Le traitement judiciaire qui sera réservé à l’affaire du couple de juges Rahmouni-Abid sera un test grandeur nature de l’impartialité de la justice tunisienne.
Par Abderrazek Krimi
Le juge d’instruction près le tribunal de première instance de Tunis a auditionné, mardi 13 juin 2017, la déposition du juge Ahmed Rahmouni et de son épouse, la juge Leila Abid.
Les deux magistrats avaient déposé une plainte à l’encontre du ministre de l’Intérieur Hedi Majdoub, du gouverneur de Nabeul Mnaouar Ouertani et du président de la délégation spéciale de la municipalité de Hammamet, au sujet de la décision de démolition émise par le gouvernorat de Nabeul concernant 19 constructions non-autorisées à Mrezga, délégation de Hammamet, dont une villa propriété du couple.
Le juge Rahmouni, par ailleurs président de l’Observatoire tunisien de l’indépendance de la justice (Otim), qui a contesté cette décision, a accusé le gouverneur de Nabeul de le viser personnellement, à travers sa décision. Se prévalant du titre de propriété du terrain sur lequel a été construite la villa, il a déclaré à la presse que la décision de démolition est illégale et injustifiée.
Cette affaire, du reste assez banale, si l’on tient compte du nombre de bâtiments démolis quasi quotidiennement parce que construits sans autorisation municipale, risque de prendre de l’ampleur, eu égard la personnalité et la position des deux plaignants. Elle constitue, en effet, un test grandeur nature du degré d’impartialité de notre justice, qui a milité des décennies durant pour son indépendance, qu’elle vient d’ailleurs d’acquérir, en droit et en fait, par la reconnaissance de cette indépendance par la constitution de 2014 et par la mise en place du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
La question que se posent les observateurs est de savoir si la justice, dans cette affaire particulière, sera en mesure d’imposer le respect de la loi quelle que soit la partie concernée et de résister à l’esprit corporatiste, devenu une spécificité tunisienne depuis la révolution de janvier 2011, et qui a souvent caractérisé le corps de ma magistrature au cours des dernières années.
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