L’ordre de démolition de la villa des époux Rahmouni, magistrats de leur état, à Hammamet, provoque une polémique pleine de leçons.
Par Abderrazek Krimi
Une décision de démolition de 19 constructions anarchiques dans la localité de Mrezga, délégation de Hammamet, a été émise par le gouverneur de Nabeul. Le propriétaire de l’une de ces constructions n’est autre que le président de l’Observatoire tunisien pour l’indépendance de la magistrature (Otim), le juge Ahmed Rahmouni.
Qui a dépassé quoi ?
Aussitôt la nouvelle relayée par les médias, M. Rahmouni, a crié à la machination et dénoncé ce qu’il considère comme une «campagne orchestrée contre lui par le gouverneur de Nabeul», Mnaouar Ouertani.
L’attaque étant souvent la meilleure stratégie de défense, le juge a considéré que les 19 décisions de démolition émises par le gouverneur, dans le cadre de la lutte contre la corruption, le visent personnellement et, en juriste méticuleux, il a pointé ce qu’il a qualifié d’irrégularités dans cet ordre de démolition.
Suivant toujours cette stratégie d’attaque, M. Rahmouni a fait état de ce qu’il a considéré comme «abus de pouvoir et autres délits» commis par le gouverneur, indiquant, en outre, qu’il a informé le ministre de l’Intérieur et le chef du gouvernement des dépassements de ce dernier.
M. Rahmouni a cru bon de préciser aussi que la construction en question n’est pas sa propriété propre mais celle de sa femme, Nabila Abid, elle-même juge, et que les documents de propriété et de la situation foncière du terrain qu’elle détient sont en règle.
Grand donneur de leçons devant l’Eternel, le juge Rahmouni, qui a toujours fait de la lutte contre la corruption son sujet de prédilection et son cheval de bataille, a-t-il été pris à son propre piège? Si un citoyen qui enfreint la loi, même par ignorance, ne peut pas être exonéré de ses responsabilités, que dire alors lorsqu’il s’agit d’un magistrat, supposé veiller au respect de cette loi?
La loi s’applique-t-elle aussi aux juges ?
M. Rahmouni est en principe le plus habilité à savoir que la possession de documents légaux de propriété d’un terrain ne donne pas d’office droit à la construction d’une maison. Il faut aussi une autorisation de bâtir en bonne et due forme émise par la municipalité de la région et qui dépend de plusieurs facteurs autres que la propriété du terrain : l’aménagement de la zone dans laquelle se trouve le terrain, le rapport entre la superficie à bâtir et la superficie totale du terrain, le respect du retrait par rapport à la voie publique et aux voisins, critères que M. Rahmouni ne semble pas avoir respecté.
D’où la décision de démolition qui a concerné 19 maisons, c’est-à-dire 19 citoyens contribuables, et le fait d’être magistrat ne donne, à notre connaissance, aucune dérogation. Et M. Rahmouni, le chevalier blanc de la lutte contre le népotisme, la corruption et les passe-droits, le sait sans doute mieux que nous tous…
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