Mahmoud Cheikhrouhou.
Mahmoud Cheikhrouhou, le pilote ayant transporté Ben Ali de Tunis à Djeddah, le soir du 14 janvier 2011, est interdit de donner des déclarations sur l’affaire.
Par Abderrazek Krimi
Le juge d’instruction chargé d’enquêter sur l’affaire de la fuite de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali a, en effet, demandé au pilote Mahmoud Cheikhrouhou, le commandant de bord de l’avion qui a transporté ce dernier, le soir du 14 janvier 2011, vers son exil en Arabie saoudite, de s’abstenir dorénavant de donner des déclarations ou de fournir de nouvelles données sur l’affaire aux médias.
C’est, en tout cas, ce que rapporte notre confrère ‘‘Hakaek online’’, citant une source bien informée.
M. Cheikhrouhou, qui a présenté son témoignage sur l’affaire dans le cadre de la Fondation Temimi, en janvier 2017, n’a fait, ce jour-là, que rapporter des faits désormais connus par tout le monde.
Le retour précipité n’était pas au programme
Racontant les péripéties de ce qui s’est passé lors de cette fameuse soirée du 14 janvier 2011, il a affirmé que la destination de l’avion, contrairement à ce qui a été dit à l’époque, était déterminée d’avance et ce même avant l’arrivée de Ben Ali à l’aéroport militaire de Laouina. «Depuis le début, le plan de vol était clair : nous allions directement à Djeddah, sans escale et par la voie la plus rapide, celle survolant la Libye et l’Égypte», a raconté le pilote. L’ex-président était monté dans l’avion avec sa femme, Leila Trabelsi, leur fils Mohamed, alors âgé de 6 ans, leur fille Halima (18 ans) et son fiancé Mehdi Ben Gaied, ainsi que «deux nounous asiatiques et un majordome», se souvient-il encore.
M. Cheikhrouhou a, par ailleurs, déclaré, dans le même témoignage, que l’ancien directeur général de la sécurité présidentielle, le général Ali Seriati, avait déposé sa valise dans l’avion présidentielle avec l’intention d’accompagner Ben Ali, précisant qu’il avait par la suite renoncé au voyage.
Le pilote a confirmé, en outre, les déclarations qu’il avait faites, à l’époque, à propos des instructions données par l’ancien dictateur à l’équipage de l’avion de prendre un peu de repos avant le voyage du retour à Tunis, qu’il avait programmé pour quelques heures plus tard, soit dans la matinée du 15 janvier.
Selon M. Cheikhrouhou, son retour, au cours de la même soirée, sans Ben Ali, lui avait été dicté par l’ancien Pdg de Tunisair, Nabil Chettaoui, et qu’il sut par la suite que ce dernier reçut lui-même cette instruction de l’ancien ministre de la Défense Ridha Grira. Il faut, cependant, préciser que c’est le pilote lui-même qui a provoqué, indirectement, ce scénario.
Tunis-Djeddah : aller sans retour
En effet, à l’aéroport de Djeddah, l’équipage a appris ce qui se passait, au même moment, à Tunis. «La pluie était si forte que les routes étaient inondées, impossible de se rendre à l’hôtel», a-t-il raconté . En voyant sur les écrans la situation, l’équipage a organisé une réunion à la suite de laquelle M. Cheikhrouhou a pris la décision d’appeler le Pdg de Tunisair. «Je lui ai demandé si nous pouvions retourner en Tunisie. Après avoir consulté, il nous a donné le feu vert», a-t-il expliqué. Finalement, l’avion présidentiel n’est resté que deux heures et demi sur le tarmac de l’aéroport de Djeddah. Arrivé vers 1 h du matin, il est reparti au milieu de la nuit vers Tunis.
La vérité sur ce qui s’est passé réellement en cette journée du 14 janvier 2011 et des journées qui l’ont précédée et suivie n’a pas encore été totalement dévoilée. On n’en connait que des bribes d’informations, parfois contradictoires, que les différents protagonistes ont bien voulu révéler, chacun cherchant à ne pas faire accréditer la thèse du complot ou du coup d’Etat ou à éviter d’endosser une quelconque responsabilité pouvant donner lieu à des poursuites judiciaires.
Quoi qu’il en soit, les Tunisiens ont le droit de savoir les circonstances d’un acte aussi important pour l’histoire de leur pays afin de pouvoir en tirer les leçons et tourner la page.
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