Il est maintenant impossible de faire confiance à Béji Caïd Essebsi, car qui a trompé une fois peut encore tromper; et cela les Tunisiens ne le supporteront plus.
Par Rachid Barnat *
Quand Béji Caïd Essebsi dit dans son entretien au journal ‘‘Essahafa’’ : «On a fait une fausse évaluation et que l’alliance n’a pas permis de ramener Ennahdha au club des partis civils», de tels propos laisseraient entendre qu’il regrette son alliance avec les Frères musulmans et qu’il n’écarte pas l’idée d’y mettre un terme.
Ce qui a permis à un membre du bureau politique de Nidaa Tounes d’avouer à Myriam Belkadhi sur El-Hiwar Ettounsi, qu’il n’a jamais cru aux déclarations de Ghannouchi que son parti n’est pas membre des Frères musulmans, qu’il sait qu’Ennahdha est au service d’un agenda étranger et qu’il est toujours financé par le Qatar, laissant entendre que Nidaa Tounes fait semblant de croire les dénégations de Ghannouchi !
Une alliance qui n’avait pas de raison d’être
Que peut-on en penser? Le fil est un peu gros! Voilà qu’inévitablement des élections approchent (municipales et autres) et le vieux renard politique se dit que l’alliance qu’il a formée, début 2015, risque de lui coûter cher, à lui et à son parti. Il a de toute évidence entendu le procès en trahison qui lui a été fait par beaucoup de ses électeurs et, notamment les femmes, et il veut reprendre la main.
Il nous dit d’abord, et c’est sa justification depuis toujours, qu’il n’avait pas eu d’autres choix à l’époque, puisque tout en étant en tête des suffrages, il avait dû composer et que d’autres partis «civils», comme il dit, n’avaient pas accepté de faire alliance avec Nidaa, par allusion, surtout, au Front populaire (FP).
Les Tunisiens sont, en effet, bien conscients de l’incapacité de beaucoup de partis, de voir autre chose que leurs petits intérêts immédiats et d’accepter des compromis dans l’intérêt général, mais la thèse de Béji Caïd Essebsi n’en est pas moins contestable.
Face à ce refus d’alliance des partis «civils», la faute a été d’avoir accepté voire cherché l’alliance avec Ennahdha, une alliance contre nature, on ne le dira jamais assez, puisque tout oppose ces deux formations, en dehors, peut-être, de leur libéralisme échevelé ! Et cette opposition est au-delà de la politique et de la gestion du pays. C’une opposition de civilisation et les Tunisiens s’en rendent compte tous les jours.
La duplicité des islamistes n’a d’égal que celle de Caïd Essebsi
Dans ces conditions, M. Caïd Essebsi se devait de refuser cet alliance, de revenir devant les électeurs, d’être ferme sur les principes de son camp et, nul doute que les électeurs se seraient ressaisis. En tous cas, la question fondamentale de l’avenir de ce pays aurait été posée clairement.
Au lieu de quoi, rien n’a été tranché; on s’est contenté de demi-mesures et l’on voit où l’on en est arrivé sur le plan sociétal avec une islamisation rampante de la société, des mosquées devenues tribunes politiques, les assassinats politiques de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi toujours non élucidés, l’instrumentalisation de la religion toujours prégnante au niveau politique et rien n’est fait contre les financements étrangers et contre l’envoi de jihadistes sur les terrains de guerre. Un échec complet !
Alors peut-on vraiment croire que Béji Caïd Essebsi ait cru qu’Ennahdha allait s’améliorer, et devenir un parti comme les autres ? Il faudrait qu’il ait été bien naïf. Or c’est tout le contraire qu’a montré sa longue carrière politique.
Non. Ce qu’il a cru, c’est qu’il pourrait dominer Ennahdha, et peut-être rééditer le «coup» de François Mitterrand, en France, qui a dominé, en son temps, le Parti communiste français.
Mais c’était oublier la force des partis islamistes qui usent de la tromperie, du double langage, de la «taqiya», mais ne cèdent jamais et ont le temps pour eux.
Béji Caïd Essebsi ne peut ignorer cela, lui qui les a bien connus pour les avoir combattus sous Bourguiba.
Quoiqu’il en soit, il est maintenant impossible de lui faire confiance. Qui a trompé peut encore tromper; et cela les Tunisiens ne le supporteront plus.
D’ailleurs sa duplicité apparaît encore au grand jour lorsqu’après avoir dit qu’il s’était trompé sur Ennahdha, il approuve un gouvernement où non seulement ce parti reste mais gagne encore du pouvoir ! Certains l’on interpellé sur cette contradiction : elle est le signe d’un nouveau mensonge.
Il faut absolument que d’autres politiques prennent la relève et décident clairement de ne plus accepter ces partis religieux qui, partout où ils ont été, n’ont fait que du mal aux pays.
Il faut donc que de nouvelles alliances se fassent avec les progressistes et une Tunisie gouvernée clairement au centre gauche, ouverte sur l’Europe, tournant délibérément le dos à l’islamisme politique et au wahhabisme qui le fonde, est la seule solution pour sauver ce pays de la régression qui a déjà si fortement commencé.
Certains diront que cela est risqué et que ne pas voter la prochaine fois pour Nidaa Tounes risque de donner la majorité aux islamistes. Je n’y crois pas. Et à l’extrême, mieux vaut que les choses soient nettes plutôt que cet entre-deux qui ne mène à rien. Et qui maintient le pays dans une interminable crise générale.
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