Un collectif d’Ong dénonce, dans un communiqué, une violation flagrante de l’autonomie de l’université et une atteinte sans précédent à la liberté académique.
Le président de l’Université de Tunis, le professeur Hmaied Ben Aziza , le directeur de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales de Tunis (Essect), le professeur Soufiane Ghali et le secrétaire général de la même institution, Soltane Trabelsi, viennent d’être convoqués à comparaître devant la sous-direction des affaires criminelles au poste de police d’El Gorjani pour être entendus à propos d’une action en justice intentée par une enseignante de l’établissement précité en désaccord avec l’administration de son institution pour des raisons professionnelles et pédagogiques.
Le déclenchement de l’affaire remonte au milieu de l’année universitaire écoulée lorsque la plaignante a refusé de corriger la copie d’un étudiant autorisé par le Conseil scientifique de l’institution à passer un examen à une date ultérieure à la date initiale qui avait coïncidé avec le décès de son père.
A la suite du refus obstiné de l’enseignante de s’acquitter de ses obligations (la correction de la copie d’examen dans un premier temps et la remise de la copie ainsi que le versement de la note dans un second temps, après avoir consenti à sa correction), l’Université de Tunis a demandé sa comparution devant le conseil de discipline. Mais le ministère, en sa qualité d’autorité de tutelle compétente en la matière, n’a pas daigné réagir durant les mois consécutifs à sa réception du dossier.
Les trois responsables ont, en revanche, été convoqués dans une étrange inversion des rôles, par un poste de police spécialisé dans les affaires criminelles, à un interrogatoire dans le cadre de l’action intentée par l’enseignante, non en leur qualité de responsables scientifiques et pédagogiques mais en leur nom personnel.
Les associations et organisations signataires, profondément consternées et vivement scandalisées par le tournant dangereux pris par les événements en rapport avec un problème pédagogique ordinaire qu’il aurait été possible de circonscrire et de traiter conformément à la loi si l’autorité de tutelle était intervenue à temps pour ce faire, ce qui constitue un précédent dans l’histoire de l’Université tunisienne :
– considèrent cette convocation comme une atteinte préméditée à l’image de marque de l’universitaire, une ingérence inadmissible des pouvoirs publics dans la vie universitaire, une atteinte à l’autonomie de l’institution universitaire dans la gestion des examens, que garantissent les textes réglementaires en vigueur et comme une violation manifeste des libertés académiques garanties par la Constitution tunisienne, au sujet d’une affaire interne d’ordre pédagogique, gérée par les instances scientifiques concernées avec la souplesse et la détermination nécessaires;
– expriment leur ahurissement devant l’attitude de l’autorité de tutelle marquée une absence totale et une passivité préjudiciable face à un contentieux d’ordre professionnel qu’elle aurait dû circonscrire et régler elle-même, soit en traduisant l’enseignante devant le conseil de discipline ou en demandant aux responsables universitaires de rendre des comptes au cas où ils auraient commis une faute professionnelle prouvée par une enquête interne;
– appellent l’autorité de tutelle à se rattraper et à faire le nécessaire pour clore cette affaire, préserver l’inviolabilité et l’autonomie de l’Université et s’opposer aux tentatives destinées à porter atteinte aux libertés académiques;
– craignent que les derniers développements de l’affaire ne soient le prélude à une campagne qui dénigre les universitaires et qui défigure l’image de l’Université à la veille du démarrage du processus électoral en vue d’élire les organes directeurs des institutions universitaires. Cette crainte est d’autant plus fondée que Le Professeur Hmaïed Ben Aziza a fait partie du cercle des présidents d’université et des universitaires (représentés par la Fédération générale de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique) unanimes dans leur rejet des modifications improvisées et non concertées que l’autorité de tutelle avait tenté d’apporter, au cours de l’année universitaire écoulée, aux textes organisant les élections;
– assurent les responsables universitaires convoqués par la police de leur entière solidarité et appellent la société civile à la vigilance pour protéger les libertés académiques et pour déjouer toutes les tentatives destinées à porter atteinte à l’autonomie de l’Université et qui sont un prélude à la restriction des libertés publiques et des libertés individuelles dans l’ensemble du pays.
Les organisations et associations signataires :
Association tunisienne pour la défense des valeurs universitaires;
Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme;
Association Vigilance pour la démocratie et l’Etat civique;
Association tunisienne des femmes démocrates;
Association Lam Echaml;
Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement;
Association pour la recherche sur la transition démocratique en Tunisie;
Centre de Tunis pour la liberté de la presse;
Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie;
Forum tunisien des droits économiques et sociaux;
Association arabe des libertés académiques;
Organisation tunisienne contre la torture;
Tropiques cognitives.
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