Khemaies Jhinaoui.
Au moment où plusieurs pays arabes rompent leurs relations avec le Qatar, la Tunisie doit rester fidèle à son traditionnel équilibrisme diplomatique.
Par Farhat Othman *
L’actuelle mise au ban du Qatar par plusieurs pays arabes ne doit pas concerner la Tunisie dont la diplomatie se doit de rester fidèle à ses fondamentaux : une équidistance entre les intérêts divergents. C’est ce qui a fait son essence et sa force aux moments les plus délicats.
Cette tradition, le ministre des Affaires étrangères tunisien Khemaies Jhinaoui, l’a respectée scrupuleusement en déclarant: «La Tunisie suit avec préoccupation la situation dans le Golfe et les dernières décisions prises et nous ferons en sorte de dépasser cette crise. Le monde arabe connait des problèmes; et nous souhaitons que nos frères dans le Golfe trouvent un compromis afin de dépasser leurs divergences et de trouver une solution qui plait à tout le monde». Et d’ajouter: «Sincèrement, nous ne voulons pas encore plus de divisions, nous ne voulons pas encore plus de crises».
La diplomatie tunisienne doit également aussi pouvoir trouver dans cette situation délicate une occasion à saisir pour mettre fin à une anomalie datant de la période honnie de la «troïka», la coalition gouvernementale conduite par le parti islamiste Ennahdha (janvier 2012-janvier 2014) et qui a amené à la fâcheuse rupture des relations avec la Syrie.
C’est donc le moment de rétablir nos relations avec la Syrie en contrepartie de leur maintien avec le Qatar. Voilà un équilibrisme diplomatique digne du génie tunisien.
En effet, on sait que certains poids lourds de la scène politique en Tunisie refusent farouchement ce qui est devenu une nécessité absolue : le rétablissement des rapports diplomatiques avec la Syrie. Or, ces mêmes forces politiques sont opposées à la rupture diplomatique entre la Tunisie et le Qatar.
Quelle belle occasion à saisir donc pour la diplomatie tunisienne afin de redorer son blason en renvoyant dos-à-dos les ennemis du Qatar et ceux de la Syrie, la Tunisie n’étant et ne devant être l’ennemie de personne. Elle cultive l’amitié et tient à son indépendance diplomatique. Or, celle-ci ne peut l’être avec la situation actuelle de relations anormales avec la Syrie en butte à un impérialisme honteux.
Alors, que fera notre diplomatie? La fidélité à son tradition et cet esprit de sagesse encore salué récemment à l’occasion du soixantième anniversaire du ministère imposent, en confirmant l’attachement de la Tunisie à ses rapports fraternels avec le Qatar, de rétablir ceux, non moins fraternels, avec la Syrie.
Le temps est-il enfin venu pour que la Tunisie renoue avec la Syrie sœur ?
* Ancien diplomate.
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