Youssef Chahed a de bonnes raisons de reporter l’annonce du remaniement de son gouvernement pour après l’Aïd El-Kebir, qui sera célébré le 1er septembre 2017.
Par Ridha Kéfi
Kapitalis a, en effet, appris que le chef du gouvernement a demandé une séance extraordinaire à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour expliquer aux députés les priorités et les urgences de son gouvernement et la démarche qu’il veut suivre dans le choix des hommes et des femmes à ses yeux susceptibles d’aider le pays à sortir de l’ornière de la crise où il s’enfonce davantage chaque jour.
Une question de critères
Selon nos informations, le président de l’ARP, Mohamed Ennaceur, n’a pas encore répondu à la demande de M. Chahed. Bureaucratie ? Concertations ? Manque de volonté ? Ou est-il lui aussi l’otage des deux partis majoritaires, Nidaa Tounes et Ennahdha, qui continuent de faire pression sur M. Chahed et cherchent à lui imposer leurs hommes, dans une logique de défense des intérêts partisans et sans tenir compte des exigences de la phase difficile que traverse le pays ? On peut sérieusement le penser.
On peut penser aussi que M. Chahed n’est pas disposé à se faire dicter des incompétents et des bras cassés pour des postes clés, sachant qu’il demeure, au final, le principal responsable des échecs éventuels ou des erreurs que commettraient ces derniers.
On voit déjà les dirigeants de Nidaa et d’Ennahdha, qui connaissent bien la chanson, monter sur leurs grands chevaux pour renier leurs responsabilités dans la grave crise que traverse le pays et en faire imputer la responsabilité exclusivement au chef du gouvernement.
Eviter les erreurs de casting
Par ailleurs, M. Chahed ne veut pas commettre les erreurs du passé, et notamment celle relative à la nomination de Fadhel Abdelkefi à la tête du ministère du Développement économique, de l’Investissement et de la Coopération internationale, dont on a découvert par la suite qu’il est poursuivi en justice par la direction générale de la douane tunisienne, institution dont il avait la tutelle en tant que ministre des Finances par intérim.
Pour parer à une nouvelle erreur de casting, le chef du gouvernement a ordonné à ses services d’enquêter sur les éventuels prochains titulaires des postes ministériels et d’examiner à la loupe leurs parcours, actifs et passifs. Ce qui, on l’imagine, demande un peu de temps.
Le gouvernement actuel, qui compte de nombreux incompétents dont l’apport a été quasi-nul et qui ont constitué même des obstacles sur la voie des réformes engagées par M. Chahed, doit certes être remanié profondément, les bras cassés devant être remplacés par des hommes et des femmes capables d’impulser une dynamique nouvelle dans leurs secteurs respectifs, mais le locataire de la Kasbah a de bonnes raisons pour ne pas se précipiter, prendre son temps, affiner ses choix et constituer la meilleure équipe possible, eu égard aux défis actuels et à venir. La meilleure équipe, disons-nous, et non la plus représentative du poids présumé des forces politiques en présence. C’est là, en tout cas, tout le mal que nous souhaitons à M. Chahed et à la Tunisie.
Reste, cependant, que le temps est compté et M. Chahed doit finaliser le budget de l’Etat et la loi de finances pour 2018, une année qui sera encore plus difficile que celle en cours. L’exercice, on l’imagine, nécessitera des arbitrages et sans doute aussi des sacrifices et on ne peut continuer à louvoyer et à faire perdre du temps à un gouvernement qui a le couteau sous la gorge.
A trop tergiverser, en pensant davantage au partage du gâteau (y en a-t-il d’ailleurs vraiment?) qu’à l’intérêt supérieur du pays, on va peut-être contraindre le chef du gouvernement à faire un passage en force, qui n’est pas dans son tempérament ni dans sa culture politique.
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