Israël traîne de plus en plus sa tare originelle, la fondation de son Etat sur le meurtre, l’expulsion et l’expropriation, qui l’empêche d’intégrer pleinement les nations civilisées.
Par Dr Mounir Hanablia *
La célébration du souvenir de la Shoah s’est déroulée cette année le 24 avril 2017, à Auschwitz. Comme toutes les autres années, de nombreuses personnalités étrangères, en particulier israéliennes, ont fait le déplacement en Pologne pour cette commémoration hautement symbolique où les drapeaux israéliens étaient nettement plus visibles que ceux du pays hôte ou de l’Union européenne (UE).
Le discours belliqueux du général Eisenkot
Dans ce haut lieu de la souffrance humaine, le discours du chef de l’état major de l’armée de défense d’Israël, sanglé dans son uniforme d’apparat, n’a pas manqué d’étonner. Le général Gadi Eisenkot a en effet promis qu’Israël détruirait tous ceux qui cherchaient sa disparition, et fait le serment que son pays protégerait tous les juifs à travers le monde grâce aux moyens dont désormais il disposait. Un discours belliqueux dont le plus important à retenir est la prétention d’un pays à intervenir dans les affaires de tous les autres pays du monde au nom d’un sacro saint droit de protection des membres d’une communauté religieuse qui ne sont même pas ses propres citoyens.
Est-ce que l’Etat Juif est l’Etat de tous les juifs? Cela voudrait dire aussi qu’Israël considère que l’allégeance des juifs qui ne sont pas ses citoyens comme lui étant acquise et primordiale par rapport à celle qu’ils doivent aux pays dans lesquels ils vivent. Et cela peut poser un sérieux problème à la situation des juifs de la diaspora lorsqu’il s’agit de secrets militaires ou industriels ainsi que le cas de Jonathan Pollard l’avait révélé il y a plusieurs années. Mais apparemment l’Etat d’Israël n’a cure de soulever le problème de l’allégeance des juifs dans les pays où ils résident, ni de l’antisémitisme qui peut en découler. Est-ce une manière de les pousser à aller s’installer dans l’Etat des juifs? Tout le monde se souvient comment le Premier ministre Netanyahu avait appelé les juifs de France à émigrer en Israël après les attentats de ‘‘Charlie-Hebdo’’ et du Bataclan.
Le général Gadi Eizenkot: Israël protégera tous les juifs dans tous les Etats du monde!
Mais pour en revenir à la tribune d’Auschwitz utilisée par le chef de l’armée sioniste pour lancer des menaces, tout le monde a compris que le pays auquel il se référait était en premier lieu l’Iran. Un Iran qui depuis que Trump a bombardé la Syrie et envoyé sa flotte au large de la Corée apparaît de plus en plus comme la prochaine cible d’une agression militaire visant à le priver de son potentiel nucléaire.
Mais si l’on en revient aux symboles, le premier des paradoxes est que cet avertissement n’ait pas été adressé de Tel Aviv ou de Haïfa, mais d’Auschwitz qui n’est à priori pas situé sur le territoire israélien. Ce n’est pourtant pas un hasard, ceci veut dire d’abord qu’Israël considère que le lieu le plus symbolique de la Shoah fait partie exclusivement de son territoire, même si c’est sur le plan des symboles, et que d’autre part elle constitue la justification de toute politique qui en empêcherait la répétition.
Israël a tué, tue, et tuera
Autrement dit l’Etat sioniste prétend du fait de l’objectif poursuivi, celui de la sauvegarde des juifs, se situer au-delà des impératifs de la morale humaine universelle, dont le premier commandement se situe pourtant dans la Torah: «Tu ne tueras point!».
Mais justement, ce qu’a prétendu le patron de l’armée israélienne, en ce lieu d’extermination et de souffrance, c’est qu’Israël a tué, tue, et tuera tant que lui seul le jugera nécessaire, envers et contre toutes les contraintes, même celles du livre sacré sur lequel se fondent ses prétentions à l’occupation et à la colonisation de la Palestine, ou à l’expulsion des Palestiniens.
Ce n’est d’ailleurs pas autre chose qu’avait affirmé Ehud Barak alors chef de l’état major de l’armée lorsque dans les années 90 et dans les mêmes lieux, il avait regretté que Tsahal soit arrivée, avec 50 ans de retard, mais que désormais il était là, et plus jamais rien de tel ne se produirait.
La protection de la vie des juifs est-elle toutefois pour Israël un impératif ou un justificatif? La question mérite d’autant plus d’être posée que de nombreux rescapés de la Shoah vivent actuellement dans ce pays dans une extrême pauvreté et dans l’indifférence générale, en particulier celle des autorités. C’est d’autant plus incompréhensible que de nombreux juifs qui n’ont pas été déportés, comme les juifs marocains, ont reçu des autorités allemandes des compensations financières conséquentes. Certains affirment même que l’argent venu d’Allemagne a bien été versé mais que l’Etat ne l’a pas fait parvenir à ses destinataires. Cela expliquerait peut être le veto tout à fait déplacé, mis par Netanyahu, lors de l’actuelle visite du ministre allemand des Affaires étrangères en Israël, à une éventuelle rencontre avec des organismes israéliens des droits de l’homme.
Manifestation des familles des milliers de Palestiniens faisant la grève de la faim dans les prisons israéliennes.
Israël au-delà de la morale universelle
Outre la violation quotidienne des conventions de Genève contre les Palestiniens par l’Etat et l’armée israéliens, ayant entraîné une grève générale de la faim des détenus palestiniens, dont somme toute le Premier ministre se soucie peu, on comprend qu’il ne veuille pas ajouter à ses problèmes personnels en rapport avec une enquête pour des faits de corruption, d’autres liés à un scandale des réfugiés de la Shoah, qui sonnerait son glas politique.
Or les difficultés politiques du Premier ministre sont déjà importantes, une visite à la Knesset des familles des soldats tués lors de l’agression de 2014 contre Gaza s’est mal passée; elle a d’abord abouti à un échange d’invectives avec quelques députés, ensuite à des reproches acerbes adressés au Premier ministre, coupable, selon eux, de ne rien avoir fait pour éviter une guerre évitable, et de n’avoir pas d’autre politique avec les Palestiniens en dehors de la guerre.
Est-ce pour redorer son blason qu’il a quelques jours plus tard évoqué la responsabilité des Alliés qui connaissaient la réalité de l’Holocauste, qui auraient pu détruire les camps de concentration et préserver des millions de vies, mais qui n’ont rien fait?
Autrement dit, la commémoration d’Auschwitz apparaît de plus en plus par le repli sur un passé censé réunir, comme un succédané aux divisions politiques, minant une société qui traîne de plus en plus sa tare originelle, celle de la fondation de son Etat sur le meurtre, l’expulsion et l’expropriation, comme un handicap insurmontable l’empêchant d’intégrer pleinement le concert des nations civilisées, auxquelles elle s’identifie d’autant mieux, qu’elle prétend en exclure les pays voisins.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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