Serait-ce un nouveau Mai 68, avec barricades, pavés, cocktails Molotov, contre-charges de CRS, matraques et gaz lacrymogène?
Par Habib Trabelsi, à Paris
«Ce rassemblement (le meeting lundi au Zénith de Paris de la patronne du Front National (FN) et candidate à la présidentielle, Marine Le Pen, ndlr) nous laisse un goût amer», admet un militant des «Ingouvernables», un collectif d’anarchistes qui s’active depuis plusieurs semaines contre les présidentielles, «une farce électorale», qui entrent dimanche prochain dans leur premier tour.
Les «Ingouvernables» contre la fanatique Marine Le Pen.
«Cessons de penser que nous sommes seuls dans cette société. Des alliances sont possibles : avec des prolétaires, des personnes issues de l’immigration, des gens tout simplement antiracistes. Ce genre d’action ne fait que renforcer notre isolement politique et nous marginalise», poursuit cet activiste déçu par la débandade des quelque 300 «Ingouvernables» (entre 100 et 200, selon la police) rassemblés devant le parc de La Villette avant d’être dispersés par d’importants contingents de forces de l’ordre, secondées par une escorte du service d’ordre du FN.
Une présidentielle sous haute tension.
«Des questions comme ‘‘Vous défendez quoi ?’’, ‘‘Vous êtes des anars ou des fachos ?’’ me mettent particulièrement mal à l’aise», déplore un autre militant anti-FN sur les réseaux sociaux où quelques partisans commencent à remettre en question le fait de limiter leurs actions à une simple «rage destructrice pratiquée par de petits groupes», à appeler à «se porter vers des masses, jusqu’à présent tournées vers l’abstention apolitique et le citoyennisme».
Les forces de l’ordre ont du pain sur la planche.
Un discours aux accents fortement identitaires
Les slogans («Tout le monde déteste le FN», «Tous les flics sont des fachos», «Flics, violeurs, assassins» scandés mardi par les manifestants, les fumigènes allumés, les projectiles (pavés, bouteilles en verre, bâtons de bois, canettes… voire le cocktail Molotov visant, sans l’atteindre, un parlementaire FN, Gilbert Collard, protégé par un cordon de policiers, n’ont pas empêché la candidate d’extrême droite de tenir son meeting et de cogner dur sur l’immigration et l’islamisme, devant plusieurs milliers de frontistes chauffés à blanc.
Deux Femen perturbent le meeting de Le Pen.
Deux militantes du mouvement Femen, dont l’une était munie d’un bouquet de fleurs, ont été plus «efficaces». Elles ont perturbé très brièvement le meeting en montant sur scène, des inscriptions anti-FN sur leur torse nu, avant d’être évacuées par le service d’ordre.
Cela n’a pas empêché «la Marine» de poursuivre son discours fleuve pour proposer, pour la première fois, un moratoire sur l’immigration, provoquant une salve d’«On est chez nous !», «La France aux Français !».
Affiche de la Nuit des Barricades.
«Nuit des barricades»
Mais les «Ingouvernables» – qui ont déjà lancé «un appel national» pour le blocage de l’ensemble des lycées et des facultés, jeudi et vendredi, pour protester contre la «mascarade présidentielle», ont appelé mercredi à «un rassemblement samedi à partir de 18H00 sur la place de la Bastille, dès le soir du 1er tour» dimanche, pour protester «contre ce cirque, contre ces clowns qui pensent pouvoir nous gouverner».
«Reprenons la rue, reprenons la parole ! Soyons nombreux à cette #NuitDesBarricades pour nous opposer à la mascarade électorale et au chantage qu’on nous imposera entre libéralisme d’un côté et fascisme de l’autre», appellent-ils dans un communiqué.
«Voter ou ne pas voter, telle n’est pas la question», proclame un partisan.
Les «anarchos» mettent leur grain de sel.
«Ramenez de quoi construire une énorme barricade, symbolisant notre refus de rentrer dans leur jeu et notre volonté de construire un autre monde», ajoutent ces «anarchos».
Ils ont également discuté «collectivement», outre du rassemblement place de la Bastille pour construire «une barricade géante symbolisant notre opposition au processus électoral», mais aussi «plus globalement, de l’entre deux-tours, du 1er mai et des autres dates» des présidentielles… qui s’annoncent à hauts risques.
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