Ciblant jadis les grandes marques de vêtements, parfums et accessoires, la contrefaçon élargit son champ d’action et touche, désormais, des pans entiers de l’industrie tunisienne.
Par Zohra Abid
Parmi les conteneurs chargés de produits de luxe contrefaits (stylos, smartphones, parfums, produits de maroquinerie, vêtements, lunettes, etc.), saisis en janvier dernier au port de Sousse, les agents du bureau régional de la douane, qui ont effectué l’opération, ont saisi 850 articles portant un faux logo des Ateliers mécaniques du Sahel (AMS).
Concurrence déloyale
Il s’agit de robinets et mélangeurs fabriqués illégalement en Chine par Shenzen Biyali Trading Co.LTD. Ce sont des produits de contrefaçon écoulés sur le marché tunisien depuis au moins 5 ans et proposés à des prix défiant toute concurrence, puisqu’ils sont vendus 30 à 40% moins cher que les produits originaux. Pire encore: les Tunisiens ignorent que ces articles contrefaits, fabriqués surtout en Chine, pays assurant, aujourd’hui, près de 70% des produits contrefaits dans le monde, contiennent des taux de plomb allant de 2,8 à 3,4%, considérés comme cancérigènes.
Les distributeurs de ces produits sont Tunisiens: Naoufel B. S. M., originaire d’Aouled Hannachi, Chorbane (Mahdia), et Zouhaïer B. M. B. de Benbla (Monastir). Ces deux trafiquants sont actuellement poursuivis en justice par la douane tunisienne, et la société des AMS, la partie lésée par leur commerce illégal, s’est portée partie civile pour exiger une indemnisation.
Ce fleuron de l’industrie tunisienne, qui emploie aujourd’hui 440 personnes, affiche un déficit de près d’un million de dinars tunisiens (MDT) par an à cause de ce marché de la contrefaçon, qui affecte tous les secteurs de l’industrie nationale.
A l’instar des secteurs mécanique et électrique, ceux du textile et de la maroquinerie souffrent, également, énormément, de ce fléau des produits de contrefaçon introduits et écoulés illégalement sur le marché tunisien. Selon un professionnel du secteur, les usines risquent de ne plus pouvoir tenir plus longtemps et d’être bientôt contraintes de mettre les clefs sous le paillasson et de mettre des milliers d’ouvriers sur le carreau.
Une gangrène qui ronge l’industrie
Les produits contrefaits (des AMS ou d’autres marques locales), qui sont pour la plupart emballés dans des ateliers tunisiens avec un faux logo, se vendent à grande échelle. On les trouve dans tous les souks à travers le pays, proposés sur les sites en vente en ligne et les réseaux sociaux avec livraison gratuite et même exposés dans des magasins du secteur formel, au vu et au su de tout le monde, y compris des responsables du ministère du Commerce, qui laissent inexplicablement faire.
Laxisme, incompétence ou complicité active? Quand on sait le degré d’irresponsabilité auquel sont arrivés certains agents publics, solubles dans l’argent et corruptibles à souhait, on ne peut raisonnablement écarter aucune explication.
D’ailleurs, les 2 distributeurs cités ci-haut, qui sont les 2 associés de la société PDC, sont également spécialistes en vente en ligne. Une page Facebook portant le nom de leur société, animée avec des jeux et des cadeaux, propose des batteries de cuisine, des casseroles, des cocottes, des poêles, des sets ménagères… qui pourraient porter d’autres faux labels.
En attendant de voir les usines fermer et l’industrie tunisienne foutre le camp, Zied Ladhari, ci-devant ministre de l’Industrie et du Commerce, continue de faire le beau dans les conférences, les séminaires et les plateaux de télévision.
Laxisme, incompétence ou complicité active? Aucune explication ne saurait vraiment être écartée. Et la justice doit faire son travail et ne pas limiter le curseur de l’enquête judiciaire aux petites mains ou aux petits poissons. Les gros pontes, qui protègent ce système mafieux organisé, doivent aussi tomber. Il y va de l’avenir de l’industrie et de l’économie tunisiennes.
Rappelons que, selon les statistiques dévoilées en août 2016 par la douane tunisienne, pour les seules années 2014 et 2015, près de 300.000 produits contrefaits ont été saisis et parmi ces produits saisis, près de 110.000 articles d’habillement, 60.000 produits cosmétiques, 100.000 paquets de cigarettes et 400 téléphones: une goutte d’eau dans la mer.
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