahed se trouve dans l’embarras, c’est qu’il craint qu’en gardant M. Jalloul, ce dossier explosif risquerait d’affaiblir le gouvernement dans les futures négociations avec la centrale syndicale sur des questions très délicates pour le pays, à propos de la réforme des caisses, de la privatisation de certaines entreprises publiques…
C’est l’impasse. Le bras-de-fer entre l’exubérant M. Jalloul et le turbulent Lassaad Yacoubi, secrétaire général du syndicat de l’enseignement supérieur, continue, par médias interposés.
Face à cette situation de tension sournoise, Chahed semble compter sur l’épuisement du mouvement syndical mais aussi sur le possible renoncement du ministre de l’Education, scénario presque impossible étant donné l’enjeu pour ce dernier, pour qui le départ de Bab Benat constituerait un frein à ses ambitions politiques.
Dans cette guerre des egos qui dure depuis des mois, les vrais perdants restent les centaines de milliers d’élèves qui sont pris en otages. Ce département sinistré depuis des décennies, laminé, depuis la «révolution», par l’échec des différents ministres qui s’y sont succédé, attend d’être enfin secouru, réformé et remis sur de bons rails.
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